
cette observation, que les eaux légèrement saumâtres, mais potables, que l’on
trouve à deux et trois pieds de fouille dans toute l’étendue de cette petite vallée
qui s’étend jusqu’à la tour des Arabes, où elle change de nature en prenant un
niveau bien inférieur, sont encore de sept à huit pieds supérieures aux eaux de
la mer.
J’ajouterai à ces détails que le chef de brigade M. Cavalier, et l’officier de
marine M. Gard, eurent la complaisance de tenir eux-mêmes les mires pendant
toute la journée que dura cette opération vérifiée, que la multiplicité des
stations, la chaleur, et la forte ondulation des couches inférieures de l'atmosphère
sur les sables du désert, me rendirent très-pénible, à la vue sur-tout (i).
J’avois observé, dans l’espace de vingt-quatre heures que nous restâmes au
santon d’Abou-el-Kheyr, que les eaux de l’inondation, qui s’étendoient déjà à une
demi-lieue au sud-ouest de Maréa, vers la tour des Arabes, s’y étoient élevées de
oJ 8° 41 : en retournant à Alexandrie, je retrouvai aux îlots fortifiés, où, quatre
jours avant, nous avions fait notre première observation, une nouvelle profondeur
de soixante-dix pouces. La crue y fut donc, du 16 au 20 floréal, de 2d 6° o1,
puisque nous avons dit que, le 16 , cette profondeur n y étoit que de quarante
pouces. Je conclurai de ces observations et opérations, qu’il doit se trouver aujourd’hui
dix pieds d’eau dans cette partie du lac, et cinq à la hauteur de Maréa.
De ces îlots, nous nous dirigeâmes au nord-ouest sur le Marabou, en traversant
la chaîne de montagnes où l’on trouve des carrières immenses, dont 1 exploitation
a dû servir à la construction de la ville d’Alexandrie. Dans toute cette
partie, la côte est formée par un sol rocailleux et sablonneux, ejcwcmement difficile
pour la marche du chameau. Ce fut près et à l’ouest du Marabou que l’armée
Française fit son débarquement, le 13 messidor an 6 [ 1 ." juillet 1798]. Du
Marabou, nous nous dirigeâmes sur Alexandrie, où nous rentrâmes le 20 floréal
an 9 f-io mai 1801], le cinquième jour de notre départ de cette ville.
Le 23 suivant, je fis un autre nivellement sur une coupure de la côte, qui
paroît avoir été un ancien canal de jonction de la rade d’Alexandrie au lac, à
une distance de cinq mille huit cent cinquante mètres au sud-ouest de la colonne.
( i) Il est peu de Français qui, ayant séjourné à
Alexandrie, n’aient été à portée d’observer l’effet de la
réfraction sur cette partie des côtes de l’Egypte : quand
de cette ville on porte la vue vers la tour des Arabes,
on y aperçoit presque toujours une espèce de vapeur
s’élever de terre et de mer, offrant les nuances très-
sensibles de deux teintes bien distinctes de couleurs
roussâtre et bleuâtre, dues à la réfraction solaire sur les
couches les plus basses de l’atmosphère à l’horizon. Ces
vapeurs fortement colorées dessinent et peignent parfaitement
à l’oeil les tons qui appartiennent aux effets
de la réfraction sur les sables du désert et sur les eaux
de la mer.
Après les fatigues de cette journée, nos soldats tuèrent
le soir, à notre bivouac du santon, et au milieu du trou*
peau de leur prise, un boeuf qui fut tiré à balles de fusil, à
quinze pas. L ’animal, frappé dans le milieu du front.
resta immobile sur le coup, puis chancela et tomba. Le
passage de la vie à la mort fut celui d’un éclair. Tous
les boeufs du troupeau l’entourèrent à l’instant, et poussèrent,
presque tous, un long mugissement, après lequel
les uns s’éloignèrent, et d’autres s’enfuirent, saisis d’une
espèce de stupeur.
Cette observation qui me frappa, et que quelques personnes
ne trouveront pas sans intérêt, rappelle ce beap
vers de Virgile :
Sternitur, exanimisque tremens procumbit humi bos.
Æneid. lib. V. V. 481.
