habitée que dans le temps de la récolte. Nous n’avions point encore trouvé de
station aussi agréable.
S E I Z I È M E J O U R N É E .
Nous ne fûmes pas aussi heureux le lendemain ; nous- passâmes la journée et
la nuit dans des montagnes et des vallées arides, sans rencontrer la plus légère
apparence de végétation.
D I X - S E P T I ÈM E JOURNÉ E .
Le dix-septième jour enfin, après avoir traversé avec nos chameaux des montagnes
que souvent nous avions de la peine à gravir à pied, nous arrivâmes au
couvent de Sainte-Catherine.
Un des deux frères qufnous avoient accompagnés jusqua Tor, étoit allé nous
annoncer parle chemin le plus court. Nous étions attendus avec autant d’impatience
que d’inquiétude. Une lucarne élevée au-dessus des murs, qui ont de dix
à douze mètres [trente à trente-six pieds] de hauteur, est la seule entrée de cetie
solitude (i); elle couvre une large poulie sur laquelle passe un gros câble qui sc
roule autour d’un tambour établi dans une sorte de parloir; on descend ce câble,
terminé par un anneau de corde dans lequel se place celui qu’on veut élever; le
tambour est tourné avec des leviers croisés, semblables à ceux qui sont employés
sur les ports pour retirer les pierres des bateaux.
Les pères, étant venus nous recevoir, nous firent l’accueil le plus flatteur, et
nous conduisirent au quartier des étrangers : nous y restâmes cinq jours, pendant
lesquels nous visitâmes le couvent et les lieux saints qui l’environneqt.
Ce couvent, dont les murs, d’enceinte-forment un carré de cent soixante-deux
mètres environ [ou quatre-vingt-quatre toises'] de côté, et sont construits en blocs
de granit d’un demi-mètre environ [dix-huit pouces] de hauteur.sur une largeur un
peu plus grande, est situé au pied du mont Khouryb ou Horeb.
L ’intérieur du couvent se ressent de l’inégalité du terrain sur lequel il est situé:
il est composé d’un grand nombre de bâtimens irréguliers construits sur differens
plans, et renferme une grande église dédiée à S.Ie Catherine, vingt-six chapelles qui
ont autant de patrons differens, une mosquée (2), des cellules simples qui communiquent
à des galeries extérieures et couvertes en bois, une galerie semblable avec
plusieurs chambres pour les étrangers, des celliers, et quelques fabriques pour les
choses nécessaires à l’existence des religieux-jet à l’entretien du couvent.
Six religieux et vingt-deux frères habitent cette sainte prison. L ’égliser est composée
de trois nefs séparées par des colonnes de granit qui supportent un' plafond en
bois peint en très-beau bleu et parsemé d’étoiles d’or. Le sanctuaire est fermé par
une belle boiserie sculptée et dorée. L ’autel est en marqueterie de nacre et d’écaille
• d’un fort beau travail. La chaire est en marbre, et le siège de l’évêque en bois
(1) Il existe cependant une porte cochère, mais elle (2) L e s religieux nous ont dit que cette mosquee avoil
est murée et en partie couverte de terre : elle ne s’ouvre été construite à l’époque où des Arabes etoient employer
que pour recevoir la visite du patriarche. au service intérieur du couvent.
sculpté et doré ; le fond est orné d’un tableau peint sur bois, où l’on voit, dans une
perspective (1) mal faite, des détails très-exacts du couvent. Les murs sont couverts
d’assez mauvais tableaux peints sur bois, et le pavé est en marbre, granit et
s e r p e n t i n ( 2 ) .
Les murs d’enceinte sont crénelés : de petits bastions aux quatre angles portent
des embrasures couvertes par de petites pièces de deux livres de balle. Ces canons
n’ont jamais tiré<que pour faire du bruit dans la montagne.
L’arsenal consiste dans un petit nombre de fusils à mèche, dont les moines
ont été quelquefois obligés de se servir contre des Arabes qui venoient piller leur
jardin situé à l’extérieur, et entouré de murs plus bas et plus foibles que ceux du
couvent. On communique dans le jardin par un souterrain fermé d’une porte
doublée en fer. Il est assez grand, mais mal cultivé. Il produit cependant des
légumes, dont quelques-uns sont semblables aux nôtres, mais moins bons. Il est
en outre planté-de vignes, d’amandiers, d’orangers, de citronniers, d’abricotiers,
de pommiers, de poiriers et d’oliviers. Les arbres, mal entretenus, mal taillés,
rarement greffes, produisent des fruits d’une médiocre qualité, mais qu’on trouve
délicieux dans un pays où ils sont si rares. Les religieux ne connoissent que la
greffe en fente ; je leur ai appris la manière d’écussonner et de multiplier la vigne
par crossettes.
L’eau est abondante dans la maison, et le jardin est traversé par un ruisseau
dont la source donnoit encore plus de trois pouces d’eau, quoiqu’il ne fut pas
tombé de pluie sur la montagne depuis un an, et que la plupart des sources fussent
taries.
La vie des religieux est très-frugale. L ’industrie des frères se réduit à très-peu de
chose; ils font de l’huile, un peu de vin avec le raisin de leur treille, de l’eau-de-vie
avec des dattes -, des figues et des raisins secs ; ils ne font qu’entretenir et tirent du
Kairétoutes leurs provisions, qui leur sont apportées par les caravanes et envoyées
de cette ville par le principal couvent. Celui-ci s’enrichit des aumônes des Chrétiens,
qui espèrent obtenir ainsi les dons du ciel par les prières des religieux du
montSmaï. Si l’on excepte l’office du matin et quelques prières récitées le soir, ces
pieux cénobites passent leur temps à ne rien faire. Une bibliothèque assez belle,
composée d’un grand nombre de volumes Grecs, ne nous a pas paru fréquentée.
Tous parlent grec : il n’y a qu’un très-petit nombre de frères qui entendent et
parlent l’arabe ; ce sont ceux qui font le voyage du Kaire pour les affaires du couvent.
D I X -H U I T I ÈM E E T D I X - N E U V l È M E J O U R N É E S .
Le mont Khouryb ou Horeb, au pied duquel est situé le couvent, est un mamelon
situé au nord, où l’on passe pour aller sur lemont Sinaï (3). A cinquante toises
(>) Voyez planche ioj, E. M . vol. II. (3) Généralement on porte sur les cartes le mont Horeb
(2) W n’y a point de cloches dans le couvent : on et le mont Sinaï comme deux pics à une petite distance
appelle à la prière, ainsi qu’aux differens exercices, en l’un de l’autre; c’est une erreur: le mont Horeb est un
nappant avec un petit maillet une longue planche de mamelon de la montagne de Sinaï ; le pic qui en est
hêtre qui est suspendue horizontalement par les deux séparé à l’est, est celui de Sainte-Catherine, un peu plus
extrémités, ¿levé.
É . M . T O M E II. 0o