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 De  l’État  actuel de  l’Industrie  en  Egypte. 
 L es  notions  qui  ont  été  données,dans  différcns Mémoires  de  cette  collection,  
 sur  le  gouvernement  de  l’Egypte  moderne  et  sur  les  moeurs  de  ses  Iiabitans,  
 indiquent  suffisamment  que  leur  industrie  doit  se  renfermer  entre  des  limites  
 très-resserrées.  En  effet,  cette  industrie  se  borne,  dans  les  campagnes,  aux  arts  
 de  première  nécessité,  et  à  la  manipulation  de  quelques  produits  du  sol  servant  
 à  la  consommation  journalière,  ou  qui  sont  l’objet  d’une  exportation  peu  
 étendue.  Dans  les  villes,  quelques  fabriques  d’étoffes,  de  tapis,  et  d’équipages de  
 guerre,  occupent  un  petit  nombre  d’ouvriers;  le  luxe  des  familles'riches  et puissantes  
 est  entretenu  par  le  commerce  étranger. 
 Nous  suivrons  dans  cette  seconde  partie  de  notre  Mémoire  le  même  ordre  
 que  nous  avons  suivi  dans  la  première  :  nous  indiquerons  l’état  de  l’industrie  
 chez  les  Égyptiens  modernes,  en  descendant  le  Nil  depuis  Syène  jusqu'à  la  
 Méditerranée. 
 S E C T I O N   I . re 
 Fabriques  de  Vases  de  terre  et  de  diverses  Poteries,  des  Briques  crues  
 et  des  Briques  cuites. 
 L es  vases  de  terre  propres  à  contenir  et  à  transporter  les  alimens  sont  les  
 premiers  objets  dont  l’industrie  ait  dû  s’occuper.  La matière de  ces  vases,  qui,  
 par  sa  nature,  approchoit  le  plus  du  degré  de  solidité  et  d’imperméabilité  que  
 l’on  recherchoit,  dut  être  celle  que  l’on  employa  de  préférence  ,  parce  qu’il  
 n’étoit  pas  besoin  de  lui  faire  acquérir  par  la  cuisson  les  propriétés  dont  elle  
 devoit  jouir :  voilà  pourquoi,  là  où  la  nature a  placé  des  carrières de  stéatite  ou  
 de  pierre  ollaire,  cette  substance  a  été  employée  depuis  un  temps  immémorial  
 aux mêmes  usages  auxquels  les  poteries  d’argile  les  plus  recherchées  ont  été consacrées  
 depuis. 
 On  fabrique  à  l’extrémité  méridionale  de  l’Egypte  ,  dans  les  déserts  voisins  
 de  la  cataracte  d’Éléphantine,  des  vases  de  terre  ollaire  connus  dans  le  pays  
 sous  le  nom  de  pierre  de Baram,  du  nom  du  lieu  où  sont  situées  les  carrières  
 qui  la  fournissent.  Les  vases  de  pierre  de  Baram  se  réduisent  à  de  simples  
 blocs de cette  substance ,  creusés circulairement  en dedans,  et arrondis  en  dehors  
 dé manière  à  laisser  à  leurs  parois  une  épaisseur de  trois  ou  quatre  centimètres.  
 Ces  vases  sont  d’ailleurs  exécutés  à  la main  avec  la  plus  grande  grossièreté  ;  ils  
 servent  à  la  cuisson  des  alimens,  comme  des  espèces  de  marmites.  Ce   sont  
 les  Arabes  des  environs  de  Syène  qui  les  vendent  dans  cette  ville,  et  qui  en 
 apportent au marché d’Esné. Ces Arabes  sont de la tribu des A  'bâbdcli, qui habitent  
 Redesyeh  ;  on  n’en  trouve  plus  guère  au-dessus  de  cette  dernière  place. 
