{es officiers civils, militaires et religieux, l’accompagnèrent jusqu’au Bymâristân, où I
son corps fut inhumé. Il avoit régné cfix ans, trois mois et six jours.
Qalâoun étoit beau de figure; sa peau étoit blanche. Il parloit peu la-langue I
Arabe. Acheté mille deniers d’or par Malek el-Sâlh, on le surnomma l ’Elfy, qui I
signifie mille. Il veilla au maintien de sa gloire et à l’entretien de ses troupes. Il I
étendit ses bienfaits jusque sur les oiseaux du ciel, objet du culte des Persans ses I
ancêtres, et de sa vénération particulière : sur le sommet de diverses mosquées,!
il fit placer de grands vases, dont plusieurs existent encore, et qu’il faisoit remplir I
de grain destiné à la nourriture quotidienne des oiseaux. 11 laissa trois fils, Khalyl, Mohammed el-Nâser et l’émyr Mohammed. Khalyl,I
proclamé après lui Malek el-Achraf, roi très-noble, fit lire le Qorân en entier sur le I
tombeau de son père, choisit Bedr el-dyn pour son prédicateur et son vizir, proclama I
la guerre sacrée contre ceux qui donnent des compagnons à Dieu, et vint, en 690,!
assiéger Saint-Jean-d’Acre, dernier et unique retranchement des Chrétiens, qui s’y I
défendirent endésespérés. Cette place fut prise et pillée, ses habitans furent égorgés, I
ses murailles démolies, et elle fut réduiteià ce qu’elle est aujourd’hui. Les Chrétiens,!
accablés par cette dernière disgrâce, devinrent vils, bas, rampans, et contractèrem!
enfin tous les vices de l’abjection. Cette illustre conquête fut suivie de l’exil àCons-B
taiitinople , en 691 , de Chalâmech, fils de Bybars, qui faisoit ombrage à Khalyl. I
Tranquille de ce côté, il se transporta en Arménie, y porta le ravage, prit lafoi-B
teresse d’Erzeroum, qui passoit pour imprenable,'et revint glorieux au Kaire, oui
la mort, qui l’avoit respecté dans les sièges et les batailles, l’atteignit au sein des»
famille. Sa femme, nouvelle Clytemnestre, excitée, disent quelques-uns, par uni
certain Bedarah qui aspiroit au trône d’Egypte, le frappa dans l’abdomen avec un!
instrument tranchant, et l’étendit mort à ses pieds. Lés Mamlouks immolèrent I
l’an 693, ce Bedarah, qui régna un jour seulement sous le titre de Malek el-QâherM
et ses complices, aux mânes de leur maître. Mohammed el-Nâser succéda à Khaljlj
son frère.
CHAPITRE IV.
Mohammed el-N âser. Ketboghâ. Lâgyn. Mohammed el-N âser pour /dl
seconde fois. Bybars II. Mohammed el-Nâser pour la troisième fo is.
L e second fils de Qalâoun avoit neuf ans quand on le revêtit du nom del
Malek el-Nâser, roi protecteur. Son bas âge fit la fortune de l’émyr Ketboghâ, quil
à l’exemple de Qalâoun, voulut être plus que régent, et aspira au trône de sotil
pupille. Il manqua cependant d’être dérangé dans ses projets par I’im el-dyn Changarl
surnommé cl-Châga’y , c’est-à-dire, serpent, dont le nom figure parmi les érriyrs dit-H
graciés sous le règne précédent.
Cet émyr, déposé *êt remplacé par Clients el - dyn, ne se tenant point pouiB
vaincu, employa, malgré son malheur, tous les moyens que son génie lui suggéra H
pour supplanter son rival, et parvint à ses fins. Chems el-dyn fut destitué, et ChâgatH
le remplaça ; disgrâce qui ne lui seroit pas arrivée, s’il eût voulu prêter l’oreille a l
conseil
conseil qu’un de ses amis lui traça, au moment où il entroit en charge, dans un
distique dont voici le sens :
« Prends garde, ô toi qui portes le faix du monde; tu vas vivre au sein des
» vipères : attache-toi fortement au ciel ; car je crains pour toi la morsure du
» serpent» . c’est-à-dire, de Châgay.
Si, avant de parvenir au vizirat, Châga’y eut les dehors du reptile dont il portoit
le. nom, il n’en eut pas la prudence, quand il y fut placé. Ebloui par leclat de sa
bonne fortune, il chercha à détrôner le sultan son maître ; mais il rencontra dans le
régent l’ennemi qui lui écrasa la tête, le psylie qui conjura ses morsures, et, au lieu
du trône qu’il ambitionnoit, il trouva un tombeau. Tâg el-dyn le remplaça.'
. Ketboghâ, sansconcurrens par la mort de Châga’y, se déclara ouvertement contre
son pupille, le culbuta, le fit reléguer à Krak, exil ordinaire des rois déchus, et se
fit, en 694 de l’hégire [1294 de notre ère]. proclamer par les émyrs, dont il avoit
corrompu la fidélité, Malek e l-A ’âdel, roi équitable. Faklir el-dyn devint son
ministre.
Son règne fut traversé par les fléaux attachés au climat de l’Egypte, dont le sol,
passant successivement par les états de lac, de marais, de champ de verdure et de
terre aride; enfante les germes de maladies dangereuses. La peste et la famine sè
disputèrent leurs innombrables victimes; et la haine des Tartares, réveillée par
l’avénement de Ghazân au trône d’Asie, amena la guerre, qui mit le comble à la
désolation générale.
Ghazân, fils d’Arghoun, sè voyant en possession de l’empire de son père, jeta ses
regards sur la Syrie, dont il vouloit faire la conquête; accusa Ketboghâ d’avoir
violé les lois de l’amitié en accordant la sienne à Nourouz, et envoya contre lui
une armée dont Koutlouk eut le commandement. Nourouz avoit aidé Ghazân à
remonter ,sur un trône qui lui étoit disputé par mille concurrens, et Ghazân, en
récompense de ses services, l’avoit nommé au gouvernement du Khorâsân. Peu
de temps après, il fut taxé d’entretenir des intelligences coupables avec le sultan
d’Egypte, déclaré traître et condamné à mort.
Ketboghâ, forcé de faire la guerre, leva une armée, dont il donna la conduite à
un de ses lieutenans, et se renferma dans son titre, préférant le nom de roi équitable
à celui de roi guerrier. Il craignit, sans doute, que son absence du Kaire ne causât
sa perte.
Les armées* musulmanes, malgré leur valeur, ne purent arrêter le torrent des
Tartares, qui les battirent et ravagèrent la Syrie. Dix mille familles échappées à
la mort et à l’embrasement se réfugièrent en Egypte, ayant à leur tête l’émyr
Lâgyn, leur gouverneur, dont l’arrivée au Kaire fut plus funeste au sultan que
la défaite de ses armées et la perte de ses provinces. De concert avec Qarâ-
Sonqor, il convoqua les émyrs en un grand divan, où l’on arrêta spontanément
qu’un sultan qui ne veut pas se mettre à la tête de ses armées, étant indigne de
commander, Malek el-A’âdel étoit déchu; et Lâgyn fut reconnu Malek el-Man-
sour, roi victorieux. On permit à Ketboghâ de se retirer à Sarkhod en Syrie.
Lâgyn, et Chems el - dyn qu’il avoit créé vizir après l’avoir tiré de prison,