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 cite un  édit du pape  Innocent  IV  qui  défend  aux Chrétiens,  sous  peine  d’excom-  I  
 munication,  de  frapper  de  pareilles  monnoies. 
 Adler  pense,  d’après  Barthélémy,  qui  a  publié  sur  cette  espèce  de  monnoies  I  
 un mémoire  fort  curieux  (i),  que  les Seijeucydes  (a)  et  les  Turkomans  (3),  peuple  I  
 barbare,  composé,  en  grande  partie,  d Arabes  pasteurs  et  de  brigands,  lorsquils  I  
 se  répandirent  dans  les  divers  pays  qui  devenoient  leur  conquête,  n adoptèrent  I  
 les usages extérieurs et la religion des Mahométans  que par politique, pour éprouver  I   
 moins  de  résistance  dans  leurs  usurpations  et  se maintenir  plus  facilement; mais  I  
 qu’ils  mêlèrent  aux  moeurs  et  aux  coutumes  des  vaincus  une  partie  de  celles  I   
 qu’ils  avoient  contractées  ou  prises  dans  divers  pays  d’où  ils  étoient  venus.  ]| |   
 paroît  d’autant  moins  étonnant,  d’après  cela,  qu’ils  aient  cru  pouvoir  orner  les  I   
 monnoies de  diverses  figures,  à  l’imitation des  autres peuples,  que  l’aversion pour I   
 les  figures  est  plutôt  une  opinion  particulière  ou  une  maxime  des  docteurs  et I   
 des  interprètes  de  la  loi,  qu’une  loi  formelle  et  obligatoire.  On  voit  encorel  
 aujourd’hui,  chez  différens  peuples  qui  professent  la  religion  Musulmane,  des!  
 figures  et  des  tableaux  qui  représentent  des  hommes  et  des  animaux. 
 On  peut  ajouter  que,  les  Chrétiens  étant  à cette  époque  beaucoup  plus nom-1  
 breux  qu’aujourd’hui  en  Orient,  et  presque  tous  ceux  qui  étoient  chargés  des!  
 détails  des monnoies  et  des  impôts  étant Juifs ou  Chrétiens,  cette  circonstance a l  
 pu  contribuer  à  favoriser  l’usage  ou  la mode  de  représenter  des  figures  sur  les!  
 monnoies;  sur tout  lorsque  celui  qui  gouvernoit ne  s’y  opposoit  pas,  par insou- il  
 ciance,  ou  parce  que  cette  pratique  ne  répugnoit  pas  à'son  opinion  particulière. I   
 Enfin  ne  peut-on  pas  conjecturer  que  les  Arabes  eux-mêmes  auront  fait  quel-1  
 quefois  frapper  des  monnoies  imitant  plus  ou  moins  grossièrement  les  figures!  
 usitées  chez  les  peuples  Chrétiens,  pour commercer  avec  eux,  ou  faire  un bénc-1  
 fice  considérable  en  introduisant  chez  eux  une  fausse  monnoie  (4)  '■ 
 Quant aux contradictions que  ces figures  ou  têtes présentent  avec  les usages des!  
 Musulmans, elles  proviennent de ce  que  les  arts  étoient  très-peu  florissans a cette!  
 époque,  et  que les conquérans  ou  chefs,  qui  n’en  avoient  aucune  teinture, aban-1  
 donnoient  le  soin  de  la  fabrication  des  monnoies  à  des  hommes  ignoratts!  
 qui;  n’étant  pas  assez  habiles  pour,  faire  un  portrait,  se  contentoient  d’imiterl  
 imparfaitement  les  figures  ou  empreintes  des  anciennes  monnoies  Grecques oui  
 Romaines, ou même d’autres  peuples,  qu’ils  pouvoient se  procurer ou quiis  trou-l  
 voient  le  plus à  leur goût, et  gravoient autour,  ou  de  l’aûtre  côté,  en  caractèresl  
 Arabes,  le  nom  du  prince  ou  du  gouverneur  du  pays. 
 Lorsqu’ils furent  plus exercés, ou qu’ils sentirent  l’inconvénient  d’une  imitation!  
 aussi  étrange,  ils  cherchèrent  à  représenter  les  traits  et  le  costume  particulierdel  
 leurs  princes; mais,  n’ayant  plus  de  guide  dans  leur  travail  et  n étant  pas assel 
 ( ,)   Dissertation  sur les Médailles Arabes, par M.  l’A.  Égypte,  avec  Saladin.  Koyfj  Hist.  des  Huns,  im.l»  
 Barthélémy,  Mémoires  de  l’Académie,  tom.  X X V I ,   p- 24. ;tom. I I I , p. 2 jS , ¿Xc. (Note de M. de Sacy.Trr  
 - ag  in -js  duction du Traité  des monnoies  de Makrizî,pag.J7-)| 
 (2)  Voyr^  pag.  342, nos. 2.  (4)  KçyrtPad* 341»  aI*n- l -*r 
 {3)  Les  Turkomans,  Gozzes  ou  Uzzes,  entrèrent  en 
 habiles  en  dessin  pour composer,  leurs  représentations  n’en furent que  plus  ridicules  
 et plus mal exécutées. Telles sont  celles  des figures  que  l’on  voit  représentant  
 le  prince  avec  un  turban,  assis  sur un  sofa  ou  divan  (i),  les  jambes  croisées  à  
 la manière  des Turks,  tenant d’une main  son sabre  et de l’autre  une tête  coupée. 
