
d’amitié, et voulut nous rendre témoins de tous les détails de cette fête. La m a i s o n
etoit illuminée; les amis des époux et le peuple étoient dans la cour, assis sui dei
bancs: on entendoit de temps a autre les chants de quelque^cantatrices placées
dans le mandar ( i ) , au milieu des femmes et des amies de la maison. Ces chants
qu accompagnoient le tambourin et quelques autres instrumens Égyptiens, duroient
depuis une heure et demie, lorsque deux almeh (a )-descendirent dans-la cour, oè
elles exécutèrent les dansés les plus lascives : l’une d’elles imitoit l’homme, l’autre la
femme, et elles rendoient par des mouvemens trop expressifs aux yeux d’un Européen
les attaques de 1 amant, la résistance et la chute de la jeune fille : mais les
Orientaux trouvent un grand plaisir^à ces représentations fidèles, et les jeunes gens
de l’un et de fautre sexe y assistent librement.
•Les danses terminées, le maître de la maison et ses amis montèrent dans le
mandar. On nous y fit occuper la place la plus honorable. L ’époux, nommé A'fyl
ctoit à nos côtés sur le divan; la jeune Ayouché, qu’il n’avoit'point encore vue]
etoit dans une chambre voisine , entourée/ de femmes occupées à sa parure
Lorsque sa toilette fut achevee, on vint chercher A ’iy pour l’introduire dans* cet
appartement, et 1 on dévoila a ses yeux celle qui alloit s’unir à lui. Ils vinrent ensuite
vers nous. L ’époux marchoit à reculons et à pas lents, appuyé sur deux femmes;
1 épouse suivoit* soutenue de la même manière. Elle étoit richement parée : J
turban décoré de chaînes d’or et d’argent ornoit sa tête. Son front et ses joues
étoient teints d’une couleur rouge sur laquelle on avoit exécuté, avec des feuilles
d or, des dessins-bizarres. Elle avoit les yeux modestehient baissés ; ou si elle les
levôit, c étoit pour les fixer sur son époux, en face de qui elle marchoit. Us arrivèrent
ainsi l’un et 1 autre jusqu’auprès du divan sur lequel nous étions assis. L ’homme
repiit sa place a cote de nous, et la femme resta debout et immobile devant lui:]
un vieillard, intime ami de la maison-, lui mit dans la bouche une pièce d’or qui
avoit ôtée de la sienne; ensuite elle retourna dans l’appartement voisin, toujours
accompagnée de deux femmes, qui secrioient de temps à autre : Heureux celui J
vit sous l influence des lois du Prophète! Elle changea de vêtement, et reparut devant!
les spectateurs, parée de ses nouveaux habits ; A ’iy dès-lors ne la suivit plus. Elltl
(i) Le mandar est une vaste salle au premier étage,
ouverte sur la cour, .et toujours exposée au nord. Chez
les gens riches , sa façade est ornée de colonnes en
marbre qui forment des travées ordinairement surmontées
d’arcades en menuiserie, où l’on -voit des arabesques
dun dessin bigarre et peintes de couleurs variées. Une
balustrade, soit en maçonnerie, soit en menuiserie, s’élève
sur le devant de la pièce jusqu’à hauteur d’appui, et
un filet tendu au-dessus empêche les mouches de pénétrer
dans I intérieur de la salle. Le plafond du mandar est fort
élevé, afin que l’air y puisse circuler librement. C’est là
que le maître de la maison reçoit les visites de ses amis
et traite de ses affaires. I.a pièce qui est au-dessous du mandar,
au rez-de-chaussée, forme une espèce de vestibule
où se tiennent les domestiques. La façade du mandar est
la partie de la maison qui est ordinairement la plus ornée;
c’est celle où les gens riches déploient une sorte de luxe
d’architecture. ( J ollois. )
(2) Les jeunes filles que l’on destine à prendre l’étuI
d’a ’lmeh, apprennent, dès l ’âge le plus tendre, tout a l
qui peut porter lame a la volupté. Une musique eiif-l
minée, des poésies amoureuses, des danses lascives, so«|
leurs principales occupations: rien n’égale la souplessedtl
leurs mouvemens; et si les traits de leur visage répondoicm]
toujours à l’élégance de leur taille, à la beautede leurs bral
et de leurs mains, a la pureté des-formes de leurs jambal
et de leurs pieds, Vénus n’auroit eu nulle part des prêtressa|
plus dignes d’elle. Les a’hneh sont en Egypte l’ornememt.
