intentions de son maître. II attaqua les rois Mouça et Ferhâd qui les défendoient 1 les tua, précipita leurs troupes dans le Hyrah, où elles se noyèrent en grande I
partie, et entra triomphant dans ces deux villes.
A u lieu de se -laisser abattre par ces revers, Bajazet n’en fut que plus ardent I
a lever une nouvelle armée, dont il donna le commandement à Ahmed, fils du I
duc de Bossine. La nomination de cet Ahmed, qui étoit devenu son gendre après I
avoir renié la religion des Chrétiens, mit le mécontentement parmi les chefs!
Ottomans, et causa le malheur de l’armée. On vit de mauvais oeil un jeune renc-1
gat 1 emporter sur de vieux capitaines qui avoient contribué à tant de succès, et | 1 on refusa de seconder ses opérations. Ezbeky, qui avoit connoissance de la di-1
vision qui régnoit dans l’armée ennemie, l’attendit, se tenant sur la défensive.!
Ahmed 1 attaqua bientôt avec l’impétuosité d’un jeune guerrier; mais son choc I
nopéra aucun effet, parce qu’il ne fut pas soutenu. Délaissé et.trahi, Ahmed s e l
jeta dans les rangs ennemis, y combattit autant que ses forces le lui permirent, |
et fut obligé de se rendre à Ezbeky, qui, suivi de son prisonnier, alla au Kaire rece-1
voir le prix de sa victoire, et y construisit la mosquée dite Ezbeky eh, d’où a tiré I
son nom la place qui i’avoisine. Après ce succès brillant, la Caramanie se donnai
a 1 Egypte.
Bajazet, étonné et fitrieux de cette nouvelle défaite, mit sur pied une armée I
plus formidable que celle qu’il venoit de perdre. A ’Iy-pâchâ en fut désigné le |
chef; et ce fut le 3 de la lune de rabye’ second 893, qu’elle passa le Bosphore|
et prit position en Caramanie. Avant de lui opposer la sienne, Qâytbây, dont l e l
naturel étoit plus porté à la paix qu’à la guerre, lui fit faire des propositions paci-1
fiques, et lui renvoya en même temps Ahmed son gendre; mais, les conditions!
n ayant pas été acceptées, la guerre reprit avec plus de fureur que jamais. Les com-1
mencemens en furent si heùreux pour les Ottomans, qu’A ’ly-pâchâ s’empara en un |
clin-d ceil de Tarse, d’Adânah, qui avoient déjà coûté tant de sang, d’Atâourour, |
de Kora, d Ayâs, de Tamrouq, de Mellâouneh, enfin de presque toute la petite!
rménie, et fit assiéger, par Khalyl-pâchâ, Sis la capitale, dont le gouverneur n e |
se rendit que lorsqu’il vit que ses murailles, détruites par le canon ennemi, ne 1
lui permettoient plus de la défendre davantage. II fut fait prisonnier, et renvoyé |
a Qâytbây en échange d’Ahmed. I
Qâytbây fit marcher de nouveau Ezbeky pour arrêter les progrès des Ottomans. |
Ce général, arri vé au pied du Taurus, fit faire hal te à ses troupes, de peur d’être pris |
en queue par une armée Turque que l’on dispit avoir débarqué ; mais, les vaisseaux |
qui la transportoient, s’étant brisés à la suite d’une tempête horrible, cette armée |
éprouva une perte immense; ce qui mit Ezbeky dans le cas de n’avoir plus rien à |
craindre de sa part, et de continuer sa route sur Tarse, où il livra une bataille |
plus sanglante que les précédentes. Les Égyptiens essuyèrent d'abord des revers par |
la lâcheté des Caramans; et ceux-ci les auroient entraînés dans une déroute complète, |
si, pour les rallier, Ezbeky n’avoit heureusement profité des ténèbres, qui, cette nuit-1
a “ rent fort cPaisses- s étant mis le lendemain matin à leur tête, il fondit sur A’iy- |
pacha, qui se croyoït déjà sûr de la victoire, et le défit entièrement. Cette affaire U
eut lieu dans le courant de l’an 893 de l’hégire. A ’iy-pâchâ alla rendre compte à
Constantinople de sa conduite; et Ezbeky, couvert d’une nouvelle gloire, reçut au
Kaire de nouveaux honneurs.
