la crue du Nil : ainsi la culture du dourah exige toujours des arrosemens artificiels •
les terres qui y sont le plus propres, sont, par conséquent, celles qui se trouvent
le plus à proximité du fleuve ou des canaux qui conservent de l’eau toute l’année
’ En descendant de l’île d’Éléphantine à Edfoû, on fait annuellement deux récoltes
de dourali : au-dessous d’Edfoû et dans le reste de l’Égypte, le dourah n'est
cultivé que dans l’été, pendant la période de l’année appelée tl-keydy.
Il croît spontanément, sur la plupart des terres un peu élevées, deux espèces
de plantes, dont l’une, appelée halfch [ Poa umlûflora] , est employée à faire des
nattes, et dont 1 autre, nommée a'âqoul[ Hedysarum AlliageJ, sert de pâturage aux
chameaux. On commence par les brûler sur pied, lorsqu’on veut ensemencer I
en dourah les terrains où elles se trouvent; on donne ensuite un labour à la terre I
après quoi on la divise en carreaux par de petites levées qui se coupent à angles
droits, et sur le sommet desquelles on pratique des rigoles destinées à conduire
l’eau dans chacun des carrés. Ces petites digues, de deux à trois décimètres de hauteur,
sont exécutées d’une manière très-expéditive, au moyen de l’espèce de rabot
nommé massougah, qui sert tout-à-la-fois à dresser la surface du terrain et à retrousser
la terre au pourtour des carreaux. On en fait ordinairement deux cents I
dans un feddân situé près du Nil ; mais on en augmente le nombre, suivant que l’on
est plus éloigné du réservoir qui doit fournir l’eau nécessaire aux arrosemens.
Cette préparation de la terre exige deux journées de travail ; on fait ensuite à I
la pioche, dans chacun de ces carreaux, soixante ou quatre-vingts petites fosses I
de quatre doigts de profondeur, où l’on sème quelques grains de dourah. Cet 1
ensemencement en exige depuis jusqu’à d ardeb : huit ou dix ouvriers I
peuvent l’exécuter en un jour; ils sont payés chacun huit ou dix médins.
Aussitôt que le grain est recouvert, on commence les arrosemens ; on les I
continue sans interruption pendant les dix premiers jours, afin d’assurer et d’ac-1
célérer la végétation.
Ces arrosemens se font, dans l’île d’Éléphantine, au moyen de roues à pots, I
dont chacune peut arroser cinq ou six feddân : ailleurs, ils se font généralement à
bras d’homme, à l’aide de dclou.
Pendant la saison appelée el-keydy, qui correspond, comme nous l’avons dit,
aux plus basses eaux du Nil et aux plus fortes chaleurs de l’été, les arrosemens se
répètent toutes les semaines, à huit reprises différentes. Il faut employer quatre
et six hommes pour arroser un feddân en deux jours.
Dans quelques villages du Fayoum, on ne laboure p o in t, avant de l’ensemencer,
la terre destinée à recevoir le dourah : on y fait à la pioche les trous où
le grain doit être semé, et, après qu’il a été recouvert, on lui donne deux arrosemens
successifs. On trace ensuite à la charrue, entre les lignes de semis, des
sillons de 2 ou 3 décimètres de profondeur, dans lesquels on entretient une
certaine hauteur d’eau qui humecte convenablement les racines de ces plantes :
elles s’accroissent rapidement, et parviennent à leur maturité trois mois après les
semailles. Durant cet intervalle, on sarcle avec soin les, champs de dourah: on
arrache aussi les tiges foibles et tardives, qui, venues sur une même souche,
pourroient arrêter la végétation des tiges principales ; elles servent de fourrage
aux bestiaux.
Lorsque le dourah approche de sa maturité, on a grand soin d’empêcher les
oiseaux de se percher sur ses tiges pour en manger le grain dans sa paniculé.
Comme ces tiges s’élèvent ordinairement à près de deux mètres de hauteur, on
forme de distance en distance, dans les champs de dourah, des buttes de terre sur
lesquelles montent des* hommes qui effarouchent les oiseaux par leurs cris,
Quoique la culture du dourah el-keydy soit très-pénible dans la haute Égypte,
puisquelle exige quelquefois près de cent journées d’arrosage par feddâm, on est
obligé d’y recourir pour la nourriture des habitans, qui ne cultivent le blé ou
l’orge que pour acquitter l’impôt, ou pour entretenir les marchés des villes principales
d’où il est exporté.
Quand le dourah est parvenu à sa maturité, on le coupe, à environ 2 décimètres
de terre, avec une espèce de faucille plus petite et moins courbée que celle dont
on se sert en France. Il faut dix moissonneurs pour scier \m feddân en un jour.
Les tetes, séparées de leurs pieds, sont exposées quelque temps au soleil, après
quoi on les étend sur une aire où elles sont foulées aux pieds par des boeufs.
Deux boeufs, travaillant pendant cinq jours, battent le produit d’un feddân. On
nettoie le grain en le projetant en l’air avec des fourches de bois; enfin on le met
en tas que l’on recouvre de nattes, ou bien on le conserve dans des couffes de
feuilles de dattier.
Nous avons dit que la première récolte du dourah el-keydy se. faisoit vers le milieu
daoût, dans la partie la plus méridionale de l’Égypte ; aussitôt après on prépare
de nouveau les memes terres pour recevoir le dourah cl-nabâiy : les procédés d’ensemencement
et de culture sont les mêmes. Mais comme, pendant cette période
de 1 année, le Nil est à sa plus grande hauteur, les arrosemens exigent beaucoup
moins de travail ; il y a même, dans les provinces de Girgeh et de Syout, des
cantons où 1 inondation s’élève quelquefois assez pour couvrir de quelques centimètres
le terrain dans lequel le dourah est semé. Cette circonstance permet de
suspendre, pendant un mois environ, les arrosemens artificiels: on les reprend
ensuite, et on les renouvelle tous les dix jours, jusqu’à la récolte.
Le produit de la culture du dourah el-keydy est communément de six ardeb par
feddân: le produit de la culture du dourah el-nabâry est plus considérable, et s’élève
quelquefois jusqu à dix et douze ardeb ; le prix moyen de l’ardeb est de 130 médins.
On ne cultive que le dourah el-nabâry dans les parties de l’Égypte au-dessous de
Girgeh. A mesure que l’on descend le Nil, le dourah est plus long-temps à mûrir
et exige beaucoup moins de travaux pour son arrosement.
Dans le Fayoum et dans les provinces de Beny-Soueyf et de Gyzeh, on le sème
au commencement de juillet : il reste quatre mois en terre; il n’est arrosé que tous
les vingt jours : on le récolte au commencement de novembre.
Ce n est point en faisant fouler 1 épi de dourah aux pieds des boeufs, que l’on
en retire le grain, comme dans la haute Égypte ; mais, après avoir exposé ces épis
au soleil pendant quinze ou vingt jours, on les bat avec des bâtons; il faut dix