A B R E G E C H R O N O L O G I Q U E D E L H I S T O I R E
entreprise, et Morâd envoyoit en conséquence un de ses officiers à Barsabây I
L ’empereur Turc, qui pour lors inspirait de la crainte, décida Malek el-Achraf en I
faveur de Jacques. Celui-ci congédia le commandeur , dont il garda les présens, et I
fournit une armée au prétendant, qui l’acheta en sequins Vénitiens. Avec ces troupes, I
Jacques chassa sa soeur de l’île de Chypre, dont il plaça la couronne sur sa propre I
tête. Il épousa ensuite Catherine Cornaro, qui fut richement dotée, et titrée de fillt I
de Saint-Marc par le sénat de Venise, lequel s’acquit par-là des droits futurs à la I
possession de l’île. Jacques régna moins qu’il ne vécut l’esclave de la république, I
et le vassal du sultan Mamlouk, à qui il paya en ducats les redevances auxquelles il I
s’étoit engagé.
Après cette expédition, l’armée Egyptienne retourna auprès de son souverain I
qui vécut jusqu’en 8 41, et mourut après avoir régné dix-sept ans. Ce sultan avoit été I
acheté par Daqmaq, Mamlouk de Berqouq, et émyr de la garde de ce prince, à qui I
il l’avoit donné. Le maître dont il portoit le surnom est demeuré ignoré, et l’esclave I
s’est rendu célèbre dans l’histoire. En passant par tous les grades qui le portèrent à I
la souveraineté, il avoit été choqué de la coutume humiliante qui consistoit à se I
prosterner aux pieds des sultans pour les baiser. Arrivé au trône, il abolit cet usage I
avilissant, et le remplaça par le simple bâfse-main. Le prosternement, qui tient de I
l’adoration, fit probablement regarder par les hommes des premiers siècles les !
souverains comme autant de géans, et les fit représenter ainsi sur les monumens |
Egyptiens. Barsabây pensoit, sans doute, qu’il n’y avoit nulle comparaison à faire Je I
la distance qui est entre un prince et ses sujets, avec celle qu’il y a entre le prince cl I
Dieu, à qui seul les adorations sont dues. Il mourut avec la douce consolationI
d’avoir rendu son peuple heureux, et alla goûter dans l’autre monde la récompense I
de tout le bien qu’il avoit fait dans celui-ci.
Yousef son fils, décoré après lui du titre de Malek el-A’zyz, roi chéri, eut le son|
d’Ahmed fils de Mahmoudy : il fut dépossédé par Gaqmaq, son tuteur, qui se foi •
reconnoître, en 84a , Malek el-Mansour, à l’âge de soixante-neuf ans. Il régnoit
déjà depuis deux années, lorsque la peste vint renouveler ses ravagés dans toutej
l’Egypte : elle ne se dissipa qu’après setre gorgée de victimes. Il ne se passa ensuite j
rien de remarquable jusqu’en 846, époque de la mort du khalyfe Moa’tededj
qui remplit pendant trente ans le siège pontifical, et mourut au milieu des homme j
vertueux dont il s’étoit entouré. Il légua le khalyfat à son frère utérin, que l’ouj
nomma Mostakfÿ b-illah.
Mostakfÿ devint l’ami et le conseiller de Gaqmaq, employa les huit années de vie H
qui suivirent son inauguration, à toute sorte d’oeuvres pies, et mourut en 854. Sa j
mort fut un deuil général, et sa pompe funèbre, digne d’un pontife aussi aimé qu’il
l’étoit. Le peuple, pressé autour de son cercueil, chantoit ses louange en récitant■
ses bienfaits. Les grands du royaume portèrent ce cercueil, et le sultan partageaI
avec eux 1 honneur de le soutenir de temps en temps de ses propres épaules jusqu’au
lieu de la sépulture.
