cette idée, quand on sait que l’on fabrique du fer dans lé royaume de Sen-
naar et dans ie pays de Dârfour. L ’art de traiter les métaux ne peut se perdre là
où il en existe des mines ; plus les procédés métallurgiques y approchent encore
de leur première enfance, plus il est probable que ces procédés y remontent
à une haute antiquité : il est évident en effet que si l’on découvroit des mines dans
un pays nouveau, on y porteroit l’art de les exploiter avec tous ses perfectionne-
mens actuels. Ces réflexions fondent à conclure que l’Égypte commerça d’abord
avec l’intérieur de l’Affique, et n’eut point d’autres relations commerciales jus-
quau règne de Sésostris, le premier de ses rois qui, dit-on, équipa des flottes ;
ses successeurs suivirent l’exemple qu’il avoit donné, et continuèrent d’expédier
aux Indes des convois de vaisseaux marchands. Ce fut sans doute le commerce
qu on entretint par cette voie qui accumula tant de richesses à Thèbès, et qui
éleva si haut la civilisation de cette ville. A cette époque reculée, les flottes dont
il s’agit ahordoient sur un des points du golfe Arabique les plus voisins de
cette ancienne métropole de la monarchie Égyptienne.
Après la fondation de Memphis, les marchandises des Indes remontèrent
sur un point de la mer Rouge plus rapproché de cette nouvelle capitale. Les
Phéniciens étoient alors les maîtres du commerce qui se faisoit sur cette mer
et sur la Méditerranée : ainsi ils apportoient en Égypte les productions de l’Orient
et de l’Occident. La fondation de la ville de Naucratis sous le règne d’Amasis, 1 admission des Grecs en Égypte sous le règne de Psammétique, étendirent en
Europe les relations de cette contrée. A dater de cette époque, elle commença
à être mieux connue des étrangers qu’elle ne l’avoit été jusqu’alors, et ils purent
y puiser les connoissances qu’on y cultivoit long-temps avant que les autres
peuples fussent sortis de la barbarie.
L ’Égypte donnoit en échange des marchandises diverses que les Phéniciens,
les Carthaginois et les Grecs y importoient, les produits de son sol et dé ses
fabriques. A quelque antiquité que l’on remonte, on voit les Éthiopiens lui fournir
de lo r , du bois d ébène, de l’ivoire, des parfums et diverses drogues : l’Inde
lui foumissoit de riches étoffés, des épiceries, des pierres précieuses ; l’Arabie,
de l’encens et de la gomme. Les habitans de la Palestine venoient y chercher
des grains et des toiles ; les Phéniciens et les Carthaginois en emportoient
aussi sur leurs vaisseaux, en échange des métaux, des esclaves, des étoffes de laine
quils venoient y vendre. Plus tard, les Grecs y échangèrent leurs huiles contre
jes marchandises précieuses de l’Inde et de l’Éthiopie, dont l’Égypte partageoit
deja 1 entrepôt avec la ville de Tyr. Les livres Hébreux donnent sur le commerce
de cette contrée des renseignemens positifs : ils apprennent ce qu’on en
tiroit et ce qu’on y apportoit du temps de Joseph ; ils disent quelles provisions
Salomon y faisoit acheter. Enfin, quand Ézéchiel et Isaïe prophétisent contre
Ja superbe T y r , et qu’ils énumèrent en cfétail tous les objets dont le commerce
1 avoit enrichie, ce quils en disent s applique à l’Égypte, qui participoit alors aux
bénéfices de ce commerce : elle les posséda sans partage après la fondation d’A-
Jexandrie, et les Ptolémées en tirèrent une partie de leurs revenus. Philadelphe,
le second de cette dynastie, entreprit des travaux considérables pour abréger et
faciliter la route que ce commerce devoit suivre : il voulut épargner aux vaisseaux
qui y étoient employés les dangers de la navigation du fond de la mer
Rouge, et fit construire la ville de Bérénice sur la côte occidentale de cette mer,
à la hauteur de Syène.
On communiquoit de Bérénice à la ville de Coptos par un désert à travers
lequel on se dirigea d’abord, pendant la nuit, au moyen des étoiles, et ensuite
par une route dont ce même Ptolemée fixa invariablement la direction, en faisant
creuser sur sa longueur douze citernes où l’on recueilloit l’eau des pluies pour
le besoin des voyageurs et des chameaux qu’ils conduisoient. Le chemin, au rapport
de Strabon, étoit de six ou sept jours de marche.
Les marchandises arrivées à Coptos étoient transportées par le Nil et lés
Canaux qui en étoient dérivés jusqu’à Alexandrie, d’où elles se répandoient sur
toutes les côtes de la Méditerranée.
L ’état florissant d’Alexandrie pendant qu’elle fut le séjour des princes Grecs
est la preuve la plus authentique des avantagés qu’elle retira de ce commerce.
Il se fit encore avec une plus grande activité sous la domination des Romains.
Strabon, qui visita l’Égypte avec Ælius Gallus peu de temps après la mort de
Cléopatre, rapporte qu’il vit lui-même partir du port de Myos Hormos cent vingt
navires destinés pour l’Inde, tandis que sous les Lagides il n’y avoit, dit-il, qu’un
petit nombre de bâtimens qui se hasardassent à faire cette navigation.
Les richesses acquises par cette voie entretinrent le luxe de Rome sous les
premiers empereurs, comme nous l’apprenons de Pline, qui nous a transmis
l’énumération et la valeur des marchandises que l’on tiroit d’Alexandrie. La sagesse
du gouvernement de Trajan, et la liberté dont il laissa jouir ce commerce,
lui firent prendre plus d'extension; enfin, l’empereur Aurélien ayant détruit Pal-
myre, il se fit tout entier par l’Égypte.
Après la ruine de Coptos sous Dioclétien, la ville de Qous, l’ancienne Apol-
imopolis pan’a , en devint l’entrepôt. Abou-l-fedâ rapporte que de son temps elle
étoit la seconde de l’Égypte; elle correspondoit déjà avec le port de Qoceyr,
qui en est éloigné de trois journées seulement, et dont ce géographe a parlé le
premier. On ignore l’époque précise à laquelle la route de Bérénice fut abandonnée
; il est très-probable que les Arabes, ayant négligé d’entretenir les ouvrages
dont elle était pourvue, trouvèrent plus commode de se rendre à la mer
Rougé par la voie la plus courte.
L ’espèce de barbarie dans laquelle l'Égypte retomba, et les haines violentes
qui éclatèrent entre les Chrétiens et les Turcs, déterminèrent les premiers à faire
prendre un autre chemin aux marchandises des Indes : ils allèrent les chercher
pendant un temps jusque sur les bords de la mer Caspienne. Mais enfin lès
Vénitiens, qui surent toujours fane taire leurs préjugés religieux devant leurs intérêts
commerciaux, obtinrent des soudans la permission de s’établir à Alexandrie,
et ils y firent bientôt passer dans leurs mains, malgré les efforts des Génois
et des Florentins leurs rivaux, un commerce immense, auquel ils ont dû, pendant