I o 4 MÉMOI R E S U R L E C A NA L D’A L E X A NDR I E .
faudrait faire aboutir le canal d’Alexandrie dans cette coupure, en sorte qu’il
appartiendroit également aux deux ports, et qu’il traverserait la ville moderne dans
le sens de sa longueur.
La présence continuelle des eaux du Nil à Alexandrie deviendrait d’une nécessité
absolue, dans l’hypothèse d’une grande population; car la quantité qui peut
être contenue dans toutes les citernes de la ville, ne peut suffire tout au plus que
pour une année et demie au nombre actuel de ses habitans.
A la vérité, cette nouvelle bouche ouverte aux eaux du fleuve affbibliroit
beaucoup la branche de Rosette, dans laquelle, en été, les eaux de la mer se melent
déjà à quatre ou cinq lieues au-dessus de son embouchure ; mais, outre qu on pourra
dans tous les temps augmenter le courant du Nil en rétrécissant ses embouchures
à la mer, on sera toujours maître de ne donner aux eaux du canal que l’écoulement
suffisant aux besoins et à la salubrité : une écluse placée vers le milieu de sa
longueur, et une autre à son extrémité dans le port, seroient suffisantes pour empêcher
une déperdition d’eau superflue. La seule écluse de 1 extrémité pourrait
bien remplir le même but, mais il faudrait que les portes en fussent tres-hautes;
et les digues aussi devraient être beaucoup trop élevées, puisqu il faudrait que leur;
sommets fussent horizontaux dans toute leur longueur.
Nous ne nous engagerons pas davantage dans la discussion des moyens de
rendre nayigable pendant toute l’année le canal d’Alexandrie, hon plus que dans
l’énumération des ouvrages d’art qui devraient y concourir ; l’objet important eût
été d’en donner une évaluation ; c’est ce qu’il est impossible de faire, au moins
d’une manière probable, pour tout ce qui peut être compris sous la dénomination
de constructions ; quant au déblaiement des terres, on peut 1 évaluer.
Nous avons déjà fait voir que deux cent soixante mille francs suffiraient pour
rendre le canal navigable pendant trois mois : d’où il ne faudroit pas conclure que
le quadruple de cette somme seroit nécessaire pour qu’il le devînt toute l’année;
car il résulte de la loi du mouvement des eaux du fleuve, que s’il faut, dans le
premier cas, baisser l’fentrée du canal de deux mètres et demi, il ne faudra, dans le
second, que la baisser d’un mètre trois dixièmes plus bas, c’est-à-dire, de trois
mètres huit dixièmes en tout. Or, en donnant toujours dix mètres de largeur au
canal, comme il a dix-neuf à vingt lieues de développement, et qu’il est suffisamment
profond à Alexandrie, il y auroit un million sept cent trente mille mètres
cubes à enlever; ce qui, d’après les évaluations précédentes, pourroit être fait en
deux ou trois ans au p lus, pour la somme de sept cent cinquante mille francs.
DESCRIPTION
HYDROGRAPHIQUE
DES PROVINCES
DE BENY-SOUEYF ET DU FAYOUM;
P a r p . D . M A R T IN , .
I n g é n i e u r a u C o r p s r o y a l d e s p o n t s e t c h a u s s é e s .
Les'provinces de Beny-Soueyf et du Fayoum, situées dans la partie de l’Égypte
désignée autrefois sous le nom d’ Heptanomide, et connue aujourd’hui sous .celui
SOnestâny ou Egypte du milieu, présentent un grand intérêt sous le rapport de
leur chorographie, qui a été jusqu’à nos jours le sujet d’une controverse dans
laquelle les opinions de nos plus illustres géographes n’ont jamais pu s’accorder.
Les descriptions que les anciens nous ont laissées de ‘ces deux provinces, sont
tout-à-fait différentes de celles qu’ont données les voyageurs et les critiques modernes
les plus connus jusqu’à la fin du xviii.' siècle ; et pour avoir voulu concilier
ces différences, on est: souvent tombé dans des erreurs très-graves.
Le but de la Commission des sciences et arts devoit être, en arrivant en Egypte,
de faire disparoître toutes ces incertitudes, et de fixer enfin d’une manière invariable
l’opinion que l’on doit avoir du génie et de la puissance des anciens Egyptiens,
d’après des autorités aussi recommandables que celles d’H érodote,-de
Strabon, de Diodore, de Ptolémée, &c. &c., autorités qu’il étoit impossible de
rejeter, et même de taxer de légéreté. Plusieurs membres de cette Commission
se rendirent, en conséquence, à Beny-Soueyf et dans le Fayoum, aussitôt qu’ils
purent entrevoir les occasions favorables pour faire des incursions. MM. Jomard
et Girard déployèrent un zèle infatigable dans leurs recherches, dont ils présentèrent
bientôt les résultats à l’Institut du Kaire.
Le premier entreprit de démontrer l’identité des descriptions du lac de Moeris
données par Hérodote, Diodore et Strabon, et il prouva jusqu’à l’évidence que
ces auteurs avoient^eu en vue dans leurs récits le lac connu aujourd’hui sous
le nom de Birket-Qeroun, qui seul satisfait aux conditions énoncées ( t).
M. Girard s’attacha plus particulièrement à la description du Fayoum actuel
sous le rapport de l’agriculture et du commerce; mais, en traitant ces matières avec
la sagacité et les connoissances profondes qui caractérisent tous ses ouvrages, il
resta étranger à la discussion de l’ancienne topographie.
(i) Voye^ le Mémoire sur le lac de Moeris, par E. Jomard, Antiquités-AÍ(moires, tout. I , pag.79.