couverts d’un lambeau de toile, et qui ne gagnent que 4 à 5 médins par jour
ou de i4 à 19 centimes.
Lorsque la fusion étoit complète , ce dont on s’assurait au moyen d’une
verge de fer, qui servoit en même temps à brasser et à mêler la matière, un
ouvrier enlevoit le creuset, en le saisissant par le bord avec une pinCe plate et
le portoit au maître fondeur (1), placé devant une espèce d’établi en maçonnerie
et terre glaise. Celui-ci posoit le creuset sur de la cendre chaude, au bord d’une
terrine sur laquelle étoient disposées les lingotières à main, de même forme et
dimension, et qu’on avoit eu soin de frotter d’avance avec un peu de cire ou
d’huile. Il prenoit la lingotière de la main gauche, et de l’autre main la pince ou
tenaille pour incliner le creuset, et rémplissoit ainsi successivement chaque
lingotière.
Les lingots qui en résultoient n’avoient guère que 2 centimètres d’épaisseur
e t -3 5 à 4o centimètres de longueur.
Lorsque la fonte est terminée, le maître d’atelier porte ses lingots pour être
pesés. On lui passe pour les déchets de son atelier 0,016. Ce déchet est beau- j
coup plus considérable que celui qu’on accorde en France pour les monnoies
de billon : mais il faut observer que les deux tiers des matières remises au l’on-1
deur étoient en découpures extrêmement minces, dont la surface, d’abord très-1
oxidée, s’étoit ensuite chargée de matières grasses et charbonneuses, dans les
différentes manipulations qu’elle avoit subies ; circonstances qui augmentoient
sensiblement le déchet à la fonte.
Le maître d’atelier ne rapportoit jamais de la première fois la quantité précise
qu’il devoit. L 'effendy portoit le déficit en débet à son compte. Le fondeur
nettoyoit ensuite son atelier, lavoit les cendres et les balayures, et faisoit piler,
par un ouvrier chargé de ce travail, la portion des creusets qu’il soupçonnoit avoir
absorbé de la matière métallique. Cet ouvrier broyoit les résidus du lavage avec
du mercure (2), et séparait l’amalgame, des terres et cendres , par des lavages successifs.
Le fondeur introduisoit ensuite cet amalgame dans de petits vases de verre
coniques à long col (ou espèces de matras) qu’il lutoit avec soin. II disposoit
ces vases dans une espèce de foyer, au milieu de charbons, et adaptoit au col des
matras, des roseaux, au lieu de tubes de verre, pour recueillir dans d’autres vases
de verre non lutés une partie du mercure qui se sublimoit dans la distillation.
Le soir, il allumoit les charbons et laissoit l’évaporation se faire dans la nuit. Le
matin, il retirait les matras pleins d’un résidu métallique spongieux et grenu, ayant
l’apparence cuivreuse, mais contenant de l’argent; il brisoit les verres, et séparoit
en portions égales le résidu métallique, pour le distribuer dans les creusets; et,
si la nouvelle fonte, avec cette augmentation, complétoit la quantité dont il
devoit rendre compte à l'effendy, il étoit déchargé de son débet. S’il y avoit plus,
il retiroit l’excédant pour son compte et pour compléter le prochain déficit; s’il
(1) Fondeur se dit en arabe sabâh au pluriel, (2) En arabe, jjbaq [ /ÿsi) ]•
salâUyn [üsésU-« ]•
y avoit. moins, il étoit obligé, âu commencement de la semaine, d’acheter et de
rapporter la quantité d’argent qui manquoit.
La méthode de fondre en un seul creuset, dans un seul fourneau, a sans
doute beaucoup davantages, tels que ceux d'employer moins de bras, moins de
temps, moins de combustible; d’avoir plus sûrement et plus facilement une
matière homogène, et beaucoup moins de déchet qu’en opérant séparément sur
de petites masses; de ne pas être exposé à casser plusieurs creusets, à voir couler
l’argent dans les cendres, et à recommencer les fontes : mais de très-grands creusets
supposent un très-grand travail ; et, quand on auroit constamment de grandes
quantités de matière a fondre, il est difficile et dispendieux, même en France,
défaire exécuter des creusets en fer battu. On ne s’en sert guère qu’à Paris, et,
l’usage de fondre dans des creusets de plombagine (i) est encore assez généralement
suivi dans la plupart des monnoies de France, et peut-être d’Europe.
Du reste, il nous semble que, dans ce dernier cas, il est préférable de fondre au
fourneau à soufflet. A la monnoie de la Rochelle, dont la direction nous a été
confiée, nous les avons substitués en 18 18 aux grands fourneaux à courant
d air,, et nous y avons trouve beaucoup d économie dans les frais de construction,
un peu dans le temps nécessaire pour la fonte, et près de moitié dans la
consommation du charbon.
§. IV .
Ateliers de la Forage,
Lès lingots sortt ensuite livrés, au poids, au chef des ateliers de la forge (¿ 1,
L argent ou haut-bilion ne demandant pas un grand degré de chaleur pour
être forgé, un simple feu de charbon, sans soufflet de forge, suffit pour amener
le lingot au rouge-cerise.
Un des ouvriers le saisit avec une pince plate, et, aidé d’un ou de deux autres
ouvriers, il le forge en le frappant alternativement avec un marteau plat, ou sur
une petite enclume a tranchant mousse, ou sur une enclume plate ; ce qui revient
au meme que si 1 on forgeoit seulement sur une enclume plate, avec des marteaux
a double tête, en frappant, tantôt du tranchant du marteau, et tantôt
du plat.
Ce travail est très-simple : mais les ouvriers y sont si exercés, ils frappent, à
trois, avec tant de vitesse, de précision, et une cadence si bien marquée, qu’en
les voyant la première fois, on ne peut s’empêcher d’être surpris de leur adresse
et de leur activité.
Le lingot, quon forge d’abord carrément, puis en baguette ronde, en ayant
soin de rendre les deux extrémités plus amincies pour les passer à la filière,
prend une longueur presque triple en diminuant de diamètre. Il acquiert plus
(’ ) Les creusets de plombagine qu’on emploie cou,mu- haddâdyn [ ], f t r . cVst4 -dire,
nement, ne contiennent que 18 à 20 kilogrammes. _ - "
. . „ “ ouvrier en ter.
W! forgeron se dit en arabe haddâd[ ],au pluriel
É . M . T O M E I I . CeK ,