SECTION II.
Procédés de fabrication.
CHAPITRE I."
Fabrication des Médius.
§. I . i
Essai des Matières d'Argent ( i).
L ’essayeur des matières d’argent apportoit à la monnoie de la cendre d’os
calcinés, qu’il avoit préparée lui-même.
Il employoit de préférence, à cet effet, des os de poulet, qu’il est facile de
se procurer en abondance à cause de la grande consommation de poulets que
l’on fait en Egypte, où l’on conserve, de temps immémorial, l’usage de les faire]
éclore par milliers dans des fours destinés à cet usage.
L ’essayeur formoit à terre un tas circulaire de cette cendre, qu’il aplatissoit
et creusoit avec la main pour lui donner la forme concave, et plaçoit sur cette
espèce de coupelle l’argent qu’on avoit détaché du lingot à essayer, en présence
de Keffendy directeur de la monnoie, et du surveillant ou commissaire du Gouvernement.
L ’opération se faisoit sur 4 drachmes [ i 2S“ mm“ , 3 1 y ], et l’on y a jo u t o it de
cinq à huit fois autant de plomb (2), selon que l’argent étoit présumé con tenit
moins ou plus d’alliage.
Le plomb dont on se servoit étoit choisi dans le commerce, et reconnu pour]
le plus pur qu’on pût trouver.
L ’essayeur ajustoit, au-dessus de son espèce de coupelle, des charbons et menus
morceaux de bois bien secs. Un domestique, qui, comme l’essayeur, étoit Juif de
nation, soufffoit le feu avec son outre ( 3 ) garnie d’un tuyau de terre cuite, dont
la tête se terminoit en bec d’oiseau.
Le plomb, en se fondant, détermine promptement la fusion de l’argent et de
l’alliage qu’il contient; lorsque le mélange a été tenu assez long-temps en fusion
pour contracter une forte chaleur, l’essayeur éloigne un peu les charbons, dont
le contact empêcheroit l’oxidation du plomb, et les dispose de manière à former
(1) Essai sc dit en arabe cfiichny au pluriel, (2) En arabe, rovsâs
chichiny [¿Ls-i j. M. de Sacy pense que ce mot vient du (3) Voyt,p o u r la description de ce soufflet à outre,
persan ou qui signifie goût, de , goûter. pag. 417 > alin. 5.
Chaque essai se paie 30 ruédins.
une voûte au-dessus du bain : il dirige ensuite le vent du soufflet sous cette voûte î
ce qui, dune part, entretient le feu, et, de l’autre, contribue à oxider le plomb.
L’essayeur écarte sans cesse, du bout de sa pince de fer rougie, la pellicule
oxidée qui est encore liquide et qui recouvre le bain (i), laquelle contient le
plomb et les autres métaux d’alliage, et que la cendre de coupelle boit ou absorbe,
tandis qu elle n a pas la propriété d’absorber l’argent.
Quand la séparation est'complète, l’argent, qui n’est pas à un degré de chaleur
assez fort pour rester fondu dans son état de pureté, passe presque instantanément
de 1 état liquide a 1 état, solide de métal incandescent, et perd promptement
ensuite cette incandescence : dans ce passage, il se produit une espèce de lueur
que les essayeurs en France appellent l’éclair.
II reste alors une plaque circulaire de métal, appelée culot, qui doit être de
l’argent pur; et l’essai est d’autant mieux fait que la plaque est plus sphérique,
la surface supérieure plus brillante, le dessous plus mat et plus net.
S il adheroit aux bords ou au-dessous quelques particules de litharge et d’alliage,
1 essayeur les detachoit en frappant legerement avec le marteau, et l’on
pesoit ensuite le culot d essai, pour juger, par le poids qu’avoient perdu les
4 drachmes d argent, de la quantité d alliage qu’elles contenoient.
L essai ctoit une des premières choses qui demandoient a être perfectionnées.
Nous cherchâmes a introduire 1 usage des fourneaux de coupelle:mais,n’ayant
pour les exécuter que des ouvriers du pays, nous éprouvâmes toute sorte de difficultés
(2). II fut sur-tout impossible, parmi les différentes terres dont on fait usage
au Kaire pour les poteries, d’en trouver dont on pût faire de bonnes moufles.
Nous parvînmes cependant à perfectionner sensiblement les essais. Nous fîmes
préparer sous nos yeux la cendre de coupelle, de préférence avec des os de
mouton, qui contiennent beaucoup de phosphate calcaire, lequel a éminemment
la propriété de coupeler.
Nous formâmes, avec des moules, des coupelles très-régulières. Nous réduisîmes
à 1 drachme ~ [ 4gr“ m“ 6 18] la quantité d’argent à essayer ; ce qui exigea une
moindre quantité de plomb. En.établissant la coupelle sous une voûte de charbons
et entretenant le feu par le vent d un soufflet à courant continu, tandis que celui du
soufflet a outre est intermittent, nous accélérâmes l’oxidation, et nous parvînmes,
en tenant le métal en fusion à un degré de chaleur plus élevé, à en séparer les
dernières molécules de plomb et d’alliage qui adhèrent toujours plus fortement.
La quantité d alliage, dans les pièces de y francs, étant rigoureusement constatée
en France, nous nous en servnnes pour terme de comparaison , et nous
nous assurâmes que par notre nouveau procédé nous approchions de très-près
du titre exact, et autant quil etoit possible de le faire avec des moyens moins
précis et sur-tout avec des balances moins parfaites que ne sont en France les
balances d’essai.
(i) Il est a craindre, dans cette opération, qu’on n’en- que nous évitâmes par un autre procédé : voyez l’alin. S.
*w avec la litharge quelques molécules d’argent; ce (a) Voy<x pag. 42..}, alin. 2, et pag. 417 , alin. 2.