les Chrétiens de Syrie, qu’il voyoit avec peine maîtres des premières places de cette
contrée. Dans le temps qu’il proclamoit à ce sujet la guerre sacrée, il se déclara
au Kaire un incendie qui en dévora les plus beaux quartiers. Les Chrétiens en furent
accusés, comme ils i’avoient été de celui de Rome sous Néron; ils auroient infailliblement
subi le même sort, si Fâres el-Qatây, intercédant pour eux, n’avoit
enfin déterminé Bybars à accepter, pour le rachat de leurs personnes, une somme
de y0,000 deniers, qui fut, dit-on, afièctée à la réparation des dommages, mais
bien plutôt aux frais de la guerre contre leurs frères de Syrie.
L an 663, il s’empara de Césarée en Palestine, alla mettre le siège devant
Saint-Jean-d Acre, et fut obligé de le lever pour marcher contre les Tartares, qui,
réunis aux Arméniens, avoient pris Damas et menaçoient la Syrie. S’étant présente
devant Damas, et n y ayant plus trouvé d’ennemis, parce qite la mort d’Holâkou
avoit occasionné la retraite de ses troupes, il se jeta sur l’Arménie, dont Haïton,
que les Arabes nomment Ttikfourr, prince Chrétien, étoit roi, fit tomber en son
pouvoir Sis sa capitale, Derkous, Telmis, Kafr-denyn, Rayât, Harzbân, Kytoun,
Adbah , Mamista, enfin tout le royaume ; il étendit ses conquêtes jusques aux
confins de la Natdlie. Il ne les posséda pas long-temps; car Abakah-khân, fils et
successeur de Holâkou, vint l’attaquer avec des forces si puissantes , qu’il fut
contraint de se retirer. Il rentra en Syrie, prit, chemin faisant, Safet en Palestine,
en massacra les habitans qu il a'vôit reçus à composition, s’empara d’Aylah sur la
mer Rouge, et regagna sa capitale, après avoir passé au fil de l’épée les habitans
de Qarâ.
Il passa route 1 année 665 à refaire une armée et à corriger la dépravation
des moeurs, a laquelle il attribuoit ses derniers revers. En conséquence, il fit brûler
les maisons^ ou I on vendoit et fùmoit le hachycliah, herbe enivrante, fermer
les tavernes et les lieux infâmes où les femmes se prostituoient. Ainsi purifié, il
conduisit, en 666, ses troupes en Palestine, prit Yafla, Cheqyf-Arnoun, Tabaryeli,
Arsouf, Antioche, dont il brûla les églises et emmena les habitans en captivité ; prit
aussi Bagras, Qoceyr, Qareyn, Sâfÿnâ, Maryqyeh, A ’ybâs, s’empara de Baghdâd, et
retourna au Kaire, d où il partit pour le pèlerinage, au commencement.de l’an 667,
avec son fils Mohammed Barkah-khan. Après avoir visité la Mecque, après avoir
adressé à Médine, sur Je tombeau de Mahomet, mille actions de grâces à l’Être
suprême, qui 1 avoit rendu victorieux, il renvoie son fils au Kaire, court assiéger
Alep, doù il chasse les Tartares et dont il massacre les citoyens ; retient visiter,
a Medynet-Khalyi [Hebron], le tombeau du patriarche Abraham; se transporte à
Jérusalem, où il se prosterne devant le saint-sépulcre, et rentre au Kaire, ayant
laissé par-tout des traces de sa libéralité et de sa fureur.
L origine des courriers et des relais qu il établit pour la communication de
tous les points de son empire entre eux, remonte à l’an 668. Ces courriers lui
apportoient,-deux fois la semaine, les nouvelles de ce qui s’y passoit et des mou-
vemens des ennemis. L année qui suivit cet utile établissement, est célèbre par la
vigoureuse résistance de la ville de Saint-Jean-d’Acre , qu’il avoit assiégée de nou-
\ eau, et qu il fut encore obligé d abandonner. Furieux de n’avoir pu s’en emparer,
il en ravagea le territoire. II se rendit maître du fort de Massiat, défendu par les
Templiers, en 669.
En 670 [1271 de notre ère], il anéantit, par la prise de la forteresse des Curdes
qui en étoit le repaire, la race infame des Assassins de Syrie, fléau des trônes
et terreur des rois, et couronna en cela le service éminent que Holâkou avoit
rendu à l’humanité en détruisant ceux de l’I’râq. Il reçut, la même année, du comte
de Tripoli de Syrie, de riches presens qui procurèrent à ce prince l’amitié du sultan
et la jouissance paisible de ses domaines, et il marcha de nouveau sur les Tartares;
qui menaçoient la Syrie et assjégeoient Byrah, l’ancienne Virta. Il quitte en
conséquence la Palestine, se rend en Mésopotamie, de Mésopotamie en Egypte,
et du Kaire à Damas, avec deux armées, l’une commandée par lui en personne,
et l’autre par lemyr Qalâoun l’Elfy sous ses ordres; il se porte sur l’Euphrate, se
déguise pour reconnoître la force des ennemis et la situation de leur pays, et
revient livrer la bataille de Byrah. Les deux armées se précipitèrent l une contre
l’autre avec la fureur et le fanatisme de deux ennemis rivaux et de cultes diffé-
rens. Le combat fut d'abord incertain ; mais Bybars, instruit par dix années de
succès et de revers dans l’art de gagner des batailles, tourne son ennemi, l’enveloppe
de toutes parts, 1 attaque, et le force, après avoir jonché la campagne
de ses morts, à cacher sa honte et sa nouvelle défaite dans les montagnes du Cur-
distan. Le fruit de cette victoire fut la délivrance de Byrah et la conquête de
l’Arménie, qu’il abandonna au pillage. Après cela, il retourna au Kaire, où toutes
les rues furent tendues pour le recevoir, et où il fit une entrée solennelle, digne
du vainqueur des Tartares et de l’exterminateur des Assassins. C’est dans cette
pompe majestueuse qu’011 porta devant lui le faucon et le parasol, prérogative
des sultans d’Egypte.
Aux fêtes qui eurent lieu à cette occasion succéda la peste, fléau d’autant
plus; terrible qu il est sans remède. Bybars n’épargna aucun des secours qu’il est
possible a 1 homme de tenter : mais il n’y avoit que le temps qui pût faire cesser le
mal ; l’été étant heureusement survenu, il s’anéantit ou plutôt s’endormit au sein
de' ses nombreuses victimes.
La guerre remplaça la peste. En 672 et 673, Abakah-khân assiégea de nouveau
Byrah; mais 1 arrivée inattendue d’une armée Égyptienne l’obligea de se retirer en
toute hate, et Bybars eut alors la faculté de se rendre au Kaire pour y faire les
noces de sop fils avec la fille de Qalkoun lElfy, dans la fausse espérance que
Qalaoun seroit un jour le soutien de son trône. Ce mariage célébré, il envoya,
en 674, Aq-Sonqor el-Farqkny a la conquête de la Nubie. La bataille de Syène
decida du sort dé cette contrée. Larmee Nubienne ayant été taillée en pièces, le
royaume de Barkah fut pris, et la possession paisible de toute la. vallée du Nil
assurée à Bybars.
En 677, les Tartares revinrent encore, à la charge. Ils inondèrent la Natolie,
où le sultan alla les attaquer. Après plusieurs combats heureux et malheureux, ses
armées-étant affoiblies, il songea à réparer ses pertes, et se retira à cet effet à
Émesse, ou étoit fixé le terme de ses jours. II y eut en ce temps une éclipse