Les dirhem, qui, dès l'origine, étoient d’un poids peu considérable, avoient
éprouvé successivement des altérations dans leur poids et dans leur titre, par|a
cupidité de ceux qui gouvernoient l’Égypte. I
Quelques princes plus désintéressés , ou guidés dans l’administration par des
idées plus saines et plus justes, rehaussèrent le poids et le titre de cette monnaie
Maqryzy rapporte que le sultan Saladin (i), ayant démonétisé les dirhem noirs
qui étoient forts de poids et d’un titre élevé, fit frapper des dirliem alliés à égale j
partie d’argent et de cuivre. Peut - être le titre et le poids de cette monnoie
furent-ils encore baissés, jusqu’à l’époque à laquelle el-Malek el-Kâmel (2) démonétisa
tous les dirhem, connus alors au Kaire et à Alexandrie sous le nom
de ouaraq, et fit fabriquer des dirhem q u i, par leur titre et leur poids, se
rapprochoient davantage des dirhem anciens ou pièces de monnoie de bon
aloi.
On pourroit entrevoir dans cette monnoie nommée ouaraq ( 3 ), mot qui signifie
feuille, l’origine des médins, qui se fabriquent aujourd’hui avec des feuilles de I
billon, aplaties ou planées à coups de marteau. Peut-être même le médin n’ctoit-
il qu’une subdivision de cette monnoie usuelle appelée ouaraq.
Les cheykh Isma’y l (4 ) et A'hd-el-rahman (5), qui passoient au Kaire pour être
distingués par leurs connoissances , nous ont donné, sur l’étymologie du mot)
médin, en arabe mâydy ( 6 ), les renseignemens suivans.
Le Mamlouk el-Cheykh, étant devenu khaiyfe, et ayant pris les titres de Sultk I
el-Malek el-Maouyad Abou-nasr el-Cheykh (7) [noms qui signifient l’empereur, le roi, I
l’assisté (de la grâce), père de la victoire, le seigneur], fit frapper des démi-dirhm,
qui, de son nom, furent appelés maouyady, ou, par abréviation, maydy. On les I
nommoit aussi nous ( 8 ), c’est-à-dire demi, mot dont on se sert encore aujourd’hui I
pour désigner un médin ou para.
Soit que l’on considère les médins comme une altération de l’ancien dirhem, I
soit qu’on les regarde comme une monnoie nouvelle, dont la fabrication: a été I
introduite en Egypte comme à Constantinople, où l’on en frappe une semblable I
connue sous le nom de pârah ( 9 ) , il n’en est pas moins vrai que cette singulière
monnoie, plus mince qu’une feuille de papier, qu’un souffle léger suffit pour dis-1
perser, et dont un millier se renferme dans un cornet de papier peu volumineux,
est devenue la principale monnoie d’Egypte, celle qui sert aux achats en gros
comme au menu détail, dans laquelle se font tous les comptes et se prélèvent
les impôts.
En quelque proportion que le cuivre soit allié à l’argent dans la monnoie, |
(1) Voyez pag. 325, alin. 5 ; pag. 329, alin, dern. (7) Voyez pag. 330, alin. 2. Plusieurs princes Musul- I
(2) Voye% pag. 330, alin. 2 , et 34$, alin. 1 ." mansont pris le surnom d'el-Maouyad [ Ce mot
(3) êL>j> feuille de papier; p lu r i e l ,*™ ^ [ M \ ]. siênifie <lui est soutenu, appuyé, assisté (de la grâce),
Voyez pag. 4 1 1 , not. 22 ; voyez aussi pag. 421, alin, 8. ix-»l ] qui yeut dire aidé, secouru. \ a
. .. I » (8) abréviation Voyez notre No-
.. ticesur les Poids Arabes, pag. 230, not. 3, et pag. 246» ;
(5) <*** remarq. 1 1.° (citée pag. 323, not. i.rc )
(6) cSO-** ou plutôt (9) En turk, «jL ; en arabe, bârah[aj\j]>
011 ne se sert point, en Egypte, d’un nom particulier pour la désigner, et l’on
n’a point de mot qui réponde à notre mot billon.
Si l’on applique ce nom de billon à toute monnoie dans laquelle le cuivre domine,
les pièces de 4o et de 20 médins, et les médins dont nous avons parlé,
sont réellement du billon, et depuis assei long-temps il ne se fabrique pas, à
proprement parler, de monnoie d’argent. Nous n’avons compris sous ce dernier
titre les médins et les pièces de 4o et de 20 médins que parce que ces nion-
noies ont remplacé celles d’argent, dont elles tiennent lieu.
§. III.
Monnaies de Cuivre.
Le cuivre métal s’appelle nahâs (1).
La monnoie de cuivre se nommoit anciennement fels (2); au pluriel, felous.
Les pièces de cuivre étoient de petites portions de ce métal, taillées d’un
poids à peu près égal. Il n’en existoit qu’une petite quantité en circulation, et
l’on ne mettoit pas le cuivre au rang des monnoies : on ne s’en servoit alors que
pour l’achat des marchandises de peu de valeur, ou pour la menue dépense du
ménage. Les denrées de première nécessité étoient à si bon marché, qu’un homme
du peuple ne dépensoit guère, chaque jour, que quelques pièces de cuivre pour
sa subsistance.
Cet état dura jusqu’à l’an 800 de l’hégire environ [1398 de notre ère]. Les
monnoies d’or et d’argent étant devenues successivement fort rares, principalement
à cause des malheurs et des révolutions arrivés en Egypte depuis 806
[ i4°4 de notre ère], les pièces de cuivre devinrent plus nécessaires et plus
recherchées, et leur valeur, dans le trafic, s’élevoit de beaucoup au-dessus de leur
valeur intrinsèque.
Elles avoient commencé à s’introduire dans le commerce, concurremment
avec la monnoie d’argent, du temps que el-Dâher Barqouq (3) étoit érnyr, vers
Ian 781 [1379 de notre ère],
Barqouq étant devenu sultan, Mahmoud ben-A ’ly (4 ), à qui il donna la charge d’Os-
tâdâr (5), fit frapper au Kaire et à Alexandrie une grande quantité Se. felous, Ou
monnoie de cuivre, à cause du bénéfice que présentoit cette fabrication, et fit
cesser celle dés dirhem, qui devinrent extrêmement rares. Les orfèvres en fondirent
beaucoup, et on en exporta une grande quantité. On frappa sans doute des pièces
de cuivre de diverses- valeurs, et qui étoient des subdivisions les unes des autres.
Cette fabrication continua plusieurs années sous Btirqouq et sous son fils el-Nâser
Faragijfi). Les Francs (7) importèrent alors beaucoup de cuivre rouge en Egypte.
c r i f ia ir maître, et dâr [ j b ] , maison, palais, et ré-
(qiKayrç pag. 329, alin. 5 et not, 3. P°nd au mot majordome, ou maure du palais.
(3) ü A h J»ddl. Voyei la notë suivante 6. (6) P- 3*7 . dern. et not. 1 1 ) et p. 336, al. 3.
h) ti* ü ’ V f * pour les pièces de cuivre qui présentent le mot
M M i l - dynSr, pag, 342, alin, 1,”
Ce mot est dérivé de deux mots Persans, (7) Voyei pag. 326, alin. avant-dernier.