environ au-dessus du couvent, on rencontre une fontaine dite du Cordonnier,^
fournit toute l’année une petite quantité de très-bonne eau ; aux deux tiers est une
petite chapelle dite de Marie ou du Commissaire. Sur le sommet de cette montagne,
une citerne en maçonnerie, ainsi qu’une espèce de grand vivier, se remplissent pat
les pluies; tous deux étoient à sec depuis long-temps. Un cyprès sur le plateau est
remarquable par sa beauté; à un mètre et demi [quatre pieds] au-dessus du sol, ¡|a
près de deux mètres trois quarts de tour [huit pieds et demi] avec une hauteur
proportionnée (i). A quelque distance, sur une partie un peu plus elevée du
même plateau, deux petites chapelles ouvertes portent les noms d Elle et d’Élisk
Les murs sont couverts des noms de ceux qui viennent visiter le mont Sinaï, au
sommet duquel on arrive après deux heures de marche par un escalier formé des
accidens du rocher et de blocs de granit rapportés. Le passage en étoit autrefois
fermé, et les portes gardées par un homme qui ne laissoit entrer que les Chrétiens
munis d’une lettre du patriarche de Syrie. On voit encore sur cette montagne les
restes d’une chapelle bâtie en granit, ainsi qu’une mosquée élevée sur une espèce
de caveau d’un mètre et demi [quatre pieds sept pouces] de hauteur sur autant de
largeur et de profondeur, qu’on fait remarquer comme le lieu dans lequel Moïse
passa quarante jours; et vis-à-vis, une excavation fort étroite est, dit-on, celle dans
laquelle Moïse se cacha lorsque Dieu lui apparut. On voit encore également les
ruines d’une seconde chapelle que les Arabes ont détruite, parce que, disoient-ils,
elle empêchoit la pluie de tomber. Plusieurs citernes, qui étoient à sec, sont
creusées dans le granit.
Les Arabes nous attendoient au pied de la montagne : un événement naturel dans
cette saison, mais rare et bien long-temps désiré, vint ajouter au respect qu’ils
avoient pour les Français, et à leur considération pour nous. Il n’étoit pas tombé
d’eau depuis un an ; les troupeaux souffroient, les citernes étoient épuisées depuis
long-temps, et les sources diminuées. Nous avions entendu sur la montagne le tonnerre
gronder au loin, et la pluie commençoit pendant que nous descendions ; nous
n’avions pas vu tomber d’eau depuis bien long-temps, et nous jouissions du plaisir
de nous sentir mouillés, sans avoir l’orgueil de nous en attribuer la cause, lorsqu’en
abordant les Arabes, qui se levèrent tous, nous les entendîmes s’écrier : « Mâ-di
y, Allah ! Dieu est grand et miséricordieux. Bons Français, vous avez prié pour
» nous sur le mont Sinaï; vous nous avez fait donner de la pluie : elle nous est plus
» précieuse que l’or.» Ils baisoient nos manches, les pans de nos habits, levoiem
les mains au ciel en répétant : « Bons Français ! » Le temps étoit entièrement couvert
; le ciel avoit la couleur qui précède en Europe la chute d’une grande quantité
de neige : j’en fis faire l’observation à mon camarade. «Nous sommes contens de
» vous, leur ai-je répondu; nous avons prié sur la montagne, vos voeux et les
» nôtres seront bientôt comblés. » Nous eûmes à peine le temps de nous mettre à
couvert sous un mauvais bâtiment des moines, ouvert à tous les vents ; la pluie
tomba avec la plus grande abondance , et continua pendant une partie de la nuit
avec la même force.
(i) On en remarque un à peu près semblable dans l’intérieur du couvent.
