
même route, on voit une ou deux Luttes de terre noire mêlce de d é b r i s d e
poterie; ce sont des hauteurs sur lesquelles étoient autrefois des villages (i).
Il y a deux ans (2) que les habirans d’Edkou sollicitèrent la rupture d’une
longue digue qui s’étend sur le bord du Nil, et qui préserve le territoire de
Deyrout : cette demande fut inconsidérément accordée, et la digue fut coupée
a une demi-lieue au-dessus de Deyrout. Les eaux du Nil se portèrent alors en
grande quantité dans le lac. En 1800, l’inondation ayant été très-forte, les eaux
ont aussi afflué dans le lac avec abondance. Ces eaux, qui n’étoient point retenues
dans un canal, ont passé sur une très-grande partie des terres de Deyrour
elles les ont sillonnées dans toute sorte de sens, et les ont mêlées d’une grande
quantité de sable ; deux circonstances également propres a empêcher la culture
du riz; la première, parce qu’elle ne permet pas que le terrain soit nivelé de
manière à recevoir les arrosemens artificiels ; la seconde, parce que le sable ôte
à la terre la faculté de bien faire croître cette plante : car il est à remarquer que
toutes les terres dans lesquelles on la cultive , sont extrêmement noires, même
dans la plus grande sécheresse; ce qui indique qu’elles ne contiennent aucune
partie de sable. Il faudroit fermer la digue si imprudemment rompue, pour
rendre les terres de Deyrout à leur ancienne fertilité ; ce qui ne peut se faire
quavec beaucoup de temps, de travail et de dépenses.
Edkou, sur la route de Rosette à Alexandrie, ressemble plutôt à une petite
ville qu’à un village. On y voit plusieurs minarets : les maisons y font bâties en
briques cuites, de la même manière qu’à Rosette ; elles sont grandes et à plusieurs
étages. On ne voit dans cet endroit aucun gros bétail ; il n’est habité que
par des pêcheurs. La population a augmenté par la destruction récente des
villages voisins d’Abouqyr.
Les sables que la mer fait continuellement sortir de son sein, et que les vents
du nord portent sur Edkou, ont déjà enseveli une partie de la ville, et ils I
s’avanceront toujours davantage, ainsi qu’il arrive à Rosette, qui est dans la même
position.
Le lac situé près d’Edkou est très-pcÿssonneux, et la pêche forme pour les
habitans et pour le Gouvernement un revenu considérable. Ce lac est un simple
bas-fond, qui dans aucun endroit n’a plus d’un mètre au-dessous du niveau de
la mer. Il reçoit les eaux du Nil au temps de l’inondation : quand celle-ci est
très-abondante, les eaux se jettent dans la mer, non loin du lac d’Abouqyr, près
de l’okel ou caravansérail appelé par les Français Maison carrée.
Cet okel est bâti en pierre, et fort solidement. Lorsque les eaux du lac
communiquent avec la mer, ses murailles sont baignées par l’eau. La communication
avoit, en 1800, de six à sept mètres de profondeur, 6t trente à
(1) Dans cet endroit, nous avons observé que la vé- au temps, ce qui esta peu près exact, ces tiges vraiment
getation des plantes est extraordinairement rapide en extraordinaires ont cru chaque jour de quatre centi-
Egypte. En cinquante jours, nous avons vu du blé de mètres, et, chaque heure, de la sixième partie d’un cen-
Turquie acquérir cinq pieds de hauteur; quelques tiges timétre.
mêmes avoient plus de six pieds ou environ deux métrés. (2) Il faut se souvenir que l’époque à laquelle ces
Ainsi,en supposant que la croissance soit proportionnelle notes ont été écrites est l’année 1800.
trente-cinq métrés de largeur. Les sables que la mer apporte, suffisent ordinairement
pour la fermer. Ce même endroit est le madyeh, ou passage dont il est
parle dans les voyageurs modernes ; car de leur temps la rupture des digues
d’Abouqyr n’avoit pas encore eu lieu (1
En 1800, le lac d’Edkou a reçu, outre les eaux qui lui sont venues par
Deyrout, celles dune partie de la plaine de Damanhour, par une coupure qui
a été fait« dans les digues du canal d’Alexandrie près de Senhour; ce qui dénote
les niveaux respectifs de .ces deux points. Enfin ce lac a reçu encore les eaux
de la coupure appelée Abon-Gâmous, près de KafrMehalletDâoud, par le bas-fond
que nous regardons comme l’ancienne branche Canopique. Cette dernière voie
est, au rapport des habitans du pays, la seule qui, précédemment, conduisoit
les eaux dans le lac.
Si l’on rétablissoit bien les,.digues de Deyrout, on rendroit tout son territoire
à la culture ; on augmenterait le produit de la pêche du la c fe t , chaque année,
une suffisante quantité d’eau parviendrait par la coupure appelée Abou-Gâmou's.
Peut-être par-là les bords de l’ancienne branche Canopique se repeupleraient
insensiblement. Mais il faut faire attention que la pente de Deyrout au lac est
très-rapide : si l’on pratiquoit un canal en cet endroit, il pourrait devenir trop
large et entraîner de grands dégâts.
Lorsque 1 inondation a été foible, ou lorsqu’on a négligé d’ouvrir les digues
qui doivent laisser passer les eaux du Nil dans le lac d’Edkou, alors celui-ci est
réduit à une petite étendue ; l’eau en est entièrement salée, et la pêche est fort peu
abondante.
§. III.
L ac Mareotis.
L e s rives de 1 ancien lac Mareotis n’étoient pas, comme on l’a cru, totalement
effacées à l’époque de l’expédition Française en Égypte (2). En partant de Beydah
et suivant le canal d Alexandrie, nous avions remarqué, après trois quarts d’heure
de marche, à environ cinquante ou soixante mètres du canal, une pente rapide:
à une ou deux lieues d’Alexandrie, cette même pente étoit tout auprès du canal;
sur la crete de celle-ci, on voyoit, de distance en distance, des vestiges de murailles,
non plus en brique, mais en pierre calcaire. Le terrain d’en bas étoit
constamment humide, et même renfermoit plusieurs flaques d’eau salée; il étoit
aussi beaucoup plus sablonneux que les autres terrains de l’Égypte.
Belon rapporte avoir vu le lac Mareotis plein d’eau. Cela est aisé à concevoir;
car, lorsque les eaux du Nil sont dans leur plus grande élévation, toute la plaine
qui est a la gauche du canal se remplit d eau, qui y demeure jusqu’au retour du
printemps : cette eau ne diminue point beaucoup pendant l’hiver, à cause de la
(0 Ityeç le Mémoire sur le canal d’Alexandrie, ci- que ces observations ont été recueillies, nous avons cru
esst11 ,pag. iS, , note i. cependant devoir les conserver ici telles que nous les
W Quoique les lieux aient beaucoup changé depuis avons consignées dans notre journal de voyage.