
et Je nombre en diminuera rapidement, parce quelles sont fort anciennement
construites, et qu’on n’y fait plus de réparations depuis long-temps. 11 y âvoit aussi
un plus grand nombre de canaux dérivatoires ; mais lés uns sont engorgés, d’autres
n aboutissent plus qu’à quelques jardins particuliers.
On ne fermé point 1 embouchure du canal dans le port vieux pendant que l’on
travaille à remplir les citernes, parce que la contin-pente dont nous avons parlé
empêche qu’il ne s’écoule par cette issue une trop grande quantité d’eau ; et celle qui
a échappe, est employée à l’approvisionnement des vaisseaux., j
Quand toutes les citernes d’Alexandrie sont suffisamment remplies, on permet
aux habitans des villages qui sont sur les bords du canal d’en couper les digues,
son pour arroser leurs terres, soit pour remplir leurs’propres citernes. Les habitans
des villages qui se trouvent aux environs de la rive gauche du canal dans sa partie
haute, et dont les terres sont arrosées par d’autres canaux, attendent avec impatience
ce moment pour couper les deux digues du canal d’Alexandrie, afin de
faire écouler rapidement les eaux qui sont sur leurs terrés, et de les dessécher plus
promptement. S’ils étoient contraints de faire entrer ces eaux dans le canaÎ, elles
serviroient aux terrains qui sont placés plus bas, et qui ne sont jamais suffisamment
arrosés. Ce ne sont que les grandes crues, du Nil qui permettent de cultiver
quelques'parties de ces terres; mais, dans les crues'ordinaires, elles restent incultes,
et les fellah quittent leure demeures pour aller chercher des travaux dans les villes
ou dans les gros villages : ils attendent, pour y entrer, que leurs champs aient été
arrosés par le fleuve.
Ce st sans doute au peu de soin qu’on a pris de creuser le canal, et à la petite
quantité d eau quil reçoit chaque année, qu’on doit attribuer’ l’abandon de ses
rives; car la terre en est très-cultivable : elle est la même que celle-de tout le reste
de 1 Egypte. Elle est, à la vérité, recouverte d une couche de sable dans quelques
endroits ; mais c est-Ià 1 effet et non la cause de la solitude de cette contrée.
Sous le gouvernement des Mamlouks, 1 un des kâchef du commandant de la
province de Bahyreh campoit sur les bords du canal, depuis le moment où l’eau y
entroit, jusqu’à celui où les citernes,d’Alexandrie étoient remplies. Son objet étoit
d empeçher les Arabes du désert et les fellâli d’y faire des coupures, comme aussi
d en former lui-même, lorsque la trop grande quantité d’eau pouvoit faire craindre
la rupture de quelques^parties de digue. Dès que les citerne’s d'Alexandrie étoient
pleines, il entroit dans la ville pour en demander fa vérification ; elle étoit faite à
sa réquisition parle commandant, le qâdy et les ulemâ / après quoi, l’on rempfissoit
un vase de leau de ces citernes; ce vase étoit scellé par ceux qui àvoient fait la.
vérification, et servoit, avec 1 attestation qui y étoit jointe, à prouver au commandant
du Kaire que l’eau étoit bonne, et que les citernes avoient.été remplies.”
Après avoir fait connoître ce qu’est aujourd’hui le canal d’Alexandrie, et le
régime auquel ses eaux sont assujetties, nous allons' dire quelque chose de son état
ancien : nous examinerons ensuite rapidement ses relations avec le commerce et
1 agriculture ; enfin nous parlerons des réparations indispensables qu’il exige, et des
augmentations utiles dont il est susceptible.
Î> ’ A L E X A N D R ï’Ef ., , I 8 Q
Il ne reste aucun-souvenir-d’un canal qui ait conduit lés eaux du Nil du côté du
lac ftlarépiïs avant Alexandre. Il paroît que lès habitans de la bourgade de Rhacalis
iët là garnison que les rois d’Egypte y entretenoient, Irouvoient suffisamment d’eau
potable’dans les trous qu ils creusoient au bord de la mer. On sait que César et son
armée} assiégés ¡dans' Alexandrie, furent long-temps réduits à cette seule ressource.
On;po%froit encore.eh faire usage aujourd’hui dans un .cas pressant ; on s’en est
assuré par des expériences. '
’ Mais, si lés bords du lac Mareotis ne furent pas cultivés avant Alexandre, on ne
saurait douter qu’une grande partie de la plaine comprise entre Alexandrie et
Damanhour ne fût certainement arrosée et cultivée par les anciens Égyptiens. On
y> retrouve enepre des fragmens d’hiéroglyphes qui prouvent qu’ils y ont élevé des
nionumenSi Au village d’Aflâqah, entre autres, la porte d’un moulin étoit décorée
avec symétrie de trois pierres sculptées; la plus intéressante, que nous avons détachée,
représente une Isis accroupie de six décimètres de proportion. Elle est coiffée
dé’lapeau d’un vautour, et tient dans sa main le bâton à fleur de lotus. Ce fragment
en pierre calcaire est parfaitement bien conservé; il est sculpté en relief dans le creux
avec le même soin et les mêmes détails que les murs du temple de Denderah ( i ).
L’opinion que le canal actuel est‘celui qui fut creusé lors de la fondation de
çetfe ville, ayant été1 avancée et généralement reçue, nous croyons devoir entrer
à ce sujet dans quelques recherches.
On sait, par le témoignage positif de Strabon (2 ) , qu’eri sortant d’Alexandrie
par la porte de Canope ,on avoit à sa droite le canal de ce nom, qui suivoit parallèlement
et à peu de distance les bords de fa mer. Ce canal, qui avoit une issue
dans le lac Mareotis, ,n’eh àvoit pas sans doute du côté de Canope, située sur le
bord de la mer; mais il recevoit les eaux du Nil par un canal qui avoit son origine
dàts la branche Canopique, auprès de la ville de Schedia, à peu de distance de
l’embouchure du fleuve. Quel seroit donc le motif qui auroit pu déterminer
l’architecte Dinocrate à faire un canal de dix-huit lieues de développement,
quand .il pouvoit tirer les eaux du voisinage de Canope par un canal de six ou
huit lieues seulement !
Ce canal de Canope étoit certainement le seul qui conduisît à Alexandrie les
eaux destinées à être bues ; car, si l’on supposoit que lorsque cette ville fut devenue
la plus peuplée de l’Egypte, il fallut ouvrir des canaux depuis le sommet du Delta
pour augmenter la quantité des eaux potables dans Alexandrie, il faudrait encore
convenir que ces eaux ne pouvoient arriver dans la ville qu’après s’être réunies à
celles des canaux de Schedia ou de Canope; autrement il auroit fallu qu’elles traversassent
le lac Mareotis, où elles se seroient nécessairement altérées.
Il serait possible que la portion du canal actuel comprise entre le village de
Keryoun et les marais salans dont nous avons parlé, fût le reste d’un de ces anciens
canaux, qui auraient été destinés à augmenter la quantité d’eau dans le canal de
Canope. Cette portion contourne l’ancien emplacement du lac Mareotis : elle a
son fond de beaucoup plus élevé que le niveau de la plaine ; et c’est ainsi, à ce
(1) Voyez /i. vol. V , Collection d’antiques. (2) Strabon, Géogr, Iiv. XVII.