cruel ; ils sont hospitaliers et généreux. Us ne se marient que lorsqu’ils ont atteint
un grade supérieur ; ils sont enfin exclusivement exercés à l’art militaire, et je pense
qu’on a eu raison de les considérer aussi comme lès premiers cavaliers du monde.
La seconde race se compose des Turcs ou Turcomans, qui viennent de la
Turquie ou de la Tartarie Asiatique. Leur constitution approche assez de celle des
Géorgiens ou Circassiens Mamloulcs dont je viens de parler : mais leur teint
est basané, leur figure plus aplatie, leur crâne plus bombé et plus sphérique; ils
ont les yeux plus petits, le regard sombre et mauvais, les sourcils noirs et froncés,
la barbe également noire. Leur caractère est moins vif et a quelque chose de cruel.
Cette espèce d’hommes est assez nombreuse au Kaire, et ils sont sous les ordres
immédiats des pâchâs.
La troisième classe est formée des Arabes, qu’on peut subdiviser en trois races
différentes : celle des Arabes orientaux, venus des bords de la mer Rouge ou de
l’Arabie; celle des Arabes occidentaux ou Africains, originaires de la Mauritanie
ou des côtes d’Afrique; et celle des Arabes Bédouins ou Scénites, venus des déserts.
Les individus de la première race, qui se sont perpétués dans la classe des
fellah, artisans ou laboureurs de toute la basse Egypte, ont la taille un peu au-
dessus de la moyenne : ils sont robustes et assez bien faits; leur peau est dure,
hâlée et presque noire; ils ont le visage cuivré et ovale, le front large et bombé,
le sourcil détaché et noir, l’oeil de la même couleur, petit, brillant et enfoncé,
le nez droit, de moyenne grandeur, la bouche bien taillée, les dents bien plantées,
d’une belle forme et blanches comme l’ivoire. On observe chez leurs femmes
quelques différences agréables : on admire principalement le contour gracieux de
leurs membres, les proportions régulières de leurs mains et de leurs pieds, la
fierté de leur démarche et de leur attitude.
Les Arabes Africains participent des précédens par l’ensemble des formes du
corps, ainsi que par la couleur et la vivacité des yeux; mais ils tiennentjdes
Iiabifans de la côte d’Afrique, par la forme de leur nez, de leur mâchoire et de
leurs lèvres : leur caractère a beaucoup d’analogie avec celui des autres races
d ’Arabes. Ces Arabes Africains se sont répandus dans la haute Egypte, et ils y
cultivent la terre et exercent des métiers comme les premiers.
Les Bédouins ou Arabes bergers sont généralement divisés par tribus éparses
sur les lisières de la terre fertile, à l’entrée des déserts ; ils habitent sous des
tentes qu’ils transportent d’un lieu dans un autre, selon le besoin. Ils ont quelques
■rapports avec les autres : leurs yeux sont plus étincelans, les traits de leur visage
généralement moins prononcés , la forme de leur corps plus belle; mais leur taille
est plus petite. Ils sont plus agiles et fort maigres, quoique très:robustes : ils ont
l’esprit vif, le caractère fier; ils sont méfians, intéressés, dissimulés, errans et
vagabonds; ils passent d’ailleurs pour bons cavaliers, et l’on vante leur dextérité
à manier la lance et la javeline. Les moeurs et les usages de tous ces Arabes sont
à-peu-près les mêmes; ils élèvent des troupeaux de moutons, des chameaux et
des chevaux d’une espèce t-rès-recherchée.
La quatrième classe des habitans de l’Egypte, principal objet de mes recherches.
est formée des Qobtes, qui se trouvent en grand nombre au Kaire et dans la
haute Egypte. Ce sont sans doute les descendans des vrais et anciens Égyptiens :
ils en ont conservé les formes physiques, le langage, les moeurs et les usages.
Leur origine paroît se perdre dans les siècles les plus reculés ; ils existoient dans
le Sa’yd long-temps avant Dioclétien. Hérodote assure que les Égyptiens descendent
des Abyssins et des Éthiopiens. Tous les historiens s’accordent sur ce
point avec Hérodote, et les recherches que j’ai faites à cet égard m’engagent à
adopter cette opinion.
Tous les Qobtes ont un ton de peau jaunâtre et fumeux comme les Abyssins;
leur visage est plein sans être bouffi; les yeux sont beaux, limpides, coupés en
amande, et d’un regard languissant; les pommettes saillantes; le nez presque droit,
arrondi à son sommet ; les narines dilatées, la bouche moyenne, les lèvres épaisses ;
les dents blanches, symétriques et peu saillantes; la barbe et les cheveux noirs et
crépus. Les femmes présentent les mêmes caractères avec des modifications qui sont
à leur avantage. Cela prouve, contre l’opinion de M. de Volney, que ces hommes
ne sont point de la race dés nègres de l’intérieur de l’Afrique; car il n’y a aucune
espèce d’analogie entre ces derniers individus et les Qobtes. En effet, les nègres
Africains ont les dents plus larges, plus avancées, les arcades alvéolaires plus
étendues et plus prononcées, les lèvres plus épaisses, renversées, et la bouche
plus fendue; ils ont aussi les pommettes moins saillantes, les joues plus petites et
les yeux plus ternes et plus ronds, et leurs cheveux sont lanugineux. L ’Abyssin,
au contraire, a les yeux grands, d’un regard agréable, et l’angle-interne en est
incliné chez lui; les pommettes sont plus saillantes; les joues forment, avec les
angles prononcés de la mâchoire et de la bouche, un triangle plus régulier; les
lèvres sont épaisses sans être renversées, comme chez les nègres, et, ainsi que
je l’ai déjà dit, les dents sont belles et moins avancées; les arcades alvéolaires
sont moins étendues ; enfin, le teint des Abyssins est cuivré.
Tous ces traits se remarquent avec des nuances peu sensibles chez les Qobtes
ou vrais Égyptiens; on les retrouve aussi dans les têtes des statues anciennes,
sur-tout dans celles des sphinx. Pour vérifier ces faits, j’ai recueilli un certain
nombre de crânes dans plusieurs cimetières des Qobtes, dont la démolition avoit
été nécessitée par des travaux publics. Je les ai comparés avec ceux des autres
races, dont j’avois fait aussi une riche collection ( i ), sur-tout avec ceux de qùelquês
Abyssins et Éthiopiens que je m’étois également procurés, et je me suis convaincu
que ces deux espèces de crânes présentoient à-peu-près les mêmes formes.
La visite que j’ai faite aux pyramides de Saqqârah, m’a mis à portée de
dépouiller un assez grand nombre de. momies, dont lès crânes m’ont offert les
mêmes caractères que les premiers, tels que la saillie des pommettes et des arcades
zygomatiques, la forme particulière des fosses nasales, et le peu de saillie des
arcades alvéolaires.
(i) La peste s’étant emparée des personnes que j’avois ville pour revenir directement en France, je n’ai pu
laissées dans ma maison au Kaire lors de notre départ sauver cette collection non plus que mes effets,
pour Alexandrie, et l’armée ayant quitté cette dernière
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