Ainsi, en estimant la fertilité des terres par le rapport des récoltes à la quantité
de semence sur une superficie donnée, la fertilité de l’Égypte sera représentée
par i y , et la fertilité moyenne de la France par 6 -j- ; on doit observer
de plus quil faut engraisser nos terres par des moyens factices, et que les campagnes
sur les bords du Nil n’ont besoin que d’étre inondées naturellement.
Le prix moyen de l’hectolitre de blé en Égypte est de 4 francs 30 centimes
a peu près ; il est aujourdhui (1) en France de i 4 francs y 9 centimes. Ces
prix sont par conséquent entre eux dans le rapport moyen de 10 à 33.
L idee que nous venons de donner de la fertilité de l’Égypte, s’accorde avec
celle que les anciens nous en ont laissée ; ajoutons qu’il est difficile de prévoir
comment il y seroit apporté des changemens sensibles. Quelles améliorations
peut-on attendre en effet de 1 introduction de nouveaux procédés de culture dans
un pays où la nature dispense des engrais, et quelquefois même du labourage des
champs! Plus l’art est simple, moins il y a de tentatives à faire pour en perfectionner
la pratique.
Mais, si Ion doit désespérer d’obtenir de la terre une plus.grande fécondité,
il seroit possible d’accroître prodigieusement l’étendue des terres fécondes : il ne
s’agiroit que d’aménager convenablement les eaux du fleuve, en creusant de
nouveaux canaux, en élevant de nouvelles digues, en un mot en établissant un
système d irrigation qui fît participer, pendant le plus long-temps possible, la
plus grande superficie de territoire au bienfait de l’inondation. Alors toutes les
terres pourroient donner deux ou trois récoltes par an ; ce qui n’a lieu maintenant
que sur quelques points privilégiés.
Ces récoltes multiples exigeront toujours, à la vérité, des arrosemens artificiels,
dont le mode est un objet essentiel d’améliorations. Dans l’état grossier des machines
que l’on emploie aujourd’hui, les hommes ou les animaux qui les font
mouvoir, consomment une quantité notable de leurs forces à vaincre Jes obstacles
qui proviennent de la mauvaise construction de ces machines. Leur produit utile
pourroit etre doublé, si les ouvriers qui les exécutent devenoient plus habiles : nous
ne disons pas s ils avoient de meilleurs modèles ; car les seaux à bascule, les roues
à pots et à tympan, sont les appareils d’arrosement les plus simples quand on n’a
point de moteurs inanimés a sa disposition. Tout portéà croire que ces appareils,
usités en Egypte de temps immémorial, s’y exécutoient autrefois avec plus de
perfection ; il est meme certain qu on y employoit la vis à épuisement qui porte
le nom d Archimède : on ne 1 y retrouve plus aujourd’hui, parce que, la civilisation
ayant rétrogradé, on a successivement perdu l’usage de divers ustensiles
dont la fabrication demandoit un certain degré d’habileté.
On augmenteroit sans doute les produits territoriaux de l’Egypte, en établissant
un bon système d irrigation et en perfectionnant les appareils d’arrosement
; mais ce qui augmenteroit singulièrement ces produits, ce seroit
quelque institution qui tît participer les fellah à la propriété du sol : ils ne le
cultivent aujourd hui que pour vivre et acquitter l’impôt ; ils le cultiveraient
(1) A la fin d’avril 1822.
bientôt pour vivre plus commodément : l’assurance de profiter de leurs peines
rendroit sous leurs mains les moissons plus abondantes.
L ’idée de diviser une partie du territoire du Sa’yd entre les cultivateurs occu-
poit souvent le général Desaix ; il en regardoit l’exécution comme le plus sûr
moyen de hâter la civilisation de ce pays, et de le faire jouir promptement des
principales améliorations dont il est susceptible.
Ce ne sont, en effet, que des propriétaires qui peuvent entreprendre des
cultures dispendieuses comme 'celles du sucre et de l’indigo, quelques bénéfices
qu’elles promettent ; voilà pourquoi les bénéfices de ces cultures étoient le partage
exclusif des beys et des kâchefs, qui possédoient certains villages dont le
territoire étoit propre à ce genre d’exploitation.
Quoique l’art de construire et d’établir des machines à élever l’eau pour les
irrigations se soit dégradé en Égypte à mesure que les lumières de la civilisation
s’y tont éteintes, cependant la nécessité n’a pas permis qu’il s y perdît entièrement,
tandis que la pratique d’un grand nombre d’autres qu’on y exerçoit autrefois avec
un certain degré de perfection, y est aujourd’hui totalement oubliée.
Que l’on compare les plus grandes constructions de l’Égypte moderne aux
monumens antiques dont le pays est encore couvert, et l’on pourra juger de
quelle hauteur l’architecture est déchue. On est frappé d’étonnement à l’aspect
de ces temples et de ces palais de dimensions colossales, à l’aspect des statues
et des sculptures en creux ou en relief dont ils sont décorés : il faut admirer, en
les voyant, l’adresse et l’habileté des ouvriers qui les exécutèrent ; et certainement
ces ouvriers devoient être alors en bien grand nombre, puisqu’ils ont
laissé de leurs ouvrages sur tous les points de cette contrée, où peut-être on
ne trouveroit pas de nos jours un seul homme capable de modeler une figure
dans l’attitude la plus simple.
Les ténèbres de l’antiquité nous cachent les diverses époques auxquelles furent
érigés la plupart de Ces monumens. Cependant combien de siècles ont dû
s’écouler avant qu’on entreprît d’extraire de leurs carrières les blocs de granit
dont les obélisques sont formés, avant qu’on imaginât les moyens de remuer ces
énormes masses et de les transporter à de grandes distances, avant qu’on eût
extrait les métaux de leurs mines pour en fabriquer les outils propres à tailler
ces obélisques, à les polir, à y graver profondément et avec une perfection
remarquable les figures hiéroglyphiques dont leur surface est ornée !
D ’autres arts utiles à la vie civile, ou seulement destinés à en augmenter les
jouissances, étoient évidemment, chez les anciens Égyptiens, aussi avancés que
l’architecture et la sculpture ; leurs peintures, leurs papyrus, l’espèce de carton
qu’ils employoient à fabriquer les caisses de leurs momies, sans parler de leurs
embaumemens, exigeoient des préparations qui ne pouvoient être que le résultat
d essais multipliés et d’une longue expérience. On peut en dire autant
de leurs tissus, dont quelques fragmens sont venus jusqu’à nous. Enfin les ins-
trumens de musique, les armes, les chariots de guerre et les ameublemens
que l’on voit représentés dans les tombeaux des rois de Thèbes, sont autant