
 
        
         
		L ’essayeur  verse  le  tout  dans  l’eau  pour  dissoudre  le  borax,  et  obtient  un  
 bouton  rond,  net  et  mat  à  la  surface,  légèrement  déprimé,  et  qui  ne  contient  
 que  de  l’or  pur. 
 Quelque  soin  et quelque  adresse  qu’on  puisse  mettre  dans  ces  diverses manipulations, 
  il  est presque impossible que l’acide nitrique, l’eau, le borax, n’emportent  
 pas  quelques molécules  d’or,  et  qu’il  n’en  adhère  pas  quelques-unes  à  la  molette,  
 aux  vases  et  au  creuset.  Le  procédé  que  nous  venons  de  décrire  ne  peut  donc  
 présenter  autant  de  certitude  et  de  précision  que  celui  qui  est  usité  en  France : 
 Après  avoir  opéré  ]%iquartation  et  la  coupellation,  on  réduit  l’alliage  d’or  
 et  d’argent,  en  le  passant  au  laminoir,  en  feuille  étroite  et mince  que  l’on  roule  
 sur  elle-même,  peu  serrée  et  de  manière  à  laisser  un  léger  intervalle  entre  les  
 surfaces.  L ’eau-forte  qu’on  emploie  dans  cette  première  opération,  à  un  degrc  I  
 plus  foible  qu’en  Egypte,  dissout  l’argent,  sans  détruire  l’agrégation  des  molé-  I  
 cules  d’or,  lesquelles  restent  réunies  en  feuille roulée  qu’on fait  sécher  et  chauffer  I  
 fortement  dans  un petit  creuset.  Lés molécules  du  métal  se  rapprochent  alors et  I  
 se  désoxident,  et  la  feuille  d’or,  qu’on  appelle  cornet, conserve  de  la consistance,  I  
 peut  se  dérouler  et n’a  pas  besoin  d’être  fondue. 
 Si  fon  employoit  de  l’eau-forte  trop  concentrée,  elle  sépareroit  les  particules I  
 d’or  et  les  réduiroit  eh  poussière  légèrement  oxidée.  Alors  on  n’auroit  plus  de  I  
 cornet ;  et  l’opération  seroit  manquée,  ou  il  faudroit  la  continuer  comme  en  I  
 Egypte. 
 L ’impossibilité  de  faire  exécuter  un  laminoir  assez  exact  pour  réduire  le métal  I  
 en  lames  très-minces,  n’eût  pas  permis  de  faire  en  Egypte  le  départ  de  l’or  en I  
 cornet; mais nous  y introduisîmes  la méthode  d’ajouter,  après avoir décanté l’eau-1  
 forte  qui  a  dissous  l’argent  et  le  cuivre  uni  à  l’or,  une  certaine  quantité  d’acide I  
 nitrique  plus  concentré  ,  pour  enlever  les  dernières  molécules  d’alliage. 
 L ’essayeur  de  la monnoie  préparoit  lui-même  l’eau-forte  qui  lui  étoit  néces-  I  
 saire,  en  distillant  ensemble  de  l’alun  [sulfate  d’alumine]  et  du  nitre  [nitratel  
 de  potasse]. 
 L ’acide  sulfurique,  uni  à  l’alumine  dans  l’alun,  ayant  plus  d’àffinité  avec  lai  
 potasse  que  l’acide  nitrique,  décompose  le  nitre,  forme  un  sel  neutre  avec  la I  
 potasse,  et  l’acide  nitrique  se  dégage  et  se  vaporise. 
 La  distillation  se  faisoit  dans  des  espèces  de  cruches  de  grès,  ou  vases  de I  
 terre  coniques,  à peu près  semblables  à  ceux  qu’on  appelle  quines  en  F ran ce, et I  
 auxquels  on  adaptoit  un  chapiteau  de  verre  à  gorge  et  à  bec.  Ce  chapiteau étoit I  
 iuté  au  col  de  la  cornue  avec  de  la  terre  glaise,  et  le  bec  aboutissoit  dans  le I  
 col  d’une  bouteille,  ou  d’un  ballon  de  verre  blanc  plongé  dans  l’eau. 
