Après ce revers, Farag alla se fortifier en Egypte', où il concentra ses forces;
■et Tamerlan, tranquille du côte de Farag, tourna ses armes contre la Natolic. [(
‘courut de succès en succès, fit tomber en son pouvoir les villes de Qala’t el-Roum
Kamach, Harouk, Césarée, et vint livrer, dans les plaines d’Angora ou Ancyre
qui, plusieurs sièdes auparavant, avoient été témoins de la fuite de Mithridate, la
célébré bataille où Bajazet fut fait prisonnier. Cette même année 804, Farag reçut
de Tamerlan des députés chargés de réclamer de lui un général Tartare qui étoit
captif au Kaire : il leur fit un bon accueil et leur remit le prisonnier.
Farag, ayant reçu la nouvelle de la victoire de Timur, son ennemi naturel,
et de la mort de Bajazet, son allié, se livra à de profondes réflexions. Il sentit
que le vainqueur des Indes étoit destiné par la Providence à être le conquérant
du sièclé’v et il se préparoit à lui envoyer une ambassade pour lui demander son
amitié, quand on lui en annonça une nouvelle de la part de Timur. Les député
qui la composoient lui apportoient des présens, et venoient lui insinuer que le
plus grand plaisir qu’il pût faire à leur m'aître, seroit de lui livrer Qarâ-Youscl
et Ahmed fils d’Aouys,.et de le reconnoître comme son séignéùr suzérain. Dans
tout autre temps, Farag auroit renvoyé lès députés sans les entendre ; mais, dans les
circonstances où il se trouvoit, il fallut se soumettre!' Il appela les docteurs delà
loi; et, après leur avoir fait sentir qu’il etoit inutile de s’opposer aux décrets de la
Providence, il leur ordonna de dresser l’acte 8e soumission, qu’il remit aux députés,
et leur adjoignit quelques personnesoë sa cour, qui avoient ordre de complimenter
Tamerlan sur ses succès, et de lui représenter qu’ayant donné à Qarâ-Yousef et il
son compagnon l’hospftalité, ce séroit une barbarie de les lui livrer, mais que, pourI
lui complaire, il les garderoit à vue. 11 lui fit présenter une girafe d’Ethiopie, enI
retour d’un éléphant des Indes qu’il en avoit reçu. La condescendance de Farag lui I
acquit, l’an 8o6,rI’amitié de ce conquérant.
L ’année suivante, c’est-à-dire, le 17 de cha’bân 807 [ i4° î de notre ère], Ta-1
merlan mourut à Otrar, ville où les destins avoient fixé les bornes de ses conquêtes I
et le terme de sa vie. On conçoit aisément la joie que cette mort causa à Farag: ilI
se trouva dans la situation d’un esclave qui vient de recouvrer sa liberté. Il délivrai
d’abord Ahmed et Qarâ-Yousef, qu’il retenoit malgré lui, et qui allèrent, chacun de I
son côté, reprendre possession de leurs domaines respectifs; et lui-même, profitant I
des troubles qui régnoient parmi les enfans de Tamerlan, se préparoit, depuis sept!
mois environ', à reconquérir la Syrie, quand tout-à-coup il vit son;palais assailli I
par le même peuple au repos duquel il avoit sacrifié sa gloire et son honneur. I
A ’zyz, son frère, conduisoit cette insurrection , à travers laquelle il apercevoit leI
trône. La vue de tant de gens armés sous la direction d’A ’zyz donna à penser 11
Farag qu’on en vouloit à sa vie et à sa dignité. Pour sauver l’une,il s’acrifial’autre,I
et confia ses jours à la retraite, le 6 de la lune de rabye’ premier, l’an 808. A’zpI
son frère lui succéda.
CHA P I T R E VII.
A Y y i- Farag pour la seconde fo is . M osta’yn. Mahmoudy-Ahmed. Tatar.
Mohammed. Barsabây.
L a disparition de Farag ayant fait croire qu’il avoit péri dans le tumulte, le
peuple et les émyrs reconnurent A ’zyz sornfière pour Malek el-Mansour. Il ne
régna que trois mois, et fut obligé, l’an 809, de restituer à son frère, qui avoit reparu
et autour de qui lei autorités et le peuple s’étoient rangés de nouveau, le trône
qu’il avoit usurpé. Le règne d’A ’zyz eut la durée de l’éclair qui brille et se perd
incontinent.
Après son second avènement, Farag régna à Damas, qu’il avoit repris sur.les
enfans de Tamerlan, et il gouverna au sein de la paix jusqu’en 813, où il se vit
en butte aux dissensions du palais. Un des émyrs, connu sous le nom de Cheykh
Malimoudy, chercha à le supplanter, et se servit, pour y parvenir, du khalyfe Mosta’yn
b-illah, qui vendit de suçcéder à Moa’temed.
Depuis le premier Bybars, on ne regardoit plus les khalyfes que comme des
pontifes que l’on consultait sur les affaires de religion et les points de conscience.
Mahmoudy, qukavoit ses vues, donna à entendre à Mosta’yn b-illah qu’il lui seroit
facile de rendre au khalyfat sa splendeur primitive et de devenir lui-même ce
que .ses ancêtres avoient été : il lui représenta qu’il avoit tout disposé pour le faire
reconnoître sultan, et qu’il attendoit ses ordres pour le proclamer. Le grand-prêtre,
dont l’orgueil étoit flatté, laissai Mahmoudy ,]a faculté défaire ce qu’il voudroit,
ne sachant pas qui! favorisoit les projets dun perfide. Celui-ci,muni de l’approbation
du khalyfe, vint avec lui, à la tête d’une armée, demander l’abdication de
Farag, qui se trouvoit alors à Damas. Farag répondit à cette sommation insolente
en faisant prendre les armes a ses soldats. Il en résulta une lutte d’où le sultan
seroit sorti vainqueur, si Mahmoudy, qui s’aperçut que la lame et la pointe des
sabrçs n’agissoient pas au gré de ses désirs, n’eût conseillé au khalyfe d’avoir
recours aux armes spirituelles. Alors fut lancé un anathème dont voici le sens :
« De la part de Mosta’yn b-illah, khalyfe.
» Farag, fils de Berqouq, est déchu. Le véritable sultan est actuellement Mos-
» tayn b-illah, vicaire et cousin du Prophète. Pardon pour tous ceux qui se réuniront
» autour de lui, et, anathème contre quiconque refusera de le faire. »
• Cette proclamation eut son effet : les soldats deTarag l’abandonnèrent; lui même,
après avoir résisté quelque temps, fut arrêté, comme il cherchoit à gagner Alep,
et conduit devant lé khalyfe, qui lui intenta un procès criminel. La guerre qu’il avoit
soutenue contre Tamerlan et ses successeurs, avoit exigé de grandes dépenses et
occasionné des impôts extraordinaires : il fut accusé par-devant les docteurs de la loi
d’avoir ruiné les citoyens, l’État, de s’être rebellé contre le khalyfe, qui est l’ombre
de Dieu et le représentant du Prophète; et ceux-ci,'soit par crainte, soit par cor-
tuption, 1 ayant jugé digne de mort, I arrêt fut exécuté dans le courant de la lune de
moharram, ou je premier mois de l’an 81 y II fut décapité; et son cadavre, aban