même quand ils marchent à pied. Les fellah viennent y vendre non-seulement
leurs fruits et leurs légumes, mais encore les châles de laine qu’ils fabriquent.
Ceux qui approvisionnent les marchés des villes de l’Egypte, payent la permission
d’y exposer leurs denrées en vente. Le droit de bazar étoit perçu au profit des
beys, ou des kâclief gouverneurs, qui l’affermoient à des traitans. Le prix de
la ferme des droits de bazar,à Médine, étoit de i 4o,ooo médins , et le fermier
en percevoit au moins 170,000, d’après un tarif qui régloit la quotité du droit
suivant la nature de la marchandise : ainsi il étoit de 10 médins par ardeb de
bié , et nul sur les cotons filés , les toiles de. coton et les toiles de lin. Le
paiement de l’impôt qui étoit acquitté par la corporation des tisserands, affian-
chissoit apparemment de toute autre charge imposée par le fisc l’ouvrage qui
sortoit de leurs mains pour être mis en vente. L ’intérêt de l’argent, dans le
Fayoum, étoit ordinairement de 1 o pour cent.
La ville du Kaire, que l’on peut regarder comme le centre le plus important des
consommations de l’Egypte, reçoit des denrées de toutes les provinces, et les
paye, comme nous l’avons déjà d it, en argent ou en marchandises d’Europe. La
vente de ces denrées se fait sur des marchés qui se tiennent régulièrement certains
jours de la semaine, ou dans des bazars affectés au débit de chacune d’elles.
L ’indication de ces bazars, qui sont assez nombreux, fera partie de la description
topographique du Kaire. Nous nous bornerons à dire ici que les légumes et
généralement tous les comestibles, le charbon et même le bois à brfiler, se vendent
au poids, comme le pain et la viande. Ce mode, adopté sans doute pour prévenir
la fraude dont les acheteurs pourroient être dupes si les vendeurs employoient
un autre moyen de constater leurs livraisons , ne remplit pas toujours son but ;
la vente à faux poids est un acte assez ordinaire des marchands de comestibles
et d’autres menues denrées : aussi la répression de ce délit est-elle une des
attributions les plus importantes de l’un des aghâ chargés de la police de la ville ;
il fait à l’improviste des tournées dans les différens marchés. Cet aghâ, a chevai,
est précédé d’un de ses employés, qui porte une grande balance avec des poids
étalonnés; il est suivi d’une nombreuse escorte de serviteurs armés de bâtons.
Si quelque acheteur le rencontre et manifeste quelque doute sur l’exactitude
des pesées de la marchandise dont il a fait emplette, l’aghâ se fait conduire à
la boutique du vendeur; le porteur de la balance procède sur-le-champ et en
public à la vérification du poids des objets vendus; e t, s’il dèmeure constant
par cette vérification qu’ils n’ont pas le poids qui en a été payé , le marchand
reçoit la bastonnade devant sa propre boutique, où, après avoir subi cette peine,
il est reconduit par ses voisins, qui lui témoignent ordinairement, à cette occasion
, beaucoup d’intérêt, soit qu’ils aient déjà reçu de lui le même service, soit
qu’ils prévoient se trouver d’un instant à l’autre dans le cas de le recevoir.
Cette police des marchés s’exerce probablement de la même manière dans
les grandes» villes de l’Egypte, mais avec moins d’appareil qu’au Kaire.
C ’est au marché de Menouf, qui se tient une fois par semaine, que les tisserands
des campagnes portent leurs toiles : elles y sont achetées par des marchands
de cette ville, qui les expédient pour le'Kaire, Rosette et Alexandrie. Cette
exportation de toiles de Menouf s’élevoit, chaque année, à plus de cent cinquante
mille pièces. Des marchands d’Achmoun et du, Kaire parcouraient encore les
villages de la province de Menoufyeh, et y achetoient une assez forte partie des
toiles qu’on y fabriquoit.
Indépendamment des toiles qu’on apporte au marché de Menouf, ce marché est
abondamment fourni de laine, de lin en étoupe, de fil de lin, de poteries de toute
espèce , de graines, de légumes secs et verts, et notamment de racine de
colocase; que l’on cultive spécialement, à Chybyn et dans les environs.
La ville de Tantah, que les voyageurs Européens avoient peu visitée avant
l’expédition Française, est la plus commerçante de l’intérieur du Delta. Outre
qu’elle est située dans un territoire extrêmement fertile , et dont les habitans
exercent leur industrie sur le lin , qui y croît en abondance, elle est encore le
siège de Toires annuelles très-renommées. Ces foires,comme la plupart de celles
qui se tiennent en Orient, doivent leur origine à la dévotion superstitieuse des
Musulmans..
Le tombeau d’un "santon célèbre, appelé Seyd Ahmed cl-Bedaotiy, est, dans la
principale mosquée de Tantah, , l’objet d’une grande vénération; on y alloit
en pèlerinage à deux époques différentes "de l’année, à l’équinoxe du printemps,
et au solstice > d’été.
Voici ce qu’on rapporte de particulier sur Ahmed el-Bedaouy : il naquit à Fez
en Barbarie, l’an 596 de l’hégire; il vint en Egypte avec sa famille, en se
rendant à la Mecque : il étoit alors âgé de onze ans.
A son retour de la Mecque, il s'arrêta à Tantah, où il vécut jusqu’à l’âge
de soixante-dix-neuf ans ; sa conduite lui fit acquérir la réputation d’un saint,
et après sa mort on construisit un petit monument sur son tombeau, que les
Musulmans vinrent visiter par dévotion.
Vers l’année" 66o de l’hégire, le sultan Seyd Bybars fit bâtir la mosquée que
l’on voit aujourd’hui à Tantah : elle fut embellie depuis par Isma’yî-bey Ebn-
Ayouâz, il y a près d’un siècle ; et enfin par A ’iy-bey, il y a cinquante ans environ.
Cette mosquee a de grands revenus ; elle possède un village de cinq cents
feddân, appelé Qahâfeh : elle possédoit en outre, dans la ville de Tantah, un o'kel,
un bain, et l’enduit où l’on réduit le café en poudre; elle recevoit de plus
beaucoup d’ex-voto des habitans des diverses parties de l’Egypte,
i?, Les foires qui se tenoient à T an tah ; -pendant. la fête du santon, étoient
.franches de tout droit perçu au profit du Gouvernement ; la police en étoit
faite par deux kâclief, l’un de la province de Menoufyeh, l’autre de la province
de Gharbyeh.
Le jour de la fête étoit annoncé à toute l’Egypte par des courriers qui por-
toient un firman du pâchâ dans les sept provinces de l’Egypte ; savoir, le Sa’yd,
les provinces de Gyzelv-de Bahyreh, de Menoufyeh, de Gharbyeh et des deux
Cluirqyeh,
On compte àTantah dix ou douze o'kel destinés à différentes villes de l’Egypte