
entre le mont Sinaï et celui d e Sainte-Catherine, d e superbes blancs d’Holiande qui
entourent un large vivier que les pluies avpierit'rempli dans la nuit.
A quelque distance'de là, au milieu de la vallée, on nous fit voir le rocber d'où
Moïse fit sortir de l’eau (i).
Plusieurs vallées aboutissent à quelques milles de cet endroit, et forment par
leur réunion un large plateau rempli de sable, de blocs de granit et de cailloux, I
qui porte le nom de plaine des Israélites ; un monticule de peu d élévation , au
milieu de ce désert, est appelé montagne d Aaron. On assure que quelques Arabes j
vont encore y tuer dés chèvres. En suivant notre route, nous vîmes une roche
creuse dans laquelle les moines prétendent que ie veau d’or fut coulé.
La caravane étoit sur le point de partir pour retourner au Kaire ; nous devions
en profiter, ou courir le risque de rester dans ce désert jusqu’au départ qui auvoii' t
suivi son prochain retour, c’est-à-dire, plus dê six semaines, en supposant qu’aucun
événement n’eût contrarié .sa marche : nous rentrâmes donc au couvent par
la voie de la poulie, et le surlendemain nous quittâmes ces bons solitaires pour
retourner au Kaire par là route des montagnes. Nos cheykhs nous atténdoient
au pied du couveht. Les tribus les plus éloignées étoient en marche pour se rcir j
nir toutes à l’entréè dé la vallée, et.traverser ensemble le désert de Souéys, afin •
de se protéger mutuellement contre les tribus ennemies qu’on pourrait reheontrer.
Pendant que nous faisions charger nos chameaux, un de nos interprètes vint j
m’avertir qu’un Arabe annônçôit que les Turcs étoieht maîtres du Kaire, où les j
Français avoient été égorgés. Je pouvois le faire venir devant Igs Cheykhs, lïntec
roger sur cette nouvelle, et le confondre, si elle étoit imaginée pour soulever les
Arabes Contre nous; mais une discussion n’étoit pas sâhs inconvénient. Quelques-
uns étoient jalbux du bénéfice que notre voyage procurait à un petit nombre
d’entre eux. Je donnai l’ordre à l’interprété d’allêr dire au nouvelliste que les
Français étoient les amis des Turcs; qu’il ne nous cohhoîssoit pas s’il croyoit
nous effrayer, et que je lui envoyois une poignée de pârats comme à un conteur
d’histoires. Après être montés sur nos dromadaires, nous distribuâmes des parais
aux pauvres, nous eh jetâmes aux enfans, ainsi que nous avions coutume de le
faire en quittant chaque tribu, et nous partîmes couverts des bénédictions des bons
moines (2). <
(1) Les pluies , en tombànt sur les montagnes, pro- coupures de trois à quatre centimètres [un pouce et demi
duisent dès torrens qui, suivant long-temps la même dfc à deux pouces] de profondeur, formées par le séjour de
rection , entraînent les terres, les pierres, les cailloux l’eau dans les parties les plus tendres de ce bloc > que les
roulés et forment sur les roches qui résistent à ce dé- moines et les Arabes appellent,/? rocher de Moïse. Ces
placement, des rigoles d’autant plus profondes qüè là derniers mettent de l’herbe dans les prétendues b o u ch e s,
pierre est plus tendre et qüè les torrens sont plus fré- et la font manger à leurs chameaux quand ils sont m alades,
quens, jusqu’à ce que ces rofches , déracinées par l’en- (2) Un pan de leur muraille.d’enceinte étoit tom bé;
lèvement des terres, soient elles-mêmes précipitées dans ils n’avoient aucun moyen de le raccommoder : nous leur
les vallées. - * promîmes de leur envoyer des maçons, qui partirent
Un bloc de granit, de quatre mètres et demi [quatorze en effet par la première caravane, d’après un traité fait
pieds environ] de surface carrée, précipité delà mon- avec les Arabes. Plusieurs années après, un voyageur
tagne au milieu de la vallée, laisse voir sur sa surface russe qui est allé par terre de Syrie au mont Sinaï,»
verticale une rigole de deux décimètres et demi [environ trouvé notre nom conservé dans la chambre des étran g ers,
fceüf pouces] de largeur*, sur un décimètre [trois pouces et en reconnoissance de ce bienfait. (Extrait du Journal du
demi] de profondeur, traversée par dix à douze stries où Monde élégant, imprime a Berlin en 1806.)