Ce vers, dont la citation est amenée aussi naturellement
que l’image du poëte Latin est vraie et juste, est
aussi fidèlement traduit par M. Delille dans son Enéide
Française :
Le taureau , sous le coup, tremble, chancelle et tombe.
Lit. v, y. ijüt
Le profil en est représenté dans la planche de nivellement citée plus haut. . On
peut*y voir que le lit de- cet ancien canal, dont le relief n’est pas de quatre pieds
de hauteur.moyenne au-dessus de la me r, ne demanderoit qu’un travail peu
considérable pour y rétablir l’ancienne communication des ports d’Alexandrie avec
ceux du Maréotis, et qu’à l’époque à laquelle je fis cette opération, les eaux du lac
avoient encore à.s’élever de 3. 1 i° 31; car la dernière cote fut prise à la ligne des
eaux du lac, pour prendre le niveau des eaux de mer : des sondes que je prolongeai
dans le lac sur la direction de cet ancien canal, donnèrent progressivement
jusqua huit pieds deau a cinq cents toises des rives; le 28 du même mois, on y
trouva onzeipieds d’eau, à sept et huit cents toises, de sorte que, dans la pleine
inondation, on doit y trouver quinze à seize pieds d’eau. Le 2 prairial suivant,
ori avoit également sept et huit pieds deau dans. le trajet des îlots fortifiés à la
rive sud du lac, dans.la même ligne que nous avions sondée, les 16 et 20 floréal.
Je nai pas voulu parler dénombre d’autres ruines plus ou moins importantes
que je trouvai de toutes parts, et principalement sur les rives sud du lac 1 il
suffit de cette reconnoissance, qui fait retrouver l’emplacement de sept villes ou.
bourgs considérables que nous croyons appartenir aux deux Taposiris sur la côte,
et dans 1 intérieur, a Cobii, Antiphili, Hierax et Phomothis, enfin à Maréa., capitale
de cette province, sur le lac de son nom (1). Cette reconnoissance fait voir
encoré que toute la côte et l’intérieur de ce désert, couvert de ruines, fréquenté
par.de nombreuses tribus d’Arabes errans et pasteurs,.n’ont pas cessé d’être habitables,
en sorte que l’on ne peut révoquer en doute le témoignage des historiens
qui ont dit que cette province a été anciennement très-cultivée et très-florissante.
Enfin, nous dirons que, pour la rendre à l’état de son ancienne population, il ne
suffit que de recreuser quelques-uns des canaux qui, dérivés du Nil, y appor-
toient annuellement les sources de la fertilité. Quant aux diverses tribus d’Arabes
qui semblent en. avoir fait leur domaine, c’est aux possesseurs de l’Égypte à leur
en laisser la libre jouissance, sous les conditions d’en devenir les paisibles cuiti-
vateuis, ou a les en chasser par Ja force des armes.
Les tribus d’Arabes qui fréquentent les déserts de Maiyout, et qui poussent
leurs incursions jusqu’au centre de la province de Bahyreh, sont les Jaumatfs,
les Troates, les Beny-Aounous, les Geouâby, les Hennâdy et les Oualad-A'fy (2). Les
Arabes des trois premières tribus cultivent quelques parties de la Bahyreh, sur la
hsiere du désert; les Beny-Aounous se sont établis dans le village de Gaomy et à’el-
Hoch où ils récoltent de l’orge. Pour fixer entièrement ces Arabes, on ne doit
que faiblement les imposer; on doit sur-tout les protéger contre les tribus qu'ils ont
• pour ennemies. Ils conservent encore en partie les moeurs dtsfellâh, et paroissent
portes a devenir cultivateurs.
Les Arabes Hcnnâdy abandonneront difficilement leur vie errante : il faut,
J ' J V°''\ Ia ^ » g rap h iq u e du canal des deux sur les diverses tribus d’Arabes qui fréquentent ces dé-l
T i T “ e ser,s‘ Q ue!que léger que son cet aperçuj il est d’autant
p • , , , ' mieux place ic i , que M. Chabrol m a dit qu’il craignoit
par M c L b T ^ nSmr r - ‘teC° ramm7 U“ enpartie d'aV° ir Perdu Ie! mat' par m. Chabrol, qui avoit fait un travail très-étendu sujet. riaux | P ® 1 recueillis à ce]
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