reconnoître. Le cheykh de Beyrys étoit responsable de la caravane, jusqu’à ce
qu’elle eût reçu la permission de poursuivre sa route vers l’Egypte.
A six journées de Syout, elle s’arrêtoit encore dans un autre village appelé
Klargeh. Le kâchef y faisoit dresser le compte des droits qu’elle devoit acquitter,
tandis que le conducteur de cette caravane faisoit entre les divers marchands
la répartition de ces droits ; mais ils n’étoient acquittés qu’à une demi-lieue de
Syout, dans un endroit où la caravane s’arrêtoit pour la dernière fois, et où elle
vendoit assez de marchandises pour se procurer les fonds nécessaires à l’acquittement
de ces droits. C e n’étoit qu’après les avoir payés en entier qu’il lui étoit
permis de descendre au-dessous de Syout.
Suivant l’usage général de l’Orient, où l’on entre en négociation d’affaires
par des présens mutuels, il étoit offert, de la part du roi de Dârfour, au kâchef
qui venoit reconnoître la caravane à Beyrys, deux esclaves et deux chameaux, et
àKhargeh, au moment même du règlement des droits de douane, un présent
double, c’est-à-dire, quatre esclaves et quatre chameaux. Le chef de la caravane
recevbit en retour, du kâchef, de la part du bey gouverneur de la province de
Syout, un habillement complet.
Les droits qu’on levoit sur la caravane de Dârfour, à son entrée en Egypte,
étoient, par tête d’esclave, de 4 sequins zer-mahboub, et de 2 sequinsvpar tête
de chameau ; le kâchef percevoit aussi un droit de 9 médins par esclave et de
4 médins par chameau.
H vient annuellement de Dârfour en Egypte cinq ou six mille esclaves, dont
les quatre cinquièmes sont des femmes^ Elles ont depuis six à sept ans jusqu’à
trente et quarante ; le plus grand nombre est de dix à quinze ans.
Chaque caravane est sous la conduite d’un homme qui appartient au roi de
Dârfour, et qui est attaché à sa maison. Ce conducteur reçoit pour salaire,
de chacun des marchands qui la composent, 23 parats par tête de chameau et
4 5 par tête de nègre. . '
Les marchands et les gens à leurs gages, comme les chameliers et autres valets,
sont ordinairement au nombre de quatre ou cinq cents.
Les caravanes de Dârfour, avant de venir au Kaire, restent quelque temps
à Syout, à Beny-A’dyn, à Manfalout.et dans les environs, où elles vendent une
parue de leurs marchandises.
Le prix réduit des esclaves est, année commune, de 35 zer-mahboub.
La valeur de ceux que l’on fait eunuques est ordinairement double ou
triple : voilà pourquoi les conducteurs de la caravane de Dârfour- s’arrêtent
à Aboutyg, petite ville de la haute Egypte, où il se trouve des barbiers habitués
à châtrer les enfans. A u surplus, on ne fait subir cette opération qu’à des enfans
qui n’ont pas plus de huit ou dix ans. On peut lire sur cet objet ce qu’en a
écrit le docteur Frank, dans le Mémoire où il traite du commerce des nègres
en Egypte (1).
La caravane de Dârfour apportoit ordinairement au Kaire cent cinquante
( 1 ) Collection de Mémoires sur l*Eg ypte, lo in . I V , éd it. d e P . D i d o t , an XI.
charges
charges de chameau de dents d’éléphant ; la charge est de 3 qantâr, de 1 1 o rôti
I un. Le qantar se vend de 30 a 60 fondouklis, suivant la grandeur et la beauté
de l’ivoire.
Elle apportoit en outre 600 qantâr environ de tamar Nendy [ tamarindus Indien] ,
dont le qantâr de 1 1 o rotl se vend de 1 y à 30 pataquès ;
De 1000 à 2000 qantâr de gomme Arabique, du poids de 150 rotl et du
prix de 20 fondouklis ;
Environ 600 qantâr de tclùchn ; le prix du qantâr de 1 1 o rotl est de 20 pataqueS. '
Elle apportoit encore deux ou trois cents kourbâg, qui se vendent ordinairement
de 45 à 60 médins la pièce.
Les plumes d autruche importées en Egypte par la caravane de Dârfour se
vendent au poids, et la quantité peut s’en élever de 20 à 30 qantâr : les blanches
sont les plus estimées, et les plus belles de celles-ci montent quelquefois jusqu’à
1500 pataquès le qantâr ; celles de moindre qualité, qui sont les noires,
ne se vendent guère que 200 pataqùes. Cette espèce de marchandise est
transportée de Dârfour en Egypte dans des sacs de cuir : elle n’est achetée au
Kaire que par des Juifs ou des Chrétiens, qui la font passer presque en totalité
en Europe.
On se sert en Egypte de la corne de rhinocéros pour faire des poignées de
sabre ou de poignard. Les Turcs, et particulièrement les Mamlouks, ont le
préjugé qu’elle donne du courage à celui qui tient à la main l’arme où elle est
ainsi employée ; c’est ce qui en élève plus ou moins la valeur, selon qu’elle est
plus ou moins rare. Il en venoit annuellement deux mille, dont chacune se vendoit
de 5 à 7 pataquès : elles sont montées jusqu’à 15 pendant l’expédition Française.
La caravane de Dârfour introduit en Egypte environ quatre mille paires
d’outres faites de cuir de boeuf ou de chameau ; chaque paire d’outres se vend
de 1 o à 12 pataquès.
Il faut ajouter à ces diverses importations celle de 1000 qantâr de natron ;
le qantâr de 120 rotl Se vend de 14 à | f pataquès (i).
La caravane de Dârfour recueille, chemin faisant, dans le désert qu’elle traverse
pour se rendre au Kaire, une certaine quantité d’alun qu’elle y apporte. Il paroît,
d après les renseignemens qui m’ont été donnés à ce sujet par Hâggy-Sültân,
cheykh des gellâby, qu’on l’extrait, comme le natron, du fond de quelques lacs
où il se cristallise ; on en retrôuve l’année suivante dans les mêmes endroits.
Le poids de 1 alun importé en Egypte par cette voie montoit ordinairement à
200 qantâr de 150 rotl l’un, et du prix de '3 à 4 pataquès.
Immédiatement après son arrivée en Egypte, où la plupart des marchandises
que nous venons d’énumérer pouvoient être embarquées sur le Nil, la caravane
de Dârfour tâchoit de se débarrasser des chameaux qui lui devenoient inutiles ;
elle vendoit ordinairement les seize ou dix-sept vingtièmes du nombre de ceux
( 1 ) Voyez l’é ta t g én é ra l des marchandises importées panouse. ( Mémoires sur l*Egypte, tom. I V , \
en E g y p te par la caravan e d e D â r fo u r p en d an t l’e xp é - éd it. d e P ie r re D id o t , an x i . )
d ition F r a n ç a is e , dressé par M . M e r c u r e -J o s e p h L a -
Ê . M . T O M E II . I l # I l ! I! l