DE LÀ EREÎSQU ïLE DE sS,INAI.
V I N G T I È M E J O U R N É E .
Après six heures de marche dans la vallée de Rahha, et deux dans celle du
Cheykii Sâleh, nous campâmes près des Aoulâd Sa’y d , chez qui nous fumes parfait
e m e n t accueillis. Le cheÿkh nous conduisit souS sa tente : mais, pendant le repas,
il s’éleva une contestation entre lui et un Voisin qui Vouloit nous recevoir; nous
les mîmes d’accord en promettant à ce dernier d’aller manger une chèvre avec lui
l e lendemain, avant de partir.
1 \ , ,.f V I N G T - U N I E ME IO U R N É E .
' Nous n’avions plus que deux heures de marche pour arriver dans la fertile vallée
Je Pliatah, Occupée par la tribu des Gararché, qui est la plus nombreuse, et dont
le cheykh est en même temps le plus ancien et prend le titre de grand cheykh.
Getté vallée, plantée de palmiers et de quelques hapécas, a une longueur d’environ
trois milles, et une largeur de deux cents à trois cents mètres [cent à Cènt
ciiiqùantë toises] : elle renferme plusieurs enceintes de murs en pierre sèche,
forhtant autant de propriétés appartenant aux habitahs plus aisés des tribus voisines,
qui Viennent y récolter leurs dattes ; un cheykh particulier est chargé de la
conservation de Ces jardins, qui sont sous la protection du grand cheykh.
Le campement dans Cet endroit est plus considérable ; il est d’environ quarante
tentes placées entre des tamaris, et renferme la plus grande partie de la tribu.
On y trouve plusieurs puits qui fourbissent avec assez d’abondance de Fëaü, que
l’on puisoit à vingt pieds de profondeur environ lors de notre voyage.
Le repas que nous y fîmes fut le même que celui que nous avoient offert lés
autres tribus; mais la réunion, plus nombreuse, étoit de quarahte-cinq à Cinquante
personnes, c'est-à-dire, de tous les hommes et de tous les enfans de la tribu.
Nous avions à constater un fait important. Pococke, et particulièrement Niebuhr,
avoient trouvé, à Une journée de la vallée de Pharan, des pierres couvertes d’hiéroglyphes,
qui paraissent indiquer des sépultures Egyptiennes; on leur avôit aussi
parlé de l’existence d’une ville ancienne : ce qui s’accorde très-bien avec Ce que
nous avions eu plusieurs fois l’occasion de reconnoître dans la haute Egypte ; savoir,
que lorsqu’on trouve les ruines d’une Ville, on est assuré de rencontrer des tombeaux
non loin de là, et réciproquement. Comme nous vivions depuis un mois
avec nos Arabes, et qu’ils paroissoient avoir autant de confiance en nous qu’on peut
en obtenir de ces peuples méfiahs, hous avions quelque raison d’espérer dé retrouver
les antiquités dessinées et décrites par Niebuhr : nous interrogeâmes en conséquence
les religieux qui avoient fait plusieurs fois le voyage, les hommes âgés,
et ceux qui, n’ayant rien à perdre, n’ont rien à cacher; tous s’accordèrent à nous
indiquer les ruines d’une ville dans le même lieu, et des pierres écrites dans Un
autre endroit, qui est précisément celui dont Niebuhr fait mention. Mais hous
n en fûmes pas moins frustrés dans nos espérances; soit ignorance, soit mauvaise
foi de la part de hos conducteurs, nous ne fûmes pas conduits à l’eiidrôit où së
uouvent les débris antiques que nous étions si empressés de visiter.
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