Ils ont des aiguillettes d’or séparées, alliées à différons titres; ils frottent sur
la pierre de touche, qui est de même nature que celle dont on se sert en
Europe, le morceau d’or qu’ils veulent essayer, et successivement à côté celles
des aiguillettes ou touchaux qu’ils croient approcher le plus du mcme titre, et ils
apprécient l’or avec beaucoup de justesse, en comparant l’aspect que présentent
les traces laissées sur la pierre.
En France, on passe sur les taches ainsi faites de l’eau forte ( préparée à cet
effet avec de l’acide nitrique et un peu d’acide muriatique ), à des degrés connus.
On peut ensuite juger approximativement du titre de l’or par la comparaison
des traces, si elles résistent l’une et l’autre en partie à l’action de l’acide, Si, an
contraire, celle de l’or à essayer disparaît entièrement, on sait au-dessous de quel
titre il faut qu’il soit pour que la trace soit effacée par l’eau forte à tel degré.
Les Juifs mêlent ensuite dans des proportions convenables l’or à différens titres,
et approchent souvent si près du titre fixé pour les sequins, qu’après l’essai des |
lingots ils se trouvent entre les limites de la tolérance accordée, et sont dispensés!
de refondre leur or pour atteindre au titre prescrit; mais, s’il résulte de l’essaiI
fait à la monnoie, que les lingots dépassent le remède d’usage en plus ou enj
moins, ils sont obligés de les remporter pour les fondre de nouveau et les allierI
plus exactement.
Lorsqu’il faut baisser le titre de l’or, ils ne manquent pas de se servir, dtj
préférence, de l’argent doré, qu’ils n’achètent dans le commerce qu’au même prixl
que l’argent ordinaire, et ils enrichissent ainsi leurs lingots de la dorure que con-l
tient l’argent qu’ils emploient pour alliage. Ils ont aussi soin d enlever, au moyen d’uni
peu de cire, les traces d’or qui restent sur la pierre de touche, et jettent dans!
leurs creusets ces boules de cire qui contribuent à servir de flux et à désoxiderl
la surface de l’or.
Les caravanes qui vont de Maroc à la Mekke ( i ) , et celles qui viennent de Darfour, I
Sennar, & c., apportent, chaque année, une certaine quantité de poudre d’or (2). I
Toute celle qui est à vendre ne s’achète pas pour le compte de la monnoie,!
parce que les négocians, voulant réaliser pour eux-mêmes ou pour leurs commettans,|
offrent souvent un prix plus élevé que celui que pourroit en donner la monnoie.l
Cet o r , composé de paillettes ramassées sans doute dans les fleuves et les!
torrens, ou retirées du sable aurifère, ne présente presque aucun de ces morceaux!
un peu volumineux et cristallisés qu’on appelle en France pepie.
La poudre en est renfermée dans un morceau de linge fin, enveloppé deI
deux ou trois autres morceaux de toile plus grosse, et lié avec un fil en formeI
de nouet; le tout est recouvert d’un morceau de peau cousu et séché au soleil.I
La peau, en se séchant ainsi et se retirant, forme une enveloppe serrée et dure,]
et le paquet ou groupe d’or (3) présente parfaitement l’apparence d’un sac deI
couleur de nos peintres, ou d’un fruit de solanum appelé tomate.
(1) Ces caravanes recueillent dans leur route les pé- le Nil à Syèneou à Syout, dans la haute Egypte. I
lerins d’Alger, de Tunis, de Tripoli, du Kaire, &c. (2) La poudre d’or s’appelle en arabe tebr [j-y ]• I
Elles arrivent dans cette dernière ville vers le milieu (3) En arabe sourrat, qui veut dire bourse, rçy#|
d’avril. Celles de Darfour, de Sennar, &c. atteignent pag. 344 > aI*n* 2 ct not* 4*
Dans
Dans chaque sac se trouve toujours quelque bijou ou ornement acheté des
Africains ou des nègres.
Presque tous ces bijoux sont des anneaux ou bagues, des pendans d’oreilles ou
ornemens de cou. Le seul travail qu ils offrent est une espèce de ciselure semblable
aux pas d une vis très-fine. Presque tous les anneaux représentent des
serpens. Nous avons vu un des ornemens de cou qui figuroit bien distinctement
une tortue, .dont les pattes et la tête étoient saillantes.
Les sacs ou gr.oupes d’or sont tous à peu de chose près du même poids, environ
57 drachmes ou 6y mitqâl (i).
Le titre varie de 21 a 22 karats (2); l’or en étoit anciennement plus pur,
selon l’assertion de l'effindy de la monnoie et des Juifs, soit que les paillettes fussent
plus riches, soit que les bijoux ajoutés à chaque groupe fussent à un plus haut titre.
Ces sacs, qui s’achètent communément 244 piastres (3) d’Espagne, sont une
véritable monnoie qui sert aux caravanes de moyen d’échange ; ils ont une valeur
constante pour laquelle on les reçoit, sans même être obligé de les peser et de
les ouvrir; on peut s’en rapporter à la bonne foi' dont l’usage, la religion, et
Iintérêt meme des marchands, leur font une loi sévère.
Cependant à la monnoie on s’assuroit d’abord du poids et du titre d’un des
groupes d or pris au hasard, et les Juifs étoient assez exercés à juger l’or sur son
apparence, pour estimer s’il étoit à un demi-karat de plus ou de moins.
Si le prix convenoit au marchand, qui vendoit ordinairement en présence ou
par l’entremise du chtykh ou chef de la caravane, on se touchoit dans la main,
et le maiche étoit conclu. Mais il n est pas permis, dans les règles de la croyance
de ces pieux voyageurs, d acheter des métaux avec des métaux : pour obvier à
cet inconvénient, comme il est dans toutes les religions des moyens d’éluder
les préceptes, on n’appeloit pas cela acheter, mais échanger. Les groupes d’or
se mettoient d’un côté ; l’argent convenu, de l’autre ; et le vendeur demandoit
à 1 acheteur lequel des deux lots lui faisoit le plus de plaisir. L ’acheteur prenoit
les groupes d or, et l’argent restoit au vendeur.
§. II.
P rix de l ’Or et de l ’Argent en Egypte.
L o r au titre des sequins, ou 16 karats —■ [698], se payoit avant l’expédition
d’Egypte, et s’est payé constamment par les Français, à raison de t 12 sequins
ou 20 160 médins les 100 drachmes. Ces 100 drachmes contenant d’or pur
69 r“ hm“,8, les 100 drachmes d’or pur revenoient à ................. 28 882miJil“ , j 2 i ,
si l’on ne tenoii pas compte de l’argent allié à l’or dans les lingots (4).
Comme 100 drachmes d’or à 698 contiennent 30dn'cl,n’'s,2 d’argent, qu’on
peut ne supposer qu’à 900, ce qui donne 27<h*d,m's,i>8 d’argent fin , valant
(0 298 à 300 grammes. (4) Voyez, pour cette première hypothèse, l’article t . " ”75 a 938 millièmes de fin. du tableau ci-après, pag. 4°5»
(3) 3 660 médins, ou, en francs, i 288 francs 73 cent.
É. M . T O M E I I . E c c