Cependant Qâytbây, qui soupiroit après la paix, voulut faire servir ses victoires
à ce seul but : il chercha a renouer les négociations, et eut recours à l’entremise
d’O ’tmân, prince souverain de T unis, qui envoya, l’an 894, sur un de ses armemens,
Zeyn el-dyn, le plus savant théologien de son temps, en qualité de médiateur. Zeyn
el-dyn employa vainement son éloquence au rétablissement de la paix : il fut obligé
de se retirer sans avoir rien conclu, parce que Bajazet, qui avoit publié une levée
générale de tous ses sujets, se crut en état d’essayer une nouvelle campagne, et insista
sur la restitution de Tarse et d’Adânah, qu’on lui refusa.
L ’année qui suivit ces négociations, l’île de Chypre devint la propriété des
Vénitiens par la mort du fils de Jacques de Lusignan et l’abandon que Charfotte
Cornaro leur en fit. Qâytbây, qui craignoit que ce changement de maître ne lui
fît perdre les annuités que l’île lui payoit, la menaça d’une invasion, que la république
détourna en acquittant ponctuellement les tributs annuels!
Les affaires de Chypre terminées, Qâytbây, voyant que la paix qu’il souhaitoit
si ardemment, serait impossible sans le sacrifice des deux places en contestation,
balança les avantages et les désavantages qui pouvoient résulter de leur conservation
ou de leur abandon, et, jugeant qu’il convenoit mieux à son repos de les livrer, il
envoya a Constantinople pour en faire l’offre. Aussitôt cette difficulté levée, dit 1 auteur Aiabe Fïoseyn Khogah, on vit disparaître, 1 an 896,1 arbre pernicieux qui
produit la guerre, et naître à sa place l’arbre bienfaisant dont les doux fruits sont la
paix et le bonheur.
Qâytbây survécut à cette paix cinq années, qu’il passa au sein de sa propre gloire
et de 1 amour des peuples dont il fut le père, et il s’endormit pour toujours dans le
cours de la lune de qa deh de 1 an 901, après un règne de vingt-neuf ans. On lui
donna pour successeur 1 emyr Mohammed, qui fut reconnu Malek el-Nâser. Ce
prince idiot, pusillanime et barbare, ne s’occupoit que de ses plaisirs. Il poussa, dit
Ibn-Ishaq, la férocité jusqu a écorcher de ses propres mains, et de gaieté de coeur,
une belle esclave blanche que sa mère lui avoit donnée. Il régna l’êspace de quatre
ans, après lesquels les Mamlouks, ennuyés de le voir commander, le déposèrent,
le tuerent, et reconnurent a sa place Qansou, son oncle, qu’ils proclamèrent Malek
el-Daher. Qansou reconnut bientôt que régner sur de tels hommes, c’est travailler
à sa perte ; car* après cinq mois d’un règne convulsif, il se vit contraint d’abandonner
des rênes si difficiles à tenir. Ce prince ne connoissoit d’autre langue que
I idiome Géorgien.
Entre Qâytbây et ce sultan, quelques auteurs intercalent un autre Qansou,
surnommé KJmmsamyeh, qui signifie cinq cents, parce qu’il avoit étéâcheté cinq cents
pièces dor par Qâytbây : mais il jouit si peu de temps du sultanat, qu’on peut
a peine le compter au nombre des soudans d’Égypte; peut-être aussi le confond-
on avec le Qansou qui précède ou qui suit.
Mohammed Malek el-Nâser, ayant été mis de nouveau sur le trône, régna