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280 O B S E R V A T I O N S S U R LA T O P O G R A P H I E
finit toujours par le café. La conversation se prolonge souvent pendant plusieurs
heures; on parle des bâtimens qu’on attencfde Geddah etd Yambo , de la charge d«
chameaux, de la pluie long-temps desiree : s’il se trouve un conteur d’histoires, ilH
écouté avec attention. On ajoute de l’eau sur le marc du café. Placé à une petite
distance de ces groupes, je croyois entendre une réunion des habitans de nos
campagnes.
Les chameaux reviennent d’eux-mêmes à la fin du jour, et retrouvent l’endroit
où ils ont été déchargés; s’ils se trompent, ils accourent à la voix de leur maître
qui les appelle.
Je faisois tous les soirs le tour d’une partie du camp : chaque groupe minvitoit
à prendre le café, à me reposer sur la peau de chèvre. Si j’acceptois, on me répétoit: I
Tayeb Francis entafy Tor, saouâ saouâ. [Bon Français, tu viens à T o r avec tes amisj I
Le lendemain,avant le jour, on s’occupe de la charge des chameaux, pendant I
que quelques-uns font le café et le rouga; on part ensuite, et 1 ordre s établit natu- I
Tellement.
t r o i s i è m e j o u r n é e .
Nous campâmes à Ageroud le troisième jour, a huit milles environ de Soueys, 0» I
j’eus l’occasion d’observer que si nous avions pris une escorte, elle auroit îcellcment I
diminué la confiance que nous avions intérêt d inspirer a nos Aiabes. Un officier I
du génie, qui n’avoit pu profiter de notre caravane pour aller aSoueys, partit le I
lendemain, et nous rejoignit dans cet endroit avec son escorte, après deux joins I
de marche (1). Les Arabes les avoient aperçus de loin; je remarquai un grand
changement dans leur physionomie, et bientôt j’en reconnus la cause: ils crurent
que je les avois trompés, et qu’une escorte venoit avec nous dans leurs montagnes. I
Je parcourus cette fois un plus grand nombre de campemens. « J ’ai c om p té s J
» la foi des Arabes, leur ai-je dit ; ils peuvent compter sur celle des Français : nous
» irons seuls, mon compagnon et moi, dans vos montagnes-, et vous nous rame-1
» nerez au Kaire; l’officier Français va à Soueys.» Ils répétèrent que nous allions; I
avec nos amis. Les soldats campèrent au milieu deux; le lendemain, nous fîmes I
route tous ensemble, sans quils témoignassent la moindre inquiétude.
Q U A T R I È M E J O U R N É E .
Bientôt la caravane nous quitta pour aller camper aux fontaines de M o k
[ayoun Mousà], après avoir tourné la pointe du golfe. Les chameaux n’avoientpas
bu depuis notre départ du Kaire, c’est-à-dire, depuis soixante-douze heures, lors-!
qu’ils arrivèrent aux fontaines. Nous allâmes, avec nos cheykhs, coucher à Soueys.
C I N Q U I È M E J O U R N É E .
Le lendemain, nous nous rendîmes par mer aux fontaines, où nos chameaux nous
•rejoignirent en traversant la pointe du golfe à marée basse. Notre caravane avoii
quitté les sources le matin, et chacun se disposoit a retourner dans sa tribu, a trave
( 1 ) Cette escorte avoir fait, ce jour-la, dix-huit lieues dans le desert.
les montagnes. Quatre-vingt-quatorze chameaux de notre caravane, destinés pour
la Syrie, furent déchargés, et les marchandises restèrent sous la garde, de quelques.
Tyars, avec lesquels les marchands traitèrent pour en faire le transport dans cette
contrée (1).
Nous restâmes avec nos quatre cheykhs et les Arabes qui conduisoient nos chameaux;
nous étions dans la presqu’île de Sinaï; nous n’avions plus rien à craindre
des Arabes étrangers qui pouvoient avoir du sang à venger : mais ce qui arriva aux
marchands qui nous avoient accompagnés jusqu’à Soueys, et le malheureux sort
de l’adjudant-commandant Delanau (2), prouvent que nous ne devions pas être
sans crainte dans un voyage dont nous ne pouvions connoître Je terme, puisqu’il
dépendoit dû retour de la caravane ; et ce retour au Kaire étoit subordonné au
besoin que les Arabes pouvoient avoir d’y porter des marchandises, ainsi qu’à la
tranquillité intérieure. Nous suivîmes toutefois le même système d’abandon et de
confiance que nous avions montré au commencement du voyage.
Après avoir visité les sources de Moïse (3), nous continuâmes notre route en
laissant la mer Rouge à l’ouest : nous avions à l’est les montagnes appelées Tyt, au
pied desquelles habitent les Tyars. Nous campâmes à cinq milles des fontaines,’
dans un ravin aride nommé A'yn, sans eau, sans broussailles, sans aucune espèce de
végétation. Nous n’aurions pas pu faire de feu, si les Arabes, qui connoissent
les campemens, n’avoient pas eu le soin de faire en partant et en route des pro-
. visions de combustibles (4).
S I X I È M E JO U RN É E .
Le sixième jour, après huit heures et demie de marche, tantôt dans une plaine
aride, tantôt à travers des dunes de sable et des broussailles, on arrive à Abou-
Soueyrah, dans un lieu couvert de tamaