
Il il -1; Sifii
CHA P I T R E ^ V .
Nilometres sous les Empereurs Romains.
L e s Romains devinrent à leur tour maîtres de l’Égypte sous Auguste, qui en
fit une des provinces de l’Empire. Nous avons bien peu de faits positifs et historiques
sur les Nilomètres qui ont existé sous la domination Romaine en Egypte :
mais, comme le besoin de connoître l’élévation réelle des eaux, pour asseoir dune
manière certaine la répartition des impôts sur leurs nouveaux sujets, étoit le
même pour ce gouvernement que pour celui qui l’avoit précédé, nous devons
croire que les Romains ont entretenu avec quelque soin les monumens antérieurement
construits pour constater cette évaluation; il ne paroît pas cependant
qu’ils en aient construit de nouveaux.
Ælius Aristidcs ( i) , surnommé le Rhéteur ou le Sophiste, qui fut à-la-fois
philosophe et orateur célèbre, et qui, sous le règne de Marc-Aurèle, vers le milieu
du second siècle de l’ère Chrétienne, parcourut non-seulement l’Asie mineure,
la Syrie, la Palestine et la Judée, mais encore l’Égypte toute entière jusqu’au-dessus
des cataractes, nous donne quelques détails sur les Nilomètres qui existoient de
son temps,
Ce t auteur nous assure lui-même qu’il a observé et mesuré avec le plus grand
f
( i ) Ælius Aristides [ Aï k i o ç étoit fils d’Eudæ-
mon, dont, suivant Philostrate, quelques auteurs lui
donnent aussi le nom, et qui étoit philosophe et prêtre
de Jupiter Olympien: il naquit l’an de Rome 882 [ 129
del’ére Chrétienne], la douzième année de l’empire d’Adrien,
sous le deuxième consulat de Juventius et de Mar-
cellus, à Hadriani ['A/'etutrot], petite ville de la partie de la
Mysie ou Bithynie qui est voisine du mont Olympe et du
temple de Jupiter. Quelques-uns cependant prétendent
qu’il étoit né à Smyme : ce qui a pu fonder cette opinion,
c’est que deux épigrammesde l’Anthologie Grecque
lui donnent le titre de 'S.pwpyalog, qui se trouve également
inscrit sur une statue de ce philosophe~que le pape
■Pie IV a fait placer dans la bibliothèque Vaticane, avec
cette inscription:
Rama, tuum nomen totum liâ t impUat orient,
Majus Aristidis fit tamen eloquio.
II est vrai qu’Aristides passa une grande partie de sa
vie à Smyme, dont il fut le bienfaiteur et le sauveur. En
effet, cette ville ayant^été ravagée et presque entièrement
détruite par des tremblemens de terre, Aristides
obtint d’Antonin qu’elle fut reconstruite. Les habitans
lui décernèrent en reconnoissance le droit de cité, et lui
élevèrent une statue d’airain dans leur gymnase ou leur
place publique, avec une inscription dans laquelle il étoit
qualifié de fondateur de la ville [oûumV füç Ifivpnç].
Il fut attaqué dès sa jeunesse d’une maladie nerveuse,
mais qui ne l’empêcha pas de se livrer à l’étude. Après
avoir étudié la grammaire sous Alexandre de Cotyée,
il se forma à l’éloquence sous Hérode Atticus à Athènes,
Aristocles à Pergame et Polémon à Smyme. Après son
voyage d’Egypte, il se rendit à Rome, où il fut honoré de
la faveur de l’empereur Marc-Aurèle. Il fut atteint, dans
son voyage, d’une maladie de langueur dont il ne guérit
qu’au bout de dix ans, mais pendant laquelle il né cessa
point de s’occuper tout entier de ses travaux littéraires.
Il mourut à l’âge de soixante ans, dans sa patrie, sous
le règne de l’empereur Commode. Quelques biographes
cependant le font mourir dix ans plus tard, à Smyrne
en Ionie.
Les écrits d’Aristides sont tous dans le genre oratoire
et panégyrique. Une partie de ses ceuvres a été publiée
pour la première fois, en grec seulement, à Venise, en
1513 , à la fin de l’édition d’Isocrate imprimée par les
Aides. Quatre ans après, les Juntes en publièrent une
seconde édition à Florence, en 1517. Mais ces deux éditions
sont très-défectueuses. Une partie des fautes et des
omissions qui déparent ces éditions, a été corrigée dans
la traduction donnée par J. Qporin en 15,66, et dans
l’édition publiée par P. Estienne, à Genève, en 1604.
Mais la meilleure de toutes celles qui ont paru , celle
dont je me suis servi, est l’édition Grecque et Latine» en
deux volumes in-4,9 > qui a été publiée en» Angleterre
sous le titre suivant :
Ælii Aristidis Adrianensis Opéra omnia, grcecè et la-
tin}, in duo voluinina, dis tri buta; cum notis et emendalio-
11 i bus Gui. Canteri, Tristani, Pabner'ù, T. F abri, Spath
/ternii, Nortnanni, et Lamberti Bossii ; adjunctis insuper
veterum scholiis, et prolegomenis Sopatri Aparneettsis,
ab erroribus ut plurimùm repurgatis. Grceca, cum manu-
scriptis codicibus variis et præstantissimis collât a , recen-
suit, et observationes suas edjecit, Samuel Jebb, AI. D.
Oxoniijè theatro Shcldoniano, 1730. Impensis Davidis
Lyon.
soin tous les monumens de ce pays célèbre, après avoir consulté non-seulement les
livres où ri en étoit question, mais encore les prêtres et les savans qu’il pouvoit
rencontrer dans chaque ville.
Il paroît qu’il a fait sur-tout de très-grandes recherches relativement à l’origine
du Nil et de ses débordemens, et il rapporte que, de son temps, on mesurait
encore le Nil à Koptos '(i) et à Memphis. Suivant lui, pour que l’inondation fût
alors complète et avantageùsé , l’eau devoit monter dans le premier de ces Nilomètres
à vingt-une coudées (2).
C H A P I T R E VI.
Des Nilometres sous les Empereurs d ’Orient.
J u s q u ’a u règne de l’empereur Constantin, le Nilomètre portatif avoit été
conseryé dans le temple consacré à Sérapis : ce prince, ayant embrassé le chris-
tianisméf se montra jaloux de fonder et d’étendre les prérogatives de cette religion
sur les débris de celle qu’il avoit cessé de suivre. Les Égyptiens, attachés à leur
culte, prétendoient que c’étoit à Sérapis qu’ils étoient redevables de l’accroissement
annuel du Nil, qui arrosoit périodiquement leur contrée; et pour obtenir
cette faveur, ils avoient coutume, après le mesurage, de reporter religieusement
au temple de ce dieu la mesure qui avoit servi à cette opération, et qui por-
toit le nom de coudée du N il. Constantin ordonna que ce Nilomètre seroit
dorénavant déposé dans une église (3) d’Alexandrie; le bruit se répandit alors en
EgyPte que cette année , par suite de la colère de Sérapis, le Nil ne monteroit
pas. Cependant l’inondation n’en eut pas moins lieu cette année et les années
suivantes. &
Julien l’Apostat, qui rendit au paganisme tous les anciens privilèges dont ses
derniers prédécesseurs l’avoient dépouillé, fit replacer le Nilomètre dans le temple
de Sérapis (4 ), où il resta jusqu’au temps de Théodose le Grand, qui ordonna de
l’en retirer, et détruisit le temple lui-même (5). |
Nous n avons pas d’autres renseignemens concernant le Nil et les Nilomètres
jusqua la conquête de lÉgypte, faite par les Arabes sous la conduite d’A ’mrou
ben el-A’âs (6), sur les empereurs Grecs de Constantinople, l’an 19 de l’hégire
[ 4o4 de I ère Chrétienne],
Mais, avant de nous occuper des Nilomètres élevés en Égypte depuis la conquête
de cette contrée par les Musulmans, je vais jeter un "coup-d’oeil sur les
(■) ( W t [en arabe, Qeft eu Q o f li i ï ]. Le nom de pris celui de Qot,es%u deCqpArer, par lequel ils sont
cette ville dans la langue Qobte s’écrit ordinairement maintenant désignés.'-' -
TvÊG^fT Keft. Cependant un vocabulaire Sa’ydiqüe . 54 ' ¡Ml ' * *
( Ms. Qobte 43, fol. S8) offre R e R - iu î KebtÔ, et un le,s textes Grècs raPP°«és dans ** sixième
/ nyt e~v t ., _. T7 partie de ce Mémoire,
autre (Ms. Qobte 44,f i l 72), R e tT TO Kepto. t - ’
Abou-I-fedâ , el-Edricy et A’bd - el - Rachyd el- (3) 7° Crat' Histm eccles‘ ,ib* *’ Cap’ 18 ’ PaS‘ 47*
Bakouy. nous donnent quelques détails sur cette ville. (4) Sozomen. f/ht. eccles. lib. v , cap. 3, pag. 183.
Plusieurs auteurs ont pensé que c’est du nom de cette (s) Jac. Gothofred. ad Cod. Theodos. t. V I , f. 273.
ville de la haute Egypte, que les naturels du pays ont (6) ci-après, la note sur ce général Musulman.