de toutes les fêtes: tantôt elles chantent et même impro-i
visent des fcouplets d’amour; tantôt, dansant au son dsl
tambourin, et s’accompagnant elles-mêmes avec des cas-i
tagnettes, elles donnent à leurs mouvemens la langucuil
de la volupté; ou , imitant les impétueux désirs, ellei
bondissent en agitant en l'air leurs tambours de basque,!
et le desordre, la vivacité de leurs pas rappellent le délirf
des bacchantes. (Du B o is -A y m é .
recommença sa promenade autour de la salle , et vint de nouveau se placer
devant nous. Le vieillard, au lieu de lui mettre une pièce d’or dans la bouche,
la lui posa sur le sein. Cette cérémonie singulière fut répétée cinq fois en notre
présence, et on la continua fort avant dans la nuit, en faisant toujours paroître
la mariée avec d.ç nouveaux habits. Dans les entractes de ce spectacle, les cantatrices
exécutoient des morceaux de chant, en s’accompagnant de leurs détestables
instrumens: Les musiciens et les matrones qui avoient accompagné la mariée,
firent sur les spectateurs une collecte de quelques parahs (i).
Nous ne restâmes point jusqu’à la fin de la cérémonie nous avions besoin
de repos, et nous nous retirâmes dans l’appartement que l’on nous avoit préparé.
Un matelas de coton étendu par terre et sur lequel est cousu un drap en toile
de lin, est le lit ordinaire des Egyptiens; les hommes et ies femmes conservent
pendant la nuit une partie de leurs vêtemens, et particulièrement leur turban;
une moustiquière, nommée par eux nâmousyeh, recouvre le matelas et garantit
de la morsure des cousins : dans le jour, tout cela se roule, se. cache dans une
armoire, de sorte que l’on ne trouve plus aucun lit dressé dans les maisons.
On n’y voit également ni chaise ni table; le parquet des chambres est recouvert,
au moins aux trois quarts, d’une natte;, tout autour de l’appartement sont placés
des matelas de. coton couverts d’un tapis qui s’étend encore sur une partie de la
natte. De gros coussins en étoffe de soie sont rangés contre le mur sur les matelas,
et c’est là que l’on s’assied ordinairement. Dans la partie delà chambre que la natte
et le tapis laissent à découvert, chacun en entrant dépose*ses pantoufles; c’est
encore là que sont placées l’aiguière, la cuvette, la fontaine, en un mot tout* ce
qui pourroit salir un tapis sur lequel on est étendu ou assis les jambes croisées une
grande partie de la journée. Ce n est que sous la porte de leurs maisons que les
hommes s asseyent quelquefois a la maniéré des Européens, sur de grands bancs de
bois, à bras et à dossier. Quant au manque de table, ils y suppléent, lorsqu’ils
veulent écrire, en appuyant le papier sur la main gauche, ou quelquefois sur une
petite planche portative qu’ils tiennent à la main ou qu’ils placent sur leurs genoux :
les repas se servent sur une natte étendue à terre, ou sur un grand plateau de cuivre
circulaire que supporte un petit tabouret en marqueterie de nacre et de bois de
couleur, et les convives s’asseyent sur Je tapis, ies jambes croisées sous eux. Une
natte grossière sert aux pauvres gens, de lit pendant la nuit, de siège et de table
pendant le jour. Les fenêtres sont fermées par un grillage en bois fort serré, qui
laisse passer l’air et peu de lumière ; précaution bien entendue dans un pays aussi
chaud. Ce grillage, orne et dispose avec goût, sert de jalousie ; il permet de voir
dans la rue sans etre vu des gens du dehors. Ce n’est que chez un petit nombre
de personnes des villes frequentees par les Européens que l’on trouve quelquefois
des châssis vitrés que l’on pose pendant l’hiver. Des qoulleh, petits vases non
(t ) Nous ignorons si dans le Delta les mariages se c e - q u i , dans l’intérieur de leurs maisons, se dévoiloient
lebrent tous comme celui que nous venons de décrire ; devant nous, ramener leur voile sur leur visage aussitôt
mais il est très-probable qu’au Kaire, par exemple, la qu’elles avoient à parler à un de leurs domestiques mâles,
mariee ne se seroit pas montrée à visage découvert devant Ce n’est, nous disoient-elles, que devant leur mari, leurs
es hommes. Nous avons vu, dans cette ville, des femmes frères et leurs oncles, qu’elles ne cachent point leur figure.