Si Menoïif ne présente aucun vestige d’anciens édifices, ni de ces monticules I
en briques crues qui annoncent l’emplacement des villes de l'antique Egypte, c’est
qu’ils auront etc recouverts par les débris des maisons modernes. Il nous semble, en
effet, qu’on doit assigner à M enouf une origine fort reculée, puisqu’à l’époque de la 1
conquête de l’Egypte par les Arabes, cette ville étoit déjà assez considérable, assez 9
importante, pour avoir donné son nom à une des provinces du Delta. C’est probable- 9
ment là,«ou du moins à peu de distance , que l’on doit placer sur les cartes anciennes 1
la ville de Nicii, capitale du nome Prosopites; car, selon l’Itinéraire d’Antonin, Aï«i|
¿toit à quarante-huit milles de Memphis et à trente-un milles d’Andropolis, villesI
que tous les critiques (i) s’accordent à placer ¡^savoir, la première, près des pyramides |
de Saqqârah, au village de Myt-Rahyrïeh, où nous avons en effet retrouvé ses ruines, |
et la seconde, au village de Châboifr, sur la rive gauche de la branche de Rosette. 9
Nous avons aperçu, dans quelques mosquées dë/Menouf, ' des colonnes dt|
granit qui paroissent provenir d’édifices anciens ; et nous avons découvert à la
porte d’une maison, où il servoit de banc, un monument précieux pour les ami-i
qùaires. C ’est un bloc quadrangulaire de granit noir, parfaitement dressé,.qui presénte
sur une de ses feces les restes de deux inscriptions : 1’ùiie en caractère«
cursifs, analogues à ceux que l’on voit sur les enveloppes des momies 'et les rou-¡
Jeaux de papyrus ; l’autre en beaux caractères Grées.’ Cette pierre a un mètre vingt-!
quatre centimètres de largeur; un petit cadre lisÉ’, detdeux centimètres, enferme,
les inscriptions et réduit la longueur des lignes écrites à un mètre vingt centièmes*
les deux arêtes perpendiculaires sont brisées, l’une à la hauteur de quarante-'
neuf centimètres, l’autre à celle de trertte-huit. Les deux inscriptions sont dans!
un grand état de dégradation : nous avons copié plusieurs mots de la prel
mière; et la comparaison que nous en avons faite avec ceux de l’inscription inter-1
médiaire de la pierre de Rosette (2), ne laisse aucun ulouce sur l’identké de
lettres. Feu notre collègue M. Raige, à qui nous avons montré les fragmeJ
que nous avons recueillis , a partagé entièrement notre opinion ; et il nous enl
auroit peut-être donné l’interprétation, si la mort ne l’eût surpris au milieu deil
travaux de même nature qu’il avoit entrepris à l’occasion de la pierre de Rosette.
Les caractères de la seconde inscription ne présentent aucune incertitude,!
ils sont Grecs; mais nous n’avons pu lire distinctement que les trois premien!
mots, et le commencement du quatrième :
B A S I A E O X N E O T AIEI T û
Du jeune Roi, toujours &c.
Ces inscriptions devoient être, si l’on en juge par .leurs dimensions, plus;
considérables que celles de la pierre de Rosette : l’inscription Grecque de ccitfj
(1) Voyez, entre autres, les Mémoires sur l’Egypte
par d’Anville.
(2) Ce monument lapidaire, le plus précieux qu’on
ait recueilli depuis long-temps, présente trois inscriptions:
la première en caractères hiéroglyphiques, la seconde en
ancien égyptien vulgaire, et la troisième en grec. H>l
été trouvé par M. Bouchard, l’un de nos camarades, daiufl
les excavations qu’il faisoit faire pour réparer le vientj
fort qui est à quatre cent cinquante mètres au nord « I
Rosette, sur la rivé gauche du Nil.
dernière n’occupe qu’un rectangle de trente-quatre centimètres de haut sur soixante-
onze centimètres de large, tandis que celle de la pierre de Menouf a trente-six
centimètres de haut sur un mètre vingt centimètres de long. L ’analogie remarquable
qui existe entre ces deux pierres, porte naturellement à conclure que celle de
Menouf avoit aussi une troisième inscription en caractères hiéroglyphiques.