 S i   l’on  ne  rencontre guère,  dans  le  commerce  et  dans  les médailles  d’Europe,  
 que des pièces  en  cuivre  qui  offrent  les  figures  dont  nous  avons  parlé ,  on  pour-  
 roit  en  donner  pour raison  que  celles  en  or  et en  argent  sont  recherchées,  d’une  
 part,  pour  les  ornemens  des  femmes,  et  ne  sortent  guère  des  liarem  (2),  et  que,  
 d’un  autre  côté,  leur  valeur  intrinsèque  a  déterminé,  dans  différentes  circonstances, 
   ceux  qui  en  avoient à  les  vendre,  pour  être fondues,  aux  serrâf[ 3 ),  aux  
 orfèvres  ou  aux  Juifs  qui  approvisionnent  les  monnoies  de  Turquie;  en  sorte  
 qu’elles  sont  devenues  rares  ou  ont  disparu  entièrement.  Les  pièces  de  cuivre,  
 d’ailleurs,  ont  été  frappées  en  bien  plus  grande  quantité, sur-tout  dans  les  temps  
 de désordre  et  de  malheur,  où  le  cuivre  devenoit  presque  la  seule  monnoie  en  
 circulation  (4). 
 Quoiqu’il  soit  vraisemblable  que  plusieurs  de  ces  médailles  ont  été  frappées  
 par des peuples Chrétiens,  suivant  l’opinion  de M.  Tychsen; quoique nous  ayons  
 lieu  sur-tout  de  conjecturer  que  parmi  ces  monnoies  il  s’en  trouve  un  grand  
 nombre  de  fausses,  fabriquées  dans  le  pays  ou  introduites  des  pays  voisins,  il  
 paroît cependant  certain  que  les  Musulmans  eux-mêmes  en  ont  fait  frapper,  du  
 moins  dans  les  premiers  temps  de  l’islamisme. 
 Lors  de  l’établissement de  la religion Musulmane,  l’usage de  représenter sur les  
 monnoies  la  figure  du  prince,  ou  diverses’ figures  emblématiques  d’hommes  et  
 d’animaux,  étant  généralement  adopté  par  la  plupart  des  peuples,  fut  suivi  ou  
 imité par  les  Arabes.  L ’aversion pour  les images n’étoit pas encore  devenue  générale, 
   et  passée,  pour  ainsi  dire,  en  loi,  comme  cela  eut  lieu  par  la  suite. 
 Le Prophète  lui-même,  au  rapport  des  divers auteurs,  fit  usage  des  monnoies  
 qui avoient  cours  du  temps  du  paganisme,  et  les  laissa  dans  le  même  état  qu’avant  
 l’établissement  de  sa  nouvelle  religion. 
 Abou-Bekr,  qui  succéda à Mahomet  (5),  en  fit  autant  :  l’émyr  des  fidèles  Abou-  
 Hafs  O 'mar ben-el-Kliattâb  (6),  qui  conquit  l’Egypte,  la  Syrie  et  l’Irak,  laissa  les  
 monnoies  sur  l’ancien  pied,  jusqu’en  l’an  18  de  l’hégire  [639  de  notre  ère],  où  
 il  fit  frapper,  selon  Maqryzy,  «  des  dirhem  de  la  même  forme  et  aux  mêmes  
 » empreintes  qui  étoient  en  usage  du  temps  des  Cosroës  (7)  :  il  ajouta seulement  
 »sur  les  uns,  Louange  à  Dieu  (8)  ;  sur  d’autres,  Mahomet  est  L’envoyé  de  Dieu; 
 (1) En arabe, dyouân [  mot tiré du persan, qui 
 signifie originairement  les  coussins ou espèces de canapés  
 tres-bas,  garnis  de  carreaux,  sur  lesquels  les  Orientaux  
 s asseyent,  et,  par  extension,  assemblée,  réunion  de  
 personnes  assises.  C ’est  de  là  qu’est  dérivé  notre  mot  
 douane, 
 (2)  Voyez  Paê*  327>  not. 3. 
 (3)  Voyez  notre Notice sur les Poids Arabes,  pag.  24? >  
 rem. 26.0  Voyez  aussi pag. 425  de  ce  Mémoire,  not.  2. 
 (4)  Voyez  pag.  336,  alin.  1." 
 (5)  j j f .  La  date  de  son  avènement est  l’an  11  de  
 l’hégire  [632  de  notre  ère]. 
 (6)  xyi jF   jjI  Voyez 
 pag. 325,  alin.  4. 
 (7)  Cosroës, nom propre Persan, Khosrou  ;  en 
 arabe,  Kesrâ [ULwH.  nom que  les  Arabes  donnent  en  
 général aux  rois  de -Perse. 
 (8)  El-hamd-ellah  [ * î  cWü ]• 
 Vqyez,  pour  les  deux formules  suivantes,  pag.  354,  
 not.  8  et  not. 7.