L e l e n d e m a i n , n o u s p a r t î m e s à l a p o i n t e d u j o u r p o u r a l l e r v i s i t e r l e m o n t
S a i n t e - C a t h e r i n e ; n o u s m i m é s q u a t r e h e u r e s à p a r v e n i r d e l a b a s e a u s o m m e t ,
e n m a r c h a n t , t a n t ô t s u r d e s p i c s . a i g u s . e t d é c h a r n é s , t a n t ô t s u r d e s r o c h e s d e p o r p
h y r e f e u i l l e t é o u t o u t - à - f a i t d é l i t é . A c h a q u e i n s t a n t , d e s c a s c a d e s , d e s t o r r ë n s ,
d e s - r a v i n s ) q u e f o r m o î t e n f o n d a n t l a n e i g e q u i é t o i t t o m b é e l a v e i l l e e t q u i
c o u v r o i t e n c o r e l e d e r n i e r t i e r s d e l a m o n t a g n e , r e n d o i e n t q u e l q u e s p a s s a g e s e x t r ê m
e m e n t d i f f i c i l e s : l e v e n t s o u f f l o i t d u n o r d ; e t q u o i q u e l e t h e r m o m è t r e n e f û t
qu’à ü n d e g r é a u - d e s s u s d e l a c o n g é l a t i o n , l a t e m p é r a t u r e é t o i t t r è s - p i q u a n t e
p o u r n o u s , q u i d e p u i s l o n g - t e m p s n e c o n n o i s s i o n s p l u s n i l e f r o i d n i l a p l u i e , e t
m o i n s e n c o r e l a n e i g e . L e c i e j g é t o i t p u r s u r n o t r e t ê t e ; m a i s l ’ é v a p o r a t i o n d e s
e a u x t o m b é e s s u r d e s r o c h e r s q u i n e s e r e f r o i d i s s e n t j a m a i s , p r o d u i s o i t a u t o u r
d e n o u s e t - s o u s n o s p i e d s u n n u a g e é p a i s . N o u s é t i o n s d a n s u n e î l e ; l e s p i c s d e s
m o n t a g n e s l e s p l u s é l e v é e s a u t o u r d e n o u s f o r m o i e n t a u t a n t d ’ é c u e i l s d a n s c e t t e
m e r ' d e - v a p e u r s .
Une cabane en partie détruite, sur le plateau très-étroit de cette montagne,
couvre un bloc de granit, objet de la vénération des Chrétiens. Le frère qui nous
âccompagnoit, et les moines, lorsque nous fumes de retour au couvent, nous
expliquèrent les motifs de ce culte.
«S.“ Catherine, vierge d’Alexandrie, fut, d’après les historiens du ix .' siècle,
» martyrisée dans cette ville, sous Maximin II, empereur Romain au iv.c siècle.
»'Dans le même temps, on trouva sur le pic Sainte-Catherme le cadavre d’une fille ;
.» un cénobite en fut averti par des Chrétiens : ils allèrent reconnoître ce corps, et
» jugèrent qu’il étoit celui d’une martyre, et que ce devoit être le corps de S." Ca-
» therine, qui, suivant la tradition conservée dans le couvent, avoit été apporté
»'d’Alexandrie par les anges. Ils le descendirent au pied 'du mont Horeb (i). Le
» bruit dé ce miracle fut bientôt répandu ; les pèlerinages de Syrie et du Kaire
»augmentèrent, et procurèrent bientôt aux cénobites les moyens d’élever une
» petite chapelle qui fut l’origine du couvent. »
Dans la suite, ce corps fut renfermé dans une boîte ou châsse de marbre blanc,
et religieusement conservé ; la tête et la main droite sont exposées les jours de
fête devant la châsse, et respectueusement honorées. La châssé entrouverte laisse
seulement apercevoir quelques parties d’un squelette (2).
Nous priâmes le supérieur de nous faire participer à cette pieuse cérémonie : il
nous accorda cette faveur pour le lendemain. L ’église fut parée comme au jour
des plus grandes fêtes, toutes les bougies et toutes les lampes furent allumées. Le
supérieur, les moines et les frères, après s’être prosternés plusieurs fois depuis le
bas de l’église jusqu’au sanctuaire, vinrent baiser le front de la sainte et l’anneau que
portoit un de ses doigts.
‘ On nous fit observer, en descendant de la montagne, un très-gros églantier que
lés moines appellent le buisson ardent. Nous avions admiré, en traversant la vallée
(1) Les religieux font remarquer les stations où se (i) Les religieux m’ont fait observer que s’ils n’expo-
teposerent les porteurs, et révèrent encore les pierres ho- soient pas tout le corps, c’étoit par respect pour la
nzontales sur lesquelles le corps fut posé. pudeur.
É . M . T O M E II. 0 o *