On sait que le monument lapidaire de Rosette présente un décret ( 1 ) des
prêtres Égyptiens, qui institue un culte particulier en l’honneur de Ptolémée
Épiphane, déclaré Dieu dans les temples de Memphis. En voici les premiers mots ;
BuffiAeuom« m ne» tuy mçyfg&om', &ç. «Du règne du jeune (R o i), succédant &c.»
L ’inscription de Menouf ne commence donc point comme celle de Rosette,
mais tout fait présumer qu’elle renferme un décret du même genre; et il est en
effet dans la nature de l’homme, dans sa servilité habituelle, que les prêtres aient
renouvelé plus d’une fois'tçes témoignages publics de leur adulation, à l’avéne-
ment des rois Grecs, au trône d’Egypte.
Une pierre de même nature, mais de dimensions différentes de celles de
Rosette et de Menouf, a été trouvée au Kaire par M. Caristie, l’un de nos compagnons
de voyage (2). Ce monument rend encore plus probable l’opinion que nous
venons d’avancer au sujet du nombre et de la variété de ces sortes d’inscriptions.
Nous étions logés à Menouf dans une maison assez vaste, dont l’intendant
Qobte occupoit la partie inférieure ; et, de nos fenêtres, nous avons été plusieurs
fois témoins des coups de 'kourbây qu’il faisoit distribuer devant lui, dans la cour
de notre maison, aux paysans qui ne payoient pas volontairement l’impôt. Nous
intercédions souvent pour eux ; mais le Qobte nous répondoit toujours que jamais
on n’avoit agi différemment sous les Mamlouks, et que 1 e.s fellâh ne donneroient
rien s’ils n’y étoient contraints par la douleur. Ammien Marcellin rapporte qu’au
temps des Romains l’impôt se percevoit ainsi: C ’est une honte, d it-il, chez les
Eygptiens que d avoir payé le tribut de bonne grâce, et sans y avoir été forcé à coups de
fouet. Nous avons souvent vu en effet l’homme qui, à plusieurs reprises, avoit été
(1) Voyez les Ëclaircissemens sur l’inscription Grecque
du monument trouvé à Rosette, parM. Ameilhon. Paris,
1803, in~4‘°
(2) Voici ce que l’on a inséré à ce sujet, le 30 ventôse
an 9, dans le n.° 108 du Courrier de l’Egypte:
« Le citoyen Caristie, ingénieur des ponts et chaussées,
» a découvert, au commencement de cette année, dans
» la mosquee el - Nasryeh du quartier de ce nom au
» Kaire, une pierre ou table d’un granit noir, occupant
» le seuil d’une porte de la mosquée. II y reconnut trois
» inscriptions en trois caractères anciens. Le général en
» chef Menou permit que la pierre fût enlevée et trans-
» férée à l’Institut, où elle est maintenant.
»Les dimensions de cette demi-table, fendue et sé-
» parée dans la moitié de sa longueur, sont de six pieds
» de hauteur, quinze pouces de largeur et onze pouces
» d’épaisseur, d’un beau granit noir et d’un grain très-fin.
» On distingue sur la hauteur trois inscriptions placées
» I une au-dessus de l’autre. La première et supérieure est
» en caractères hiéroglyphiques, et a vingt-six lignes enca-
» drées. La seconde est en caractères que l’on soupçonne
É . M . T O M E IL
»être l’écriture cursive ou vulgaire des Égyptiens, sem-
» blable aux caractères dont sont couvertes les enveloppes
» de momies : on y compte vingt-six lignes. La dernière
» inscription est en grec, et a soixante-quinze lignes. En
» général, les caractères de ces trois inscriptions sont très-
» altérés ; ils sont presque illisibles. La partie supérieure
» de cette pierre offre , du bord de la cassure dans le sens
» de sa largeur, une aile déployée, telle que celles de
» tous les globes ailés qui ornent les frontispices des an-
» ciens temples des Égyptien ; elle appartient donc à la
» moitié de ce symbole ; au-dessous, on reconnoit très-
» bien quelques personnages.
» Cettepierre, qui a trois inscriptions en trois divers ca-
» ractères, est beaucoup plus grande que celle du même
» genre et de même nature trouvée dans le fort Julien, ,
»près de Rosette, dont on a parlé dans le n.° 37 du
» Courrier de l’Egypte ; mais elle est d’un intérêt bien
» moins grand, puisqu’à peine, dans cette seconde, peut-
» on déchiffrer quelques mots de suite : néanmoins elle
» indique assez qu’elle appartient au temps des Pto-
» lémées. »