
L ’une d’elles pourrait être cette ville de Siuph, dépendante du nome Suites, où I
naquit Amasis, qui, de simple particulier, devint Pharaon.
Le lendemain, nous suivîmes le canal de Chybyn-el-Koum jusqua son em- I
bouchure dans le Nil à Farestaq. Nous allâmes ensuite à Sâ-el-Hagar, l’ancienne I
Sais, où existent encore des ruines considérables : on reconnoît dans la première I
partie du nom moderne les traces de 1 ancien; et le surnom del-Hagar lui aura I
été donné par les Arabes, à cause des pierres et des débris d édifices que 1 on y I
rencontre. Enfin les auteurs Qobtes nomment ce lieu Sa'i ( î ), et 1 on ne peut elever I
aucun doute sur son identité avec Sais ; d ailleurs la position des ruines de Sâ-el- I
Hagar convient très-bien avec celle qui est assignée par Strabon a la ville de Sais. I
Mais ce qui atteste encore mieux l’existence de cette ancienne cité., ce sont les débris I
immenses qui subsistent encore à Sâ-el-Hagar : ces restes consistent principalement I
en une enceinte très-vaste de huit cent quatre-vingts métrés de long, et de sept cent I
vingt mètres de large, qui renferme une grande quantité de décombres et des fl
débris d’antiquités. Nous parlerons de ces ruines avec plus de détails dans le I
chapitre x x v des Descriptions d’antiquités.
Sais fut souvent la résidence des Pharaons; et Amasis, lun d entre eux, sat- I
tacha sur-tout à l’embellir ; mais ce qui la rend plus illustre encore, c’est d’avoir I
donné naissance à une ville dont le nom ne peut se prononcer sans émotion. ||
C ’est de Sais que Cécrops amena la colonie Égyptienne qui fonda Athènes ; I
Athènes, dont la gloire éclipsa dès son berceau celle de 1 antique et savante S
Égypte ; tant les actions, le génie, les erreurs memes d un peuple libre ont plus fl
d’éclat, plus d’intérêt, que la richesse et le calme intérieur d une nation ou 1 auto- I
rité et le savoir sont réservés à quelques castes, et les travaux et 1 ignorance, à la I
multitude.
De Sâ-el-Hagar à Desouq, nous mîmes un jour en suivant les bords du N il, j,.
et nous traversâmes, à peu près à moitié chemin, un grand canal qui va se perdre (
dans le lac Bourlos.
Desouq est un village considérable ; on voit dans une mosquee le tombeau d un 1
saint qui attire, deux fois l’année, un nombre prodigieux de Musulmans ; c est en I
Égypte le pèlerinage le plus en vogue après celui de Seyd-Ahmed ei-Bedaouy, fl
dont nous avons parlé à l’article de Tanta.
On nous indiqua, à deux lieues au nord-est de Desouq, sur les bords d’un I
grand canal, des ruines nommées Koum Faraoun. Cet emplacement convient I
assez à celui de Cabasa, capitale du nome Cabasite ; et le nom de Chabcis que I
portent plusieurs villages voisins, tels que Cluibtis-el-Adelh, Chabas-0 mar, Koum fl
Chabâs, nous confirme dans notre opinion.
( i) Les mois Egyptiens que les Grecs ont rendus par ne peut guère se rendre ni en français, ni en grec, ni I
Sais, Saïtique, Tanis et Tamùque, ont souvent été pris en arabe, et dont on a tâché d’exprimer la valeur en I
les uns pour les autres, à cause delà similitude de sons notre langue par dj, s), ou tz ; ce qui donne pour I
¿qu’ils présentoient sans doute à des étrangers. On voit *)Çy>lU, Djani, Sjani ou Tzani. Voyez ce qui a été I
en effet dans la langue Qobte, où tant de mots Egyp- dit sur la branche Tanitique et sur la ville de Sais dans I
tiens se sont conservés, la ville de Sais s’appeler C&-Ï Ie Mémoire sur les anciennes branches du N il, et dans I
Soi, et celle de T a n f a X tW , dont la première lettre 2£ k Description d’HiIiopolis.
Nous nous mîmes en route pour Foueh : à un quart de lieue au nord de
Desouq, nous traversâmes un canal navigable presque toute l’année , et nous
rencontrâmes à peu près vers le milieu de notre route le village de Salmyeh, qui
fut pris de vive force et incendié en l’an 6 par nos troupes, pour punir ses
habitans, qui, plusieurs fois, avoient attaqué nos barques. Us pareftssoient cependant
n’avoir conservé aucune rancune contre notre nation, ainsi que l’avoit déjà
observé M. Denon.
’Nous remarquerons, à ce sujet, que les Égyptiens, qui cherchent souvent,
pertdant plusieurs générations de suite, à venger par des assassinats les parens
qu’ils perdent dans dés querelles particulières, oublient facilement les maux qu’on
leur a fait éprouver par une guerre ouverte. Après tous les malheurs qu’ont essuyés
en Égypte quelques grandes villes prises d’assaut, il est sans exemple qu’un de nos
soldats y ait été ensuite assassiné : nous pouvons même assurer que de tous leS
pays où nous avons porté nos armes, il n’en est peut-être aucun où nous soyons
aussi aimés qu’en Égypte; on sait qu’il y est passé en proverbe de dire Kelem
Frtmsaouy [parle comme un Français], au lieu de Kelem doughry [parle franchement] ;
et nous avons entendu en Italie raconter à un de nos consuls qui a habité le Kaire
depuis le départ de notre armée, que la populace l’injurioit souvent dans les rues
en lui reprochant de ne point rendre compte à son Gouvernement des vexations
que commettoient journellement les troupes Turques : si les Français en étoient
instruits, disoient ces pauvres gens , ils nous délivreraient, ils reviendraient
chez nous. Honneur à la nation qui laisse à ses ennemis vaincus de semblables
souvenirs !
Quant aux habitans du Delta en particulier, ils sont meilleurs qu’on ne le
croit généralement. Ils ont, à la vérité, dans le commencement de notre entrée
en Egypte , opposé plus de résistance que quelques autres provinces, égorgé
quelques Français, attaqué quelques détachemens : mais mettons-nous à leur place,
chose que l’on devrait toujours faire avant de porter un jugement sur le caractère
d’une nation ; si des Musulmans débarqués à l’improviste dans une de nos provinces
les plus attachées à la religion catholique se rendoient maîtres des villes principales,
croit-on que, dans les premiers temps de leur domination, leurs détachemens
isolés seraient accueillis dans nos villages, et qu’on ne les repousserait pas par les
armes, sur-tout lorsqu’ils viendraient y lever des contributions de tout genre, et
que l’ancien Gouvernement renversé, mais non entièrement détruit, les exciterait
à une noble défense ! Eh bien ! c’étoit-là précisément la position des Égyptiens
envers nous ; et cependant, après trois ans de séjour, habitués déjà à leurs nouveaux
maîtres, ils accueilloient nos petits détachemens, nos soldats isolés. Un de nous
est allé seul de Semennoud au Kaire; et plusieurs fois tous deux, sans aucune escorte,
nous avons fait des courses presque aussi longues, soit dans l’intérieur du D elta, soit
dans d autres cantons de 1 Égypte. Certes, il est des pays, dans notre Europe si policée,
ou 1 on ne voyage pas aVec plus de sécurité: telles sont, par exemple, quelques
parties de 1 Italie méridionale. Enfin une expérience de près de quatre années a
prouvé que si 1 Égypte fût restée plus long-temps au pouvoir des Français, non