totale de lune, dans laquelle les astrologues lurent la mort d’un grand prince.
Bybars, qui, comme tous les Mahométans, croyoit a I influence des astres sur les
destinées de l’homme, voulut détourner les effets du pronostic, et invita a uni
repas Dàoud, petit-fils de Tourân-chàh et dernier rejeton des Ayoubites, qui n’avoit
d’autre bien que le nom de Nâser el-dyn, et d autre domaine que le vain titre I
de Malek el-Qâher, roi formidable. Il présenta, une coupe empoisonnée a Daoud(l
qui avala la liqueur. Croyant qu il n y restoit plus de poison, il la remplit lui. I
même, but et expira à ses côtés, donnant raison a 1 astrologie. D autres disent I
qu’il mourut d’un flux de sang contracté en passant. 1 Euphrate a gué. Il ctoii I
Kaptchaq d’origine ; on le connoît sous le nom de Bondoqdâr, parce qu il avoit I
été porte-mousquet de Sâlh. On pourroit le comparer, vu son activité, à l’empereur I
Julien. Quoique son règne ait été désolé par toute sorte de fléaux, il l’honoral
cependant par des monumens qui fixent sa gloire sur des fondemens plus solides I
que les conquêtes : l’Égypte doit à sa munificence la réédification de Damiette.l
le resserrement du boghâz de cette ville commerçante, le rétablissement de lai
chaîne qui en fermoit le port; la construction des murailles d’Alexandrie, duI
phare de cette ville, de celui de Rosette, du pont de Chobrâment, province deI
Gyzeh, d’immenses greniers, de la mosquée d Atâr el-Neby dans une île procheI
du vieux Kaire, où les dévots vont tous les mercredis visiter la pierre qu’il y fil
placer, et qui, dit-on, porte l’empreinte des pieds de Mahomet; 1 excavation duI
puits minéral d’eau chaude de Tanali, village situe, sur la rive gauche du Nil,I
branche de Damiette; la réparation à neuf de la fameuse mosquée des Fleurs au I
Kaire, des ponts dits Abou-Abeneggeh et el-Sabâa , et de la grande tour de laI
citadelle, qui tomboient en ruine ; le curage à fond du canal d Alexandrie, auquell
il donna plus de profondeur; la fondation de plusieurs mosquées et collèges il
Damas et au Kaire; l’abolition de l’usage de prononcer son nom dans les prièresI
publiques, usage qu’il regard oit comme une institution de l’orgueil ; enfin la ré-1
paration des villes détruites par les Tartares. Il pourvut à tant de dépenses avec Ici
produit du butin fait sur ses ennemis.
Il laissa après lui sept filles et trois fils, dont deux succédèrent lun a 1 autre.I
Barkah-khân fut le premier. _
C H A P I T R E I I I .
Barkah-khân. Chalâmech. Qalâoun. Khalyl. Bedarah.
A u s s it ô t que Bybars eut fermé les yeux (en 676), les émyrs décidèrent en grand I
conseil de tenir sa mort secrète, afin que les ennemis ne cherchassent pas à enI
profiter ; ce qui prouveroit qu’il est plutôt mort d’un flux de sang qu’empoisonne I
à la fin d’un repas, c’est-à-dire, en présence de témoins nombreux. Ils envoyèrent I
en conséquence inhumer son corps secrètement à Damas, et simulèrent un ordre I
par lequel le sultan, étant malade, vouloit être transféré au Kaire dans une litièreI
fermée. Conformément à cet ordre, l’armée se mit en route. Sa marche depuis I
Émesse jusqu’au Kaire eut la tristesse d’un convoi funèbre ; et à peine la litière
fut-elle introduite dans la citadelle, que Barkah-khân, son fils, fut salué Malek
el-Sey’d, c’est-à-dire, roi fortuné.
Barkah-khân proclamé créa Bylibek atâbeh ou son lieutenant général, reçut le
serment des émyrs, et commença un règne qui présageoit le bonheur, mais dont
la tranquillité, troublée par la maladie de Bylibek, expira avec lui.
Les belles actions honorent l’histoire. Bylibek, acheté en bas âge par Bybars,
qui le prit en affection, grandit, se forma à son é cole , et devint son grand trésorier.
Son intégrité dans cette charge l’ayant rendu encore plus cher au sultan,
celui-ci lui confia la jeunesse de son fils ; et le jeune prince en fit son favori. Fier,
sans orgueil, de la charge dont il étoit honoré, Bylibek se plut à faire des heureux.
Je citerai pour exemple sa générosité à l’égard de celui qui l’avoit vendu à Bybars.
Cet homme, tombé du faîte de l’opulence, se trouvoit réduit à mendier sa subsistance.
Instruit par la voix publique de la fortune de son ancien esclave, stimulé par
la détresse où il étoit, et encouragé par l’espérance, il vint présenter une requête où
il dépeignoit ses malheurs à l’heureux Mamlouk : celui-ci l’ayant reconnu, l’accueillit
avec aménité, le fit asseoir à ses côtés, le couvrit de riches vêtemens, lui donna
des chevaux, dix mille deniers d’or [environ 180,000 francs], et le retint à son
service; reconnoissance bien rare dans une ame asservie.
Sa mort fit une telle sensation sur l’esprit de Barkah-khân, qu’il s’opéra dans sa
conduite un changement brusque, et qu’il cessa d’agir avec cette humanité qu’il avoit
montrée jusqu’alors. Il regarda les émyrs'comme coupables d’une mort qu’il ne pou-
yoit se figurer naturelle, et il sévit contre eux. Aq-Sonqor, vainqueur de la Nubie,
élu à la place de Bylibek, fut relégué et étranglé dans une des tours d’Alexandrie. Les
autres émyrs, épouvantés et craignant le même sort, conspirèrent contre le sultan.
La nouvelle révolte de Damas suspendit l’effet de cette conspiration, au moins
momentanément, II se trouva forcé de marcher contre Aq-Sonqor el-A’chqâr,
c’estia-dire, le Blond, qui s’étoit fait reconnoître souverain sous le titre de Malek
el-Kâmel, roi parfait. Entouré de ses émyrs et suivi de son malheureux destin,
Barkah-khàn vint fixer son quartier général au palais d’Ablaq, construit par son père
dans les environs de Damas. Ablaq auroit été son tombeau, si la mine qu’on dis—
posoit contre lui n’eût été éventée à temps. Il en fit son profit, et voulut la diriger
contre ses auteurs, quand ceux-ci, informés à propos, abandonnèrent le camp à la
tête de leurs Mamlouks, prirent la route du Kaire, et s’y fortifièrent. Le sultan vint
pour les attaquer; mais, deconcerte par leur attitude menaçante, il renonça à
son entreprise, et alla se retrancher lui-même dans la citadelle. Cette marque de
foiblesse enhardit les rebelles, qui ly bloquèrent et le réduisirent à capituler. Il
se servit pour cela de 1 entremise du khalyfe Hâkem Bi-amr-allah, à qui l’on accorda
une entrevue, et qui n eut d autre réponse que celle-ci : « Qu’il vienne à nos pieds;
» et nous verrons alors ce que nous aurons à faire » ; insolence digne de rebelles
heureux qui vouloient sacrifier leur maître. Cependant, après quelques débats, et
a la considération du khalyfe, on lui accorda la vie, et on l’exila à Krak.
Peu de temps après, les ernyrs se repentirent de lui avoir fait grâce et p ro '
I
I