
décroissance du fleuve. On varie seulement sur la position de ce lac, et l’on doute
qu’il ait pu être fait de main d’homme, vu sa grande étendue.
Les uns, d’après ce passage d’Hérodote, Kéeraj jqÿcpj <î Ai/j-n '¡¡fot (iopèw n
»Are», ne cherchent le lac de Moeris que dans un long canal allant du sud au nord;
et comme ils veulent lui donner les trois mille six cents stades de . circuit que cet
auteur lui assigne, et qu’on ne peut trouver un canal aussi long dans la province
du Fayoum, ils l’ont cherché et ont cru le trouver dans la province de Beny-Soueyf.
Les autres, au contraire, ne peuvent voir le lac de Moeris que dans le Birket-
Qeroun, s’appuyant à cet égard sur la description détaillée de ce lac, que l’on trouve
dans Strabon : ©au/ta-íí» Ü ni» AI/avh» e%ei m Mofeiíbs HooAfydvitv 7tîàoyiam m fuy&n
kol¡ T>t y^go'o. JaAa.-flbEicSî’, xa¡ Tas cclytaAXi Si Içj» G>-¿v Ioixotoî 70% Ja/Aa/fl/oti.
Je n’entrerai point dans cette discussion, qui devient aujourd’hui entièrement
superflue, et qui, ainsi que je l’ai déjà d it, a été si savamment et si complètement
terminée par le Mémoire de M. Jomard. Le Birket-Qeroun d’aujourd’hui est bien
certainement le lac de Moeris d’autrefois ; mais il n’en est que le bas-fond, la cunette
-proprement dite, dont l’abaissement est parvenu à son minimum par l’équilibre
établi entre l’évaporation et les eaux qui y affluent annuellement: d’où il suit qu’il ne
faut pas comparer son périmètre actuel avec celui que lui assigne Hérodote. A cette
époque, et encore du temps de Strabon, le lac enveloppoit entièrement le nome
Arsinoïte. Ce géographe le dit expressément, il commençoit à la pente que j’ai
reconnue sensible au village de Bayhamou, et alloit battre la montagne du côté
septentrional. Cette certitude d’ailleurs est acquise par la grande élévation du village
de Senno.ures qui se trouvoit dans une île, par les couches de terre végétale
que les dépôts ont laissées sur toute la plage au nord du lac, enfin par les sillons
horizontaux que l’on voit tracés sur les couches de la montagne .dans toute sa
hauteur. C ’est dans le milieu de cette largeur que l’on voit les îles sur lesquelles
étoient élevées les deux pyramides dont parle Hérodote. Le lac s’étendoit le long
de la montagne à l’ouest jusqu’à une très-grande distance, et retournoit ensuite
vers le sud, allant se terminer à la crête que j’ai vue près de Nazleh, et venant
battre la montagne entre l’Egypte et le Fayoum.
Si l’on considère maintenant l’immense étendue de cette développée, on ne
sera pas embarrassé peut-être d’y trouver les trois mille six cents stades d’Hérodote,
ou du moins une mesure approchante ; car il ne faut pas regarder les dimensions
données par cet historien, comme mathématiquemènt précises. 11 nous
prévient lui-même qu’il ne peut affirmer comme vrai ce qu’il n’a pas v u , et il ne
nous oblige pas de croire tout ce qu’il rapporte d’après les autres. Sa bonne foi
dans le détail du procédé qu’il assure avoir été employé pour opérer le déblai des
terres provenant du lac, nous avertit aussi de nous tenir en garde sur tout ce qu’il
annonce lui avoir été dit par les prêtres d’Egypte. Strabon, qui se pique d’un peu
plus de précision, et qui d’ailleurs devoit être scrupuleux dans un ouvrage purement
géographique, garde le silence sur la mesure de ce périmètre, qu’il n’avoit
pu ni voir ni apprécier avec justesse ; il se contente de dire : ©«açuaça'v m\eeyias ra
fjLtyíütí. Admirable fa r sa grandeur, semblable à une mer.
