
plus que quinze à dix-sept mille fardes par cette voie ; le reste est expédié par
Qoceyr : cependant la masse totale de cette importation est moindre qu autrefois.
Les renseignemens que j’ai pris à Suez sur le prix du café à Geddah et à
Yanbo’, et sur les droits auxquels cette marchandise est assujettie, se rapportent
parfaitement à ceux que j’avois déjà obtenus à Qoceyr : on paye de 60 à 80 médins
pour le transport d’un qantâr de café de Geddah à Suez.
Le qantâr et le rotl en usage dans les ports d’Arabie sont les mêmes que
ceux d’Égypte. Bruce avoit déjà remarqué que ces poids sont ceux de Venise;
ce qui prouve, conformément à l’opinion de ce voyageur, qu’ils ont été
introduits en Orient pendant que les Vénitiens y faisoient exclusivement le
commerce.
Les épiceries et les autres marchandises de l’archipel Indien sont apportées tous
les ans à Geddah par quinze ou vingt petits bâtimens Malais ou Arabes, et par
trois ou quatre vaisseaux Anglais.
Les marchandises de l’Inde qui venoient à Suez, consistoient principalement
en étoffes de soie, en étoffes de coton et en cachemires.
Vingt ans environ avant l’expédition Française en Egypte, il s’y fàisoit une bien
plus grande importation de marchandises par la caravane de la Mecque que par
Suez et Qoceyr : mais le grand nombre de tribus errantes qui infestent le chemin
que la caravane est obligée de suivre, a fait, dans ces derniers temps, préférer
la voie de mer. Quoi qu’il en soit, la valeur des objets importés par la caravane
s’élevoit encore annuellement à z 5 0,000 ou 300,000 piastres d’Espagne. Ces
importations étoient exemptes de tout droit de douane.
Il y avoit anciennement au Kaire quinze ou vingt maisons de négocians Turcs
qui faisoient le commerce de l’Inde ; ce nombre n’est plus que de trois ou quatre :
il y a à peu près autant de commissionnaires Turcs établis à Geddah.
Quatre tribus d’Arabes étoient exclusivement en possession de transporter au
Kaire les marchandises qui venoient de Suez par mer : ces tribus, qui suivoient
chacune une route différente, sont celles des Terrâbyn, des Haouytât, des Arabes
de T o r et des A'ydy.
Les premiers habitent les environs du vieux Kaire et le village de Basâtyn ;
ils ont aussi des camps dans quelques gorges de la vallée de l’Egarement.
Les Haouytât sont établis dans la province de Qelyoubyeh.
La tribu de T o r occupe la côte d’Arabie jusqu'au cap Mohammed, les environs
du mont Sinaï, et toute la presqu’île comprise entre la mer de Qolzoum et
le golfe d’A ’qabah.
Enfin les A ’ydy habitent les environs de Mataryeh et de Birket el-Hâggy.
Ces Arabes fournissent les chameaux avec leurs équipages, et un nombre proportionné
de conducteurs qui sont eux-mêmes sous les ordres de quelques
cheykhs.
Un chameau porte de Suez au Kaire y ou 6 qantâr de café, pour chacun desquels
on paye 90 médins.
Les produits de la douane de Suez ont été, pendant quelque temps, divisés
entre
entre Morâcl et Ibrâhym beys : Ibrâhym en jouissoit seul lors de l’arrivée des
Français en Egypte ; cependant on prélevoit un droit d’un médin par rotl de
café au profit du pâchâ du Kaire , et un droit de 146 médins par farde au
profit de l’émyr Hâggy.
Il faut que le commerce de l’Inde par la mer Rouge ait procuré de
grands avantages, pour qu’on ait pensé à former des établissemens sur des plages
sablonneuses aussi stériles que celles où sont bâties les villes de Qoceyr et de
Suez; aussi, dans l’espérance de jouir de ces avantages, a-t-il été fait, vers la fin
du siècle dernier, quelques tentatives pour rouvrir au commerce de l’Inde- le
chemin qu’il avoit suivi avant la découverte du cap de Bonne-Espérance.
On sait qu’A ’ly-bey, qui gouverna l’Égypte dans l’intervalle de 1763 à 17 7 1 ,
avoit conçu le projet de se rendre indépendant de la Porte Ottomane. Le
bénéfice que le commerce de l’Inde avec l’Europe auroit pu lui procurer, s’il
étoit parvenu à le faire passer par l’Égypte, lui fut indiqué par le consul de
Venise, auquel il accordoit une grande confiance, comme un moyen sûr d’accroître
ses richesses et d’assurer son indépendance.
Il falloit d’abord se rendre maître du port de la mer Rouge qui -a le plus
de relations avec l’Inde, et du marché où se réunissent les caravanes qui en
font le commerce par terre : il fit en conséquence occuper Geddah et la
Mecque par deux beys de sa maison, Hasan Geddâouy et Mohammed Abou-
dahab.
Afin d’attirer les Européens à Geddah, il voulut qu’ils y eussent un facteur
accrédité, et il réduisit à 3 pour cent de la valeur des marchandises les droits de
douane qui devoient y être perçus.
Les circonstances ne permirent point l’exécution de ces projets; mais l’intention
manifestée par A ’iy-bey, de rendre libre la navigation de la mer Rouge,
n’en fut pas moins bientôt connue dans l’Inde.
Quelques négocians formèrent alors le projet d’expédier par cette voie dans
le Levant les différentes marchandises qui y ont cours. Il vint à Suez plusieurs
bâtimens qui payèrent, à leur arrivée, 5 pour cent de la valeur de leurs chargemens ;
on se borna à exiger de plus 6 pour cent de cette valeur au moment où ces
chargemens furent achetés par des marchands du Kaire.
Mohammed-bey Abou-dahab, successeur d’A ’ly, voulut, comme lui, encourager
le commerce de l’Inde. Non-seulement il permit aux vaisseaux Anglais
armés par des particuliers de débarquer leurs chargemens à Suez, mais encore il
prescrivit aux négocians du Kaire qui en traitoient, de les solder dans le délai de
trente jours. Les bénéfices auxquels cette protection du Gouvernement d’Égypte
donna lieu, et la renommée qui ne manqua pas de les grossir, inspirèrent à
d autres armateurs le désir de les partager. Cependant la compagnie Anglaise
du Levant, qui vend dans les différentes contrées de l’empire Ottoman les
étoffes du Bengale provenant des magasins de la compagnie des Indes, craignit
que la nouvelle route qui s’ouvroit par l’Égypte, ne nuisît à ses intérêts; elle fit
en conséquence solliciter près du divan de Constantinople , par l’ambassadeur