 L ’essayeur  d’or  étoit  un  Chrétien  Arménien,  le  seul  en  Egypte  qui  fût  en  I  
 possession,  depuis maintes  années,  d’un  art  qui  s’étoit  transmis  jusqu’à  lui  dans  I  
 sa  famille  par  une  longue  suite  de  générations,  et  qu’il  regardoit  comme  une  I  
 science profonde  et  un  secret  merveilleux.  Il  fut  extrêmement  surpris  en  voyant  
 que  les  jeunes  Français  préposés  à  l’administration  de  la monnoie,  qui  navoient  
 point reçu de leurs pères  la tradition  de ces mystères et n’en  avoient jamais fait leur 
 profession, I 
 profession, connoissoient  cependant  la manière de  préparer l’eau-forte  et d’essayer  
 for.  Son  etonnement redoubla, lorsque nous  lui assurâmes  que  l’eau-forte  pouvoit  
 se préparer de  plusieurs  autres  manières  que  celle  qu’il  connoissoit,  en  distillant,  
 par  exemple,  de  1 huile  de  vitriol  [acide  sulfurique]  ou  de  la  couperose,  [sulfate  
 de  fer] avec du  nitre.  Nous  en  fîmes  l'expérience  devant  lui ;  mais il  ne pouvoit  
 croire que  le  résultat  fût  le même  que  celui qu’il  avoit  coutume  d’obtenir.  Il  n'en  
 fut convaincu  que  lorsqu il  eut  fait  lui-même  un  essai comparatif avec  cet  acide  
 nitrique,  lequel  réussit  tout  aussi  bien  que  le  sien. 
 ,  Nous  perfectionnâmes  ses  procédés,  autant  qu'il  nous  fut  possible,  en  épargnant  
 le  combustible,  en  lutant  exactement  les  vaisseaux,  e’t  en  condensant  plus  
 promptement 1 acide  nitrique,  dont  il  laissoit  auparavant  une  partie  se  volatiliser. 
 §.  IV. 
 Forge. 
 Lor squ e   les  lingots  éto ien t  au  titre  requis,  on  les  iiv ro it  au  fo r g e ro n ,  le  
 même  qui  é to it  chargé  des  ouvrages  en  fe r   (i).  Il  faisoit  chauffer  les  lingots  au  
 rouge-cerise,  e t  les  fo rg eo it  p o u r   en  forme r  des  baguettes  rondes  d ’environ  
 8  millimètres  d e   d iamètre,  amincies  en  po in te   aux  deux  extrémités,  p ou r  qu’on  
 pût  les  passer  à  la  filière. 
 On  accordoit,  dans  cet  atelier,  o,  00025  de  déchet,  ou  un  quart de millième. 
 S-  v. 
 Filière. 
 On  passoit  ensuite  l’or  à  la  filière.  Cette  opération  se  faisoit  dans  le  même  
 atelier  que  celui  où  l’on  étiroit  l’argent  (2)  pour  la  fabrication  des  médins.  Il  
 suffisoit  de  passer la baguette d’or  trois  ou quatre fois  à  la filière,  pour  lui  donner  
 par-tout  le  même  diamètre,  d’environ  5  ou 6 millimètres. 
 Le  déchet  accordé  dans  cet  atelier  étoit  aussi  de  0,00025. 
 S-  VI. 
 Découpage. 
 On  débitoit  les  baguettes  d’or  sorties  de  la  filière  en  petits  cylindres  de  5  à  
 6 millimètres  à  peu  près de  longueur  chacun  ( 3 ). 
 Un  ouvrier faisoit  passer la baguette d’or  par un  trou pratiqué  dans un montant 
 (1)  II s appelle  aussi  haddâd.  Voyez pag. 419,  not. 2.  (3) L’ouvrier qui  découpe  ou débite  les baguettes d’or 
 (z)Létireur  pour  l'or  se  dit  aussi  maddâd.  Voyez  en petits cylindres.s'appelle en arabe uartd’ f - l  L«1 ; c’est-  
 pag. 420, not.  i . re  aï-dire, celui qui coupe. 
 il M.  TOME  II.  '  r i »