eût été rempli par les eaux du Nil, et le travail de Ptolémee Plùladelplie eût été
à-la-fois impossible et inutile.
On ne peut donc interpréter le passage de Pline autrement que nous ne l’avons
fait. On y voit clairement que le canal de la branche Pélusiaque à la mer Rouge
auroit eu 62 mille pas si on l’eût achevé, mais que le roi Ptolémée le fit creuser
seulement l’espace de 37,500 pas.
Les trois routes dont il est fàit mention dans Pline, devoient se réunir, près du
Serapeum, en une seule qui suivoit la rive occidentale de la mer, depuis son
extrémité nord jusquaune position voisine de celle qu’occupe aujourd’hui Soueys;
car cest vers ce point que tous les écrivains s’accordent à placer Arsinoé (t).
Cette ville é to it, selon le géographe Ptolémée, à 4° minutes au sud et à 30 minutes
à l’est de Hcroopolis, que nous reconnoissons dans les ruines d’Abou-Key-
cheyd. Or, entre ce point et Soueys, il y a, à très-peu de chose près , les mêmes
différences en latitude et longitude.
L e nom de rivière Ptolêmdique donné à un torrent dont les eaux venoient se
perdre à la mer devant Arsinoé, a pu faire croire que le canal du Nil à la mer
Rouge se terminoit à cette ville ; mais Pline les distingue l’un de l’autre (2). Il
nomme l’un, rivière, et l’autre, canal; et il nous dit formellement que ce dernier
navoit été creusé que 1 espace de 37,500 pas depuis la branche Pélusiaque : ainsi
ce canal etoit lo in , comme on voit, de se terminer à Arsinoé.
Lorsque Ptolemée Philadelphe fonda Arsinoé pour faciliter aux Égyptiens le
commerce de la mer Rouge, le travail le plus important, celui auquel on dut
songer le premier, fut de réunir dans un seul lit l’eau douce des torrens voisins,
et de la diriger vers l’emplacement de la nouvelle ville; et il est assez naturel que
le souverain, ayant donné à la ville le nom de sa soeur, ait donné le sien à
la riviere qui! venoit de creer, et quipouvoit seule amener la végétation et la vie
sur cette plage aride et déserte. Il ne reste guère aujourd’hui de traces de
ces tràvaux : cependant la mare d’Afrique, autrement nommée Moyeh el-Cisr,
(1) J’ai cru devoir, dans mon précédent Mémoire,
distinguer Arsinoé de Cleopatris, et placer celle-ci près
du Serapeum. U n examen plus approfondi me donne
des doutes sur cette position, et je ne sais trop maintenant
lequel des deux passages de Strabon il faut adopte
r , de celui où il dit que la ville d ’A rsinoé est appelée
Cleopatris par quelques personnes, ou de celui où il place
Cleopatris au nord d’Arsinoé dans le fond le plus reculé
du golfe.
S i l’on adopte la première opinion, on peut expliquer
la contradiction apparente que présente Strabon,
en supposant que sur son manuscrit origina l, au lieu
de Tltoimor S i rüç 'Apairônç, n g jj »' 7S ir 'Hpâar t d ■mxtç -¿al
** KAtoro*7p /f et r Z 76 ' A ç g .S is j u a t y , tûT A i y j -
rfov, Sic., qu’on lit aujourd’hui, liv. x v i i , il avoit d’abord
écrit: IImioiov SI n ç Apontn\ç, tj 7ur'Hpâar id
tr 7u 7sv ‘ AçgS'm xo\mv, t J ‘v&ç AÏyodior, S ic.,
et qu ayant ensuite ajouté au-dessus du mot Arsinoé
celui de Cleopatris comme synonyme,-les copistes auront
mal intercalé ce mot.
Si, au contraire, on penche pour l’autre opinion, il faut
dire que Strabon, n’ayant point visité cette partie de
l’Egypte, et sachant que le canal du N il se terminoit près
de Cleopatris, ainsi qu’ il le dit liv. X V I , a p u , en prenant
pour une continuation du canal les travaux faits près
d’Arsinoé, confondre ces deux villes, lorsque, liv. x v i i
il parle du point où se terminoit le canal; mais q u e ,
quelques lignes plus bas, cette cause d ’erreur n’existant
p lus, il a séparé ces deux villes l’une de l’autre. La
v ille de Cleopatris pourroit, dans cette hypothèse, avoir
existé proche du Serapeum, dans un lieu où il y a des
ruines. J en ai parlé dans mon premier Mémoire. Peut-
être enfin ce lieu prit-il plus tard le nom de port Daneon
qu’on lit dans Pline.
