¡’art. Cette digue, qui prend son origine au village de Defennoû, se termine à un
petit ruisseau, qui fait la limite des terres cultivées ; elle occupe une longueur d’environ
8500 mètres.
On ne peut qu’être surpris de voir un ouvrage aussi considérable pour l’intérêt
d’un petit territoire tel que ce lieu, renfermé entre le lac Garâh, les montagnesqui
séparent le Fa)oum de l’Egypte, le Balir-Yousef et la digue, tandis que d’immenses
terrains sont abandonnés dans la vallée de l’Egypte, faute de quelques légères
dépenses faites aux digues et canaux conservateurs de ces terrains. Je suis assez porté
a croire que le monument dont je parle est, comme le pont d’Haouârah, l’ouvrage
d’un des anciens sultans Fatimites..
Mon intention étoit de parcourir tout le Bahr-belâ-mâ jusqu’à Tâmyeh et au
Birket-Qeroun : j’allois même en commencer le nivellement, lorsque des circonstances
qui amenèrent quelques mouvemens militaires du corps stationné .dans la
province, me privèrent des soldats qui avoient été mis a ma disposition, et qui
m’étoient devenus indispensables pour mes opérations.
Je fus donc forcé, à mon grand regret, d,e retourner à Médin.e, où je fis de suite
mes dispositions pour entreprendre autour du Birket-Qeroun le voyage que je desi-
rois faire depuis si long-temps. Je profitai de quelque loisir que me laissoient les
lenteurs des préparatifs, pour visiter l’emplacement de l’ancienne Cxocodilovolis,
dont.le nom fut changé, sous les Ptolémées, en celui d’Arsmoé.
Si l’on sort .de Médite par le pont qui est vis-à-vis la mosquée de Rouby, on traversé,
èn se dirigeant au nord ¿un grand'espace parsemé de tombeaux musulmans,
après lesquels on trouve, dans la direction sud-nord, plusieurs monticules composés)
de débris dé pierres calcaires, dé briques ou de poteries, et disséminés sur
un espace d’environ 3.500 mètres au nord et 2500 ¡mètres de l’est à l’ouest.
Nous avons, M. Caristie et moi, parcouru, visité et fait fouiller chacun de ces
monticules, pour y reconnoître la trace de quelques monumens ; mais nous n’y
avons trouvé que des débris informes, d’où nous n’avons'rpu tirer d’autre conséquence,,
sinon que par leur étendue ils désignent l’emplacement d’une ville; et
comme il n’en existe pas d’autre aussi considérable dans toute la province, nous
en avons conclu que cette ville étoit l’ancienne Crocodilopolls, appelée depuis
A rsinoé.
Cette certitude nous a été bientôt entièrement acquise, lorsque, par quelques
opérations trigonométriques faites sur ces monticules, nous avons trouvé que leur
distance à la pyramide du labyrinthe étoit égale à une longueur de 8702 mètres
98 centimètres, compris 1250 mètres pour la moitié de l’étendue des ruines.
Strabon dit positivement ( 1 ) que la distance d’Arsinoé à cette pyramide est de cent
stades. D ’Anville (2),estime à un huitième la réduction que l’on doit donner aux
mesures itinéraires en Egypte, pour les rapporter à des lignes droites. D ’après le
calcul des milles Romains, dont il égale quatre au schoene Égyptien ( 3 ), il trouve
trois mille vingt-quatre toises pour la longueur du schoene ; ce qui donne cinquante
(1) Rer.geograph. lib.x vn ; Lutetiæ Parrslorum ,1620. (3) Ibid. pag. 84 et 92.
(2) Traité des mesures itinéraires, pag. 181.
toises
toises deux pieds six pouces, ou 98 mètres 26 centimètres, pour la longueur du
stade, à raison de soixante stades au schoene. Les cent stades font donc cinq mille
quarante toises un pied huit pouces, ou 9826 mètres : d’où déduisant un huitième,
il reste' 8598 mètres; ce qui s’accorde assez bien avec la distance que nous
avons trouvée trigonométriquement.
Le pied des monticules est baigné à l’est et à l’ouest par deux canaux prenant leur
direction au nord, sur une largeur de 30 mètres et une profondeur de 3 mètres
50 centimètres.
Nous avions appris à Médine qu’il existoit des ruines importantes à l’ouest de
cette'ville : nous nous y sommes transportés ; mais nous n’avons trouvé qu’un lieu
appelé el-A'moud, où l’on voit un seul obélisque en granit, à tooo mètres environ
du village de Begyg, et à 4ooo mètres de Médine. Mon collègue M. Caristie
s’est chargé de donner les dessins et quelques détails sur cet obélisque.
Enfin, tous les préparatifs de mon voyage autour du Birket-Qeroun étant terminés,
je pus me mettre en route pour effectuer cette reconnoissance. J’avois, dans
le principe, consulté cheykh Ahmed euSolymân kâchef sur ce voyage, et je leur
avois dit que, vu la difficulté de vivre plusieurs jours dans le désert avec mes soldats
Français, j’avois résolu de n’emmener que des Arabes avec moi. Ils cherchèrent
l’un et l’autre à me faire changer de résolution, en m’assurant que les tribus qui
parcoüroient ces parages, étoient toutes en guerre, et que je ne pouvois me confier
à aucune d’elles sans courir les plus grands dangers. Ce fait me fut encore
confirmé par un cheykh d’Arabes, qui s’engagea bien à m’accompagner avec trente
des siens, si j’avois avec moi autant de soldats Français. Je les demandai alors
au colonel Eppler, commandant de la province, qui me répondit qu’il en met-
troit à ma disposition autant que j’en voudrois pour parcourir les villages ou les
terres cultivées, mais qu’il ne m’en donneroit pas un pour le voyage que je
projetois.
Le désir ardent que pavois de faire cette reconnoissance, fit que je m’abouchai
de nouveau avec le cheykh Arabe ; le commandant Eppler se joignit à moi pour
détruire les objections nombreuses et sans cesse renaissantes qu’il faisoit à toutes
nos propositions, et nous le déterminâmes enfin à m’accompagner avec trente des
siens à cheval.
Cet Arabe, nommé A'fy, étoit un jeune homme d’environ trente ans, fils de
Sâleli, grand cheykh de la tribu des Sammâlou, qui avoit fixé sa résidence au village
de Minyeh, situé sur les bords du Bahr el-Ouâdy. Ce nom de Sammâlou est
celui de l’association générale des tribus qui entourent le Fayoum. Sâleh avoit trois
fils et un neveu, placés chacun à la tête d’une division de la tribu. Le premier,
cheykh A ’iy, résidoit à Médine ; le second, Groubeh, étoit auprès de lui, à Minyeh;
et le troisième, O ’tmân, habitoit Abou-Gandyr. Quelques autres enfkns qu’il avoit
eus de ses femmes esclaves, étoient aussi auprès de lui, et faisoient le charme de
sa vieillesse. Le neveu, A ’iy-Aboubekr, occupoit Nazleh. Je donnerai, à la fin de
cette description, un tableau détaillé de toutes les tribus particulières, ainsi que de
celles de la province de Beny-Soueyf.
È . M . T O M E I I . Dd