de communication entre eux pendant l’inondation , et sont entretenues par ieurj
habitans. Comme elles sont construites en terre, et exposées à des ruptures lorsque
les eaux qu’elles soutiennent sont agitées parle vent, on revêt ces digues d’un ou
de plusieurs rangs de nattes de jonc, que l’on soutient au moyen de piquets
verticaux.
Ce mode d’irrigation se pratique dans l’intérieur du Delta, comme sur les deux
rives du Nil dans la haute Egypte. On voit "que l’étendue des terres inondées
dépend de deux circonstances; d’abord,de la hauteur de l’inondation; ensuite, de
la durée du temps pendant lequel on laisse les eaux s’accumuler contre les digues
qui les soutiennent: mais, comme le terrain situé immédiatement au-dessous
Teste à sec jusqu’à ce qu’on y laisse entrer les eaux supérieures en ouvrant ces
digues, on conçoit que les villages inférieurs peuvent perdre, par les retards
quon apporteroit à cette ouverture, tous les avantages dont les villages supérieurs
jouiroient seuls en laissant l’inondation tendue sur leur territoire. Cette diversité
d intérêts dans l’aménagement des eaux d’arrosage engendre souvent des querelles
sanglantes dans le même canton ; et, le défaut de police prolongeant les haines
qui en résultent, il se trouve que des villages voisins sont, depuis un temps
immémorial, ennemis irréconciliables.
Nous n’entreprendrons point ici de faire connoître tous les canaux dérivés
du Nil pour inonder les terres adjacentes; on se formera une idée exacte du
système général qu’ils forment, en jetant un coup-d’ceil sur la carte d’Egypte.
Nous dirons seulement que, la vallée où coule le Nil, devenant plus large1 au-
dessus de Girgeh, on a dérivé à cette hauteur, de la rive gauche de ce fleuve, un
canal qui reçoit le nom de canal de Joseph; il se prolonge, en suivant toujours
la lisière du désert Libyque, jusqu’à l’entrée de la province de Fayoum, qui est
séparée du reste de l ’Egypte, et qui auroit été condamnée à une stérilité perpétuelle,
si le canal que nous venons d’indiquer n’y versoit pas une partie de ses
eaux.
Elles y pénètrent en passant sous un. pont pratiqué dans la digue qui traverse
la gorge d’el-Lâhoun ; elles coulent de là jusqu’au centre du plateau le plus élevé
de la province , où elles sont reçues dans un bassin irrégulier, situé entre la
ville actuelle de Médine et les ruines de l’ancienne Arsinoé. C’est de ce réservoir
commun que les eaux sont réparties entre les difîèrens villages. Les canaux
qui les y conduisent, sont fermés à leur origine par de petites chaussées
de maçonnerie de brique, que les eaux doivent franchir simultanément quand
elles sont parvenues à une hauteur déterminée. Elles coulent d’abord à plein
canal ; lorsqu’ensuite, par l’effet du décroissement du N il, elles sont descendues
au niveau de ces déversoirs, on est obligé d’y pratiquer des trouées, afin de
prolonger l’écoulement : mais cette opération, faite sans aucun a rt, et souvent
d’une manière clandestine, occasionne quelquefois entre les cultivateurs de si
grands désordres, que l’on a vu des villages entiers abandonnés, parce que des
voisins plus puissans s’étoient emparés de vive force des eaux qui leur étoient
destinées.
Le maintien des réglemens sur les irrigations du Fayoum est confié à l’effèndy
de la province : il est le dépositaire des titres où sont indiqués le nombre de
villages et la quantité d eau qui doit être distribuée à chacun. Ces titrés indiquent
aussi la somme d argent que chaque village doit payer annuellement pour l’entretien
des ouvrages qui lui sont d’une utilité spéciale ; car l’entretien de ceux qui
sont d’un intérêt commun, comme le canal de Joseph et les murs ou revêtemens
de maçonnerie construits dans quelques endroits pour en fortifier les rives, est
à la charge du Gouvernement.
A partir du bassin de distribution dont nous venons de parler, les eaux
coulent presque au niveau du sol, jusque sur le bord occidental du plateau qui
forme la partie la plus élevée de la province; là, elles se précipitent dans des
ravins de huit à dix mètres de profondeur, qui les conduisent jusqu’au lac de
Qeroun, connu autrefois sous le nom de lac Moeris.
La facilité de distribuer l’eau d’un réservoir, quand il s’élève au-dessus des
terres adjacentes, rend la province du Fayoum susceptible d’être mieux arrosée,
et, par conséquent, propre à un plus grand nombre de cultures que les autres
parties de l’Egypte. C ’est, au reste, au moyen de barrages plus ou moins rapprochés
les uns des autres, que l’on y soutient les eaux sur le sol pendant le
temps nécessaire pour le fertiliser.
La plupart des ■ digues qui traversent l’Egypte supérieure et l’intérieur du
Delta, sont coupées dans leur longueur par un ou plusieurs ponts ordinairement
bâtis de brique, et dont les arches ont environ trois mètres de largeur ; l’intervalle
d’une pile à I autre est occupé par un déversoir également construit en maçonnerie,
et par-dessus lequel s’écoulent les eaux, quand elles ont séjourné suffisamment
dans les terrains situés en amont de ces ponts.
Toutes les terres qui ont été inondées par les eaux du Nil depuis le moment
de l’ouverture des canaux jusqu’à la rupture des digues, sont affectées à certaines
cultures, lesquelles, comprises sous la dénomination générale d cl-bayàdy, n’ont
besoin d’aucun arrosement jusqu’à la récolte. Les cultures que l’on entreprend
pendant la même saison sur des terres que le Nil n’a point inondées, ou qu’il
n’a point couvertes assez long-temps, exigent des arrosemens artificiels, et sont
distinguées par la dénomination d’el-chetaouy, ou cultures d’hiver.
Après la récolté des grains el-bayâdy ou d chetaouy, commencent les cultures
appelées el-kcydy ou el-seyfy, c’est-à-dire, cultures d’été. Elles se font pendant la
saison des plus basses eaux du N il, et elles ont toujours besoin d’arrosemens,
qui deviennent de plus en plus pénibles.
Enfin, quand le Nil commence à croître, succèdent aux cultures d’été celles
que 1 on désigne par les noms dV/ - detnyty lorsqu'elles se font dans des terres
basses, et Sel-nabâry lorsqu’elles se font dans des terres hautes qu’il faut arroser.
On voit, au surplus, que, pendant cette saison, les arrosemens artificiels deviennent
de plus en plus faciles par l’accroissement du Nil et par 1,’introduction de ses
eaux dans les canaux d’irrigation. Cette succession de cultures fournit en Egypte
une division naturelle de l’année rurale en trois périodes d’environ quatre mois
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