La
La partie faite peut-être de main d’homme est le large canal appelé aujourd’hui
Bahr-belâ-mâ, qui communique du Bahr-Yousef au Birket-Qeroun. C'est celui
qu’Hérodote désigne lorsqu’il dit que son étendue va du sud au nord (i).
J’ai trouvé l’emplacement du labyrinthe exactement, comme je l’ai prouvé plus
haut, à cent stades d’Arsinoé, mesure donnée par Strabon , Xla.çy.'rrKiima-n Si_mvm
èttf ôocnv çaA'»«, Wai« sçù "Apcndu; et à l’origine du canal, peu au-dessus du lac,
comme le dit Hérodote, ’OA/jsv -vis A(ûiài« tSî Mofeio«. Enfin la tradition populaire
qui veut que la province du Fayoum ait été autrefois un golfe formé par les
eaux du Nil, desséché, rendu à la culture et mis en état de servir à l’irrigation des
parties basses de l’Egypte par les soins d’un grand prince, tout démontre qu’il n’existe
point de contradiction parmi les anciens, et qu’ils ont tous décrit les lieux tels
qu’on les voit aujourd’hui, ou du moins tels qu’on en reconnoît encore l’ancien
état. Mais, dira-t-on, comment le lac de Moeris a-t-il pu servir de récipient dans
l’inondation, et de réservoir pour l’Egypte dans la décroissance du fleuve I II seroit
difficile, je dirai même peut-être impossible, de se rendre raison de cette destination
du lac,' si l’on s’en tenoit à ne voir l’entrée et la sortie des eaux que par
le même orifice ; mais Strabon parle positivement de deux ouvertures,
par l’une desquelles l’eau entroit, tandis qu’elle sortoit par l’autre.
On doit se souvenir que l’eau tombe dans le Fayoum par une chute pratiquée
sous le pont d’Haouârah el-Kebyr, et que le lit du canal qui la reçoit est le rocher
pur; sa hauteur n’a donc pas varié. A l’époque de la plus grande étendue du lac de
Moeris, c’est-à-dire, immédiatement après le dessèchement du golfe j le niveau
étoit évidemment inférieur à celui du sol de la province : or nous avons vu que
le canal en domine la superficie, puisqu’il est sur la ligne culminante que forme
l’intersection des deux plans versans; les eaux ne pouvoient donc pas retourner
dans l’Egypte par l’ouverture; d’Haouârah el-Kebyr. Cette ouverture n’a jamais
pu servir, ainsi que le dit la tradition, que de déversoir pour dégager la haute
Egypte de la trop grande quantité d’eau- qui nuisoit aux terres.
On a vu, page 212, que la partie septentrionale du lac présente l’embouchure
d une vallée qui communique à Gyzeh ; cette vallée devoit donc nécessairement
former la seconde ouverture par laquelle on donnoit passage aux eaux, lors de
la baisse du Nil, pour aller fertiliser les terres de la basse Egypte, dont le sol est
de beaucoup inférieur à celui de la haute Egypte.
Ainsi s’explique naturellement la manière dont les eaux entroient dans le lac
de Moeris et en sortoient. Détournées de la branche du Nil qui formoit l’île Héra-
cléotique du côté de la chaîne de Libye, par le canal de Joseph, elles fertilisoient
d abord le nome Arsinoïte, et leur excédant tomboit dans le vaste lac qui enveloppoit
ce nome, par le canal qui se dirige du sud au nord et passe âu pied du
labyrinthe. Elles étoient retenues dans ce lac à la hauteur des grandes crues, et
venoient, pendant la décroissance du fleuve, par un autre canal également dirigé
sud et nord vers Memphis, arroser les terres de la basse Egypte, sur lesquelles
I abaissement du sol permettoit qu’elles se rendissent.
(0 Voye7-\e Mémoire sur le lac de Moeris, A. tom. I, pas. q8.