Entre la tour des Arabes et le monument dont nous venons de parler, la chaîne
des montagnes est élevée et percée de carrières dont l'exploitation a servi à la construction
des monumens et des villes dont nous venons de parler. Quelques-unes de
ces carrières sont creusées et taillées en forme de grottes. La largeur de la côte ,
depuis les rives de la mer jusqu’au bord de la vallée de Maryout, celle qui paroît
avoir servi de bassin au lac, peut avoir, en ce point, mille à douze cents mètres.
On remarque, dans le bassin de cette vallée, des levées ou petites digues qui la
traversent, et qui ont été faites pour faciliter la communication de la côte avec la
rive et tout le pays au sud. Ces levées sont percées de quelques pontceaux destinés
a 1 écoulement des eaux pluviales en hiver. Les eaux de l’inondation du lac
Mareotis sarretoient a mille mètres environ au nord-est, suivant le rapport.de
M. le Gentil, capitaine du génie, qui a fait les dernières reconnoissances de
cette partie. Cependant on doit être assuré, d’après letat des lieux, que les eaux
du lac dépasseroient de beaucoup ces digues au sud-ouest, si, comme anciennement,
le Nil versoit ses eaux dans le lac, dont il augmentoit beaucoup l’étendue,
suivant la remarque de Strabon (i).
La cote, qui suit toujours la direction ouest-sud-ouest, sur quelques myriamètres
au-delà, conserve aussi sa même conformation et sa même nature de roche calcaire
arénacée et très-blanche. Quant à la petite vallée secondaire dont nous avons
parlé, et dont le gisement court parallèlement à la côte et à la grande vallée de
Maryout, elle offre, à .partir de la tour des Arabes, une partie plane, encaissée,
et d’une largeur si régulière sur cent cinquante à. deux cents mètres enyiron, qu’elle
semble être un large canal crfeusé-par la main des hommes. Des arbrisseaux et des
plantes salines y présentent une végétation très-active. Nous la suivîmes pendant
trois heures de marche continue. Parvenu à la hauteur que donne cette marche, je
n aperçus quune même continuité de site : une fouille que je fis faire dans cette
partie de la côte, ne donna qu’un sable très-gras et très-humide; et, à un pied
de profondeur seulement, une eau salée, ce qui fait présumer que la plaine de
cette petite vallée est inférieure au niveau de la mer. Nous bivouaquâmes en cet
endroit, qui nous offroit une position abritée et facile à défendre, en cas de surprise
de la part des Arabes. Le lendemain, 18 floréal, nous traversâmes au sud la-
grande vallée de Maryout, dont la largeur peut être de mille à douze cents
mètres environ. J’y retrouvai le même aspect qu’à la tour des Arabes^ celui
d une plaine unie, formée d'un sable gras, mais moins fangeux et recouvert de
quelques plantes salines. Du haut de la chaîne qui longe et borne du sud-ouest
au nord-est cette grande vallée, on aperçoit un cap qui semble terminer à l’ouest 1 ancien golfe Plinthine, comme celui de la Chersonèse, aujourd’hui le Marabou,
le terminoit au nord-est. De ce point, j’aperçus encore une autre chaîne de
montagnes dont la direction sud-est vient se terminer à ce cap : on doit présumer
qu'elle appartient aux deux chaînes de montagnes qui forment le bassin du Bahr-
belâ-mâ ou Fleuve sans eau.
L e chef de brigade M. Cavalier, qui partageoit tout l’intérêt que je mettois
( i ) S t ra b . C eogr, iib . XVII.
à achever ma reconnoissance, mais qui dépassoit le but de la Sienne, ne pouvoit
s’exposer davantage, avec une aussi foible escorte, dans cette partie des déserts
fréquentée par de nombreuses tribus d’Arabes. Nous descendîmes dans la plaine
au sud, et remontâmes bientôt après au nord-est, en longeant la chaîne de
Maryout. Une abondante végétation, des traces de nombreux bestiaux, nous indiquèrent
que nous étions dans les lieux fréquentés par les Arabes pasteurs. Nos
gens prirent bientôt une soixantaine de boeufs, vaches et moutons, que leurs gardiens
nous abandonnèrent. Nous vîmes quelques Arabes fuir et courir vers des
lieux peu couverts, qui leur offrent sans doute des retraites souterraines ; car, les
ayant poursuivis, nous les perdîmes de vue tout-à-coup.
Nous trouvâmes, bientôt après, les ruines d’une petite ville. Au milieu des
décombres de pierres, on remarque quelques citernes et plusieurs puits maçonnés
qui paroissent assez bien entretenus : des rigoles pavées réunissent les eaux pluviales,
qu’elles vont porter par des pentes sensibles et en rayons convergens vers
ces puits. Ayant fait halte en ce lieu, nous y fîmes de l’eau que nous trouvâmes
bonne, et dont nous remplîmes nos outres. Les bestiaux pris sur les Arabes
passèrent sans s’y abreuver; d’où l’on doit naturellement penser qu’il ne manque
pas d’eau dans cette partie du désert.
A une demi-heure de marche au nord-est, et à une distance de huit à neuf
cents pas du pied de la chaîne de montagnes que nous longions toujours à gauche,
nous trouvâmes les restes d’une seconde petite ville qui a dû être assez riche
en monumens : on y voit encore des ruines de belles constructions en pierres de
taille, en briques rouges, des tours, des souterrains voûtés, des citernes, &c.
Poursuivant notre marche toujours dans la même direction, nous trouvâmes,
à trois quarts d’heure au-delà, tes ruines considérables d’une troisième ville,
couverte, sur une assez grande étendue, d’amas immenses de pierres de taille
éparses et accumulées avec le désordre d’une ville renversée de fond en comble ;
enfin, à une pareille distance encore au-delà, de nouvelles ruines d’une quatrième
petite ville. Nous observerons que les distances indiquées en temps sont calculées
a la marche accélérée des dromadaires.
Nous croyons pouvoir rapporter à ces ruines de quatre villes plus ou moins
considérables,situées dans un espace de moins de quatre lieues, les noms des villes
ou bourgs désignés dans les tables de Ptolémée, suivant leur position respective;,
savoir, en commençant par la plus éloignée, Cobïi, Antiphili, Hierax et P/wmothis.
Toute cette partie du desert est couverte d’arbrisseaux et de végétation. Son
sol, susceptible de culture, semble contenir moins de sable et plus de terre végétale
que les plaines de la Bahyreh. En remontant au nord, nous traversâmes de nouveau
la chaîne de montagnes qui domine au sud le canton de Maryout : de sa sommité,
nous aperçûmes à une lieue environ au sud-ouest la tour des Arabes. Cette indication
suffit pour placer avec assez d’approximation la position géographique des
ruines des quatre villes ou bourgs dont nous venons de parler, en redescendant au
sud-ouest.
Le chef de brigade M. Cavalier recherchoit des ruines plus intéressantes qu’il