un Mamlouk le pria de la part du gouverneur de r e s t^ C e contre-temps le déconcerta;
il commença à maudire son habit et sa gourmandise : mais il iùl obligé
de Se résigner, et d’attendre, dans la position critiqué ou il se trouvoit, la punition
qu’il plairoit au beik de lui infliger. Il etoit dans cette situation, quand.Ismayl,
resté seul avec ses familiers, lui adressa ces paroles : « Docteur, réciçe- ndus'Ie'
» chapitre du sublime Qoran, tel » Il se trouva, par hasard, que le parasite
savôit par coeur les premiers versets de ce chapitre. Il paya de hardiesse, et se mit
à hn réciter les premières paroles ; mais, plus habitue a se servir de la scie que de la
langue, il s’embrouilla bientôt, s’arrêta tout court, et se jeta aux pieds d’Isma’yl;
accusant sa faute et implorant la clémence du beik. Celui-ci le releva en riant,
et l’admit au nombre de ses serviteurs. On assure qu Isma yl fut bien recompensé
de son bon coeur, car il n’en eut pas de plus fidèle.
Isma’yl soutenoit depuis seize ans son autorité aux dépens des pâchâs, et au
milieu des troubles quil suscitoit parmi ses collègues, quand un acte d injustice
exercé contre un vieux Mamlouk de la maison^de. Zpyi-l-foqar causa sa perte.
Ce Mamlouk possédoit un petit bien qui suffisoit a peine à sa subsistance. Un
Mamlouk d’Isma’yl le convoita; le cheykh el-belâd, sans autre forme de procès,
l'enleva à son propriétaire légitime, parce qu’il étoit d’une maison opposée à.la
sienne, et le donna à sa créature. Le vétéran l’ayant en'vain réclamé, vint consulter
à ce sujet Cherkès, beik qui étoit alors chef de la maison ZouTfoqaryeh,
Cherkès, l’ennemi naturel d’Isma’yl, prit “cette affaire à coeur ^,e^ s’entendit avec le
pàchâ, qui dit au vieux Mamlouk : « T u n’as d’autre moyen à mettre en usagé que
» de tuer ton spoliateur, dont je te donne le harem et les biens. » II lui désigna
le jour du divan pour celui du meurtre. Le Mamlouk, soutenu par le pâchâ et
excité par sa vengeance, se rendit, à l’assemblée, où se trouvoit Isma’y l, et le
supplia en ces termes: « Qu’il vous plaise, seigneur, de me faire restituer ma
» propriété. » — «Nous verrons cela», dit lebey formalisé d’une démarche aussi
hardie. Peu satisfait de cette réponse, le vétéran revint à la charge ;mais, n ayant pu.
obtenir justice, il tira de son sein un poignard, se précipita sur le cheykh el-belâd,
l’en frappa dans l’abdomen, et l’étendit mort au milieu de la salle du divan. Cet
homicide fut le signal du meurtre de tous ceux qui tenoient au bey : ses partisans
furent tués ou mis en fuite par des gens armés qui se répandirent dans la salle.
Ainsi s'évanouit; la puissance d’Isma’yl, dont le cadavre’ fut transporté dans son
palais, et déposé ensuite dans le tombeau de son père, proche la porte du Kaire
dite Bâb clLouq.
Isma’y l, digne d’une meilleure fin, fut regretté comme un prince équitable, bon
et religieux. Pendant la durée de son gouvernement, il avoit rempli les devoirs
de pèlerin.
Cherkès fut ensuite créé cheykh el-belâd ; et Zou-I-foqâr, ayant été mis en possession
du liarem et des biens d’Isma’yl, devint son antagoniste. Cherkès chercha
à le perdre, parce qu’il commença à le craindre. La marche qu’il se proposa fut
celle qu’il avoit suivie contre Isma’yl ; mais elle ne le conduisit pas au même résultat.
Zou-l-foqâr eut vent de ses desseins, et vint, à la tête de tous les Mamlouks
D E S M A M L O U R . S D ’ É G Y P T E . I É> O
et des soldats Ottomans qu il avoit engages a son service, se précipiter sur la maison
de Cherkes. Il y eut dans les rues du Kaire un combat dont le succès ne fut pas
long-temps disputé : en un quart d’heure, les gens de Cherkès furent mis dans
une déroute totale; et lui-même, accompagné de ceux qui lui restèrent fidèles,
gagna le Sa’yd ou la haute Égypte, refuge des beys disgraciés ou malheureux, abandonnant
à Zou-l-foqâr, son rival, le cheykh-belâdat, que le pâchâ lui confirma.
CHAPITRE XII.
Zou-l-foqar. 0 tmân. Ibrâhym-letlhoudah. Rodouân-ketkhoudah.
Z o u - l - f o q a r , parvenu, contre son attente, au cheykh-belâdat, eut le sort de
ses prédécesseurs. Il devint l’ennemi de ses collègues, et sur-tout d’un d’entre
eux, surnommé Abou-dcffyeh. On lui avoit prédit que cet Abou-deffÿeh devoit être
la*cause de sa ruine ; ce qui l’avoit porté à tenter plusieurs fois de le perdre lui-
meme. N ayant pu y réussir, il étoit encore occupé à en chercher les moyens’,
quand on lui fit connoître que Cherkès s’avançoit sur le Kaire à la tête d’un
raslemblement qu il avoit fait dans le Sa’yd. II expédia contre lui O’tmân, le plus
aime et le plus valeureux de ses Mamlouks. Plusieurs combats malheureux forcèrent
Cherkès a se retirer en Barbarie,-et Zou-I-foqâr sévit contre les beys qu’il
soupçonna de tenir à son parti. Plusieurs devinrent ses victimes; et les autres, de
concert avet I ouâly ou chef de la police et l’aghâ des janissaires, conspirèrent
contre lui. Us résolurent de lui ôter la vie ; et un deffyehj espèce de sarrau de
serge noire, fort large, fut l'instrument dont ils convinrent de se servir. Cependant,
avant den venir à cette extrémité, ils informèrent Cherkès de tout ce qui
se passoit, et lui écrivirent de se joindre à Mostafa el-Qerd, qui se trouvoit dans
1 Egypte supérieure, a la tete dun parti considérable, et de venir attaquer l’ennemi
commun. Il se rendit au voeu de ses collègues. A son retour sur le sol
d Egypte, Zou-I-foqar convoqua le collège des prêtres pour le consulter ; mais la
décision que ce collège porta fut qu on ne pouvoit attaquer Cherkès avant qu’il se
fut refuse a tout accommodement. Cette décision ne s’accordant pas avec ses intérêts,
parce qu elle entrainoit des longueurs, Zou-l-foqâr envoya de nouveau O ’tmân,
qui combattit Cherkès. Au commencement de l’action,Mostafa el-Qerd fut tué; et
Cherkès lui-même, atteint ensuite d’un coup de feu dans le temps qu’il cherchoit à
passer le fleuve a la nage, périt au milieu des eaux. On envoya au Kaire sa tête et
celle de son collègue.
Pendant qu O tmân faisoit tomber les têtes des ennemis de son maître, Zou-l-
foqâr succomboit lui-même sous les coups de ses assassins. Les beys revêtirent
un d entre eux dun deffyeh, et firent courir le bruit qu’enfin Abou-deffÿeh, bey
qui étoit son ennemi mortel et qui avoit coutume de porter ce vêtement,
avoit été saisi et arrêté. L aghâ des janissaires vint donner cette nouvelle à Zou-1-
oqar, qui lui commanda de 1 amener en sa présence: ce qu’il fit sur-le-champ.
Zou-l-foqâr venoit de faire ses ablutions quand Abou-deffÿeh parut devant lui. La
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