On donna à Mostakfÿ, mort intestat, son frère pour successeur; on le saluai
Qâym b-amr-allah. Ce khalyfe mena une conduite tout-à-fait opposée à celle d e l
D E S M A M L O U K . S D ’ E G Y P T E . I j j
son frère, et en rendit la perte plus sensible au sultan, qui,, accablé sous le poids
de quatre-vingts années et ne se sentant plus la force de gouverner, abdiqua en fàveur
de son fils O’tmân, et mourut en 8yy, dans la même année que Mohammed II
s’emparoit de Constantinopfe et détruisoit l’empire Grec.
Otman,, nommé Midek el-Mansour comme son père, vit son règne déchiré
par une insurrection des ëmyrs, que le khalyfe avoit excités contre lui, dans l’espoir
que, plus heureux que Mostaÿn b-illah, il la feroit tourner à son profit. Il est vrai
qu’O’tmân en fut la victime ; mais le khalyfe, qui s’attendoit à être élu à sa place,
eut le déplaisir de voir proclamer, en 856, Malek el-Achraf, roi très-noble, un
vieux Mamlouk, nommé Ynâl ou Aynâl.
Le grand âge du nouveau sultan fit patienter le khalyfe huit années consécutives ;
mais enfin, las d attendre, il se détermina à exécuter ce qu’il projetoit depuis longtemps.
Il ne savoit pas que Belqyny, frère utérin du Belqyny qui ruina Mosta’yn, et
qui etoit lame du conseil du vieux Ynâl, surveilloit ses pas tout en veillant à la
sûreté de son souyerain. Belqyny découvrit le complot, et vint en révéler le secret
à Ynâl, qui fut d’autant plus étonné de cette découverte, que le khalyfe le flattoit
davantage. II le fit comparoître en sa présence, lui reprocha sa conduite atroce en
tennes amers, le déposa, et ordonna à Belqyny de prendre acte de cette déposition.
Le khalyfe n’eut pas plutôt entendu de la bouche du sultan qu’il étoit déchu,
que, semblable au scorpion qui se tue de son propre venin, il riposta audacieusement
a Ynal . C est moi qui te dépose et me dépose moi-même ; bravade qui n’aboutit qu’à
accélérer sa chute. On 1 exila à Alexandrie, où il mourut peu de temps après.
Gelâl el-dyn se complaît à faire remarquer le jeu de la fortune, qui enveloppa
dans la même disgrâce deux khalyfes, frères utérins, qui la durent à deux cheykhs,
frères utérins de même, et qui, tous deux relégués à Alexandrie, y eurent le même
logement et y occupent le même tombeau.
Son frère Yousef le remplaça avec le titre de Mostanged b-illah. Le sultan Ynâl
ayant survécu deux ans à ces troubles, et traîné son règne au milieu des destitutions’
de nombre de vizirs,s’éteignit, en Sôy.surun trône qui avoit manqué de lui échapper.
Son fils Ahmed lui succéda avec le titre de Malek el-Moyed. Il régna cinq moisi
et frit remplacé par Kochaqdam el- Nâsry, que les émyrs saluèrent Malek el-Dâher.
Kochaqdam, Grec d’origine, avoit été vendu ou cédé à Farag, qui l’avoit incorpore
dans ses Mamlouks, après lui avoir fait embrasser la religion Mahométane.
eut 1 amenitç des moeurs Grecques, et son administration fut heureuse. Comme
il etoit débonnaire, il sut s’entourer de ministres probes, qui le rendirent l’ami de
son peuple. Au lieu d’avoir cette rudesse de caractère que les Musulmans en général
doivent a la-dureté de leur loi, il étoit doux, affable, et il fut, heureusement pour
les Egyptiens qui vécurent sous son règne, du nombre des bons princes. Ses serviteurs
et ses courtisans calquèrent leur conduite sur la sienne ; je veux dire qu’ils imitèrent
e len qu 1 s ui viient faire. Le khalyfe lui-même, qui partageoit son palais et avoit
son amitié entière, ne manqua jamais aux devoirs de premier ministre du culte, et
neut d autre ambition que celle d’entourer le sultan de tous les avis qui concou-
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