 Afin  sans  doute de diminuer l’épaisseur des parois de ces vases de pierre ollaire,  
 on  en  fabrique, à l’aide  delà  cuisson,  des  vases  plus minces  et plus  légers;  pour  
 cela,  on  réduit  en  poudre la pierre de  Baram,  et  on  la  mêle  avec  quantité  égale  
 d’une  espèce  d’argile  que  l’on  exploite  au  pied  de  la  montagne  de  Syène.  On  
 corroie  ce mélange  pendant  trois  ou  quatre  heures,  et  l’on en  fait  des  vases  que  
 des  femmes  arrondissent  à  la main ;  chacune  d’elles  n’en  fait  guère  que  cinq  ou  
 six par jour.  On  les  fait  sécher au  soleil pendant  quarante-huit  heures,  après  quoi  
 l’on  achève de  les  durcir  par une  légère  cuisson.  C e   n’est  point  dans un  fourneau  
 approprié,  mais  sur  une  aire  dressée à   cet  effet  sur  le  sol  :  on  y  place  dix  ou  
 douze  de  ces  pièces  que  l’on  environne  de  combustible;  le  feu  y reste  en  activité  
 pendant  environ  dix  heures.  Ce  combustible  se  compose  de  tourteaux  de  fiente  
 de boeuf et  de  chameau  desséchée ;  et  cè qu’il  en  faut  pour  la cuisson  d'une  douzaine  
 de  ces  marmites,  ne  s’élève  pas  en  valeur  au-dessus  de  6  ou  7  parats. 
 Ce  n est  qu’aux  confins  de  l’Egypte  que  l’art  de  fabriquer  la  poterie  est  resté  
 dans sa première  enfance,  et  qu’on  l’y retrouve  tel  qu’il  étoit probablement avant  
 qu’on  fît  usage du  tour  à  potier,  dont  l’invention  remonte  cependant à  une  antiquité  
 très-reculée. 
 Toutes  les  villes  de  l’Egypte  supérieure  que  l’on  rencontre  en  descendant  le  
 Nil,  possèdent  des  fabriques  de  poterie  plus  ou  moins  grossière  ;  c’est  le  limon  
 du  fleuve  qui en  est la  base.  Les  vases  qu’on  en  forme  ne  sont  enduits  d’aucune  
 couverte, e t ,  à  raison du  peu  de  cuisson  qu’ils  reçoivent,  ils  laissent  filtrer l’eau  
 avec  plus  ou  moins  de  facilité;  leur  grandeur  varie  depuis  celle  des  pots  et  
 cruches  de ménage, jusqu’à celle  des  grandes  jarres  et  cuves  destinées  à  la  fabrication  
 de  l’indigo,  du sucre, &c.  :  cette  poterie  grossière  est  rouge  comme de  la  
 brique.  Nous en avons visité  la fabrique  la  plus  considérable  à  Edfoû ;  on  y  exécute  
 ces  grands  vases  de  terre  cylindriques  qui  tiennent  lieu  de  baquets  et  de  
 cuviers  dans  diverses  fabriques,  et  qui  remplacent  généralement  ici  les  grands  
 vaisseaux  de  métal  ou  de  tonnellerie.  Us  ne  peuvent  supporter  l’action  du  feu  ,  
 mais  ils  retiennent  très-bien  les  liquides  dont  on  les  remplit ;  ce  qu’il  faut  attribuer  
 moins  à  leur  degré  de  cuisson  qu’à  l’épaisseur  de  leurs  parois. 
 On  retire  du  fond  d’un  canal  creusé  au  nord-est  de  Qené,  sur  la  limite  du  
 désert et des  terres cultivables,  au  débouché  d’une  gorge  qui  conduit  de  la  vallée  
 du  Nil  à la mer  Rouge ,  une  espèce  d’argile blanchâtre  dont on  fabrique  les.vases  
 appelés  bardaques;  ils  doivent  à  leur  porosité  la  propriété  de  laisser  transsuder  
 leau  qu’ils  contiennent;  elle  s’évapore  à  mesure  qu’elle  vient  mouiller  extérieurement  
 leurs parois, et cette évaporation, abaissant la température du vase, refroidit  1 eau qu il  contient.  Cette  propriété  réfrigérante  fait  rechercher dans toute l’Egypte  
 les  bardtiques  de  Qené.  Leur  fabrication  paroît concentrée dans  cette ville  depuis  
 un  temps  immémorial  ,  et  cette  branche  d’industrie  est  assez  importante  pour  
 que  nous  nous  arrêtions  quelques  instans  à  en  décrire  les  procédés. 
 On  mêle  l’argile  blanchâtre  dont nous  venons  de  parler, avec  environ  un  tiers