Quant aux ruines qui sont à environ deux lieues et
demie au nord-est de Soueys, nous pensons qu’elles indiquent
l’emplacement de la v ille nommée par les
Hébreux Beelsephon. Elle étoit de l’autre côté de la
mer, vis-à-vis Phi-Hahiroth, que nous avons cru devoir
placer à Hadjeroth.
[2) Plin. H is t. nat. lib. V I , cap. XXIX.
située à une clémi-lieue de Soueys, peut être considérée comme en ayant fait
partie; les eaux pluviales s’y rassemblent, et sont fournies principalement par un
torrent qui, dans l’hiver, vient des montagnes de la vallée de l’Égarement et passe
auprès d’Hadjeroth (i). Une petite digue en pierre empêche une partie des eaux
de s écouler à la mer; mais il s’en perd toujours une certaine quantité qui seroit
bien précieuse à conserver dans un pareil désert. On reconnoît entre cette mare
et la ville les traces d’un petit canal.
Nous avons suivi encore jusqu’au mont Attaka, à trois lieues à l’ouest-sud-ouest
de Soueys, le lit, alors à sec, d’un autre torrent. Nous entrâmes ensuite dans une
vallée étroite que les eaux ont creusée, et nous atteignîmes bientôt l’extrémité de
cette gorge, que terminent des rochers élevés d’où les eaux se précipitent quelquefois
en cascade. Elles ne couloient point alors ; mais leur trace étoit bien marquée
sur le rocher. Je montai avec quelque difficulté au-dessus de cette cascade;
une espèce d’aqueduc naturel, creusé dans le rocher, aboutissoit obliquement à ce
point. Je m’avançai dans ce canal, et je trouvai quelques cavités remplies de fort
bonne eau. La roche est une pierre calcaire compacte, rouge et blanche. Au sortir
de la vallée, le torrent se divise en plusieurs branches qui se déchargent à la mer,
et je crois même qu’une de ses ramifications arrive à peu de distance de la mare
d’Afrique.
Les travaux que très:probablement on dut faire pour réunir et conduire à Arsinoé
1 eau de ces divers torrens, auront, par erreur, été considérés, dans les pays étrangers,
et même en Egypte, comme la continuation du canal qui devoit établir une
communication entre le Nil et la mer Rouge. D ’autres ouvrages auront pu encore
être faits sous le même règne pour maintenir dans quelques parties de la mer une
certaine profondeur dans les passes, et faire disparoître les bancs de sable qui,
près d’Arsinoé, gênoient la navigation au nord de cette ville , ensablemens qui
ont fini par séparer de la mer ce que nous nommons aujourd’hui le bassin de
l ’isthme. Que de causes d’erreurs pour les historiens qui, n’ayant pas visité les lieux,
étoient obligés d’écrire sur de simples renseignemens, et en se copiant le plus
souvent les uns les autres ! Us apprenoient par différentes voies qu’on avoit entrepris
de joindre le Nil à la mer Rouge, qu’un canal d’eau douce se déchargeoit à la
mer dans le port d’Arsinoé, et que des écluses, des digues, en retenoient les eaux;
que des curages avoient eu lieu près de là, afin de prolonger au nord pour quelques
navires la navigation de la mer Rouge : pouvoient-ils ne pas confondre quelquefois
ces différens travaux (2) !
Quant à la ville d’Hcroopolis, la même probablement qu’Avaris (3), je persiste
( 1 ) Voye^ la note de la page 722.
(2) Diodore et Strabon ne connoissoient par eux-mêmes
ni Arsinoé, ni aucune partie de l’isthme de Soueys. Strabon
, par exemple, a commis, sur des parties de l’Egypte
qu’ il avoit visitées, des erreurs bien autrement graves
que celles que nous lui attribuons ic i sur un canton qu’il
n’avoit point vu : on sait en effet que ce géographe prit,
dans la Théba ïde, un canal du N il pour le fleuve lui-
même.
Ê . M , T O M E H.
(3) J’a i fait connoitre, dans mon Mémoire sur les
anciennes limites de la mer R ou g e , l’opinion de quelques
personnes qui pensoient qu’Heroopolis pouvoit avoir
été désignée dans la Bible sous le nom de Pithom. II
paroit plus probable que la ville nommée Pithom par les
Hébreux étoit celle que les Grecs appelèrent Patoumos,
et les Romains, Thoum : ces trois noms ne diffèrent en
effet que par la désinence Grecque, et la valeur ou l’absence
de l’article Egyptien ►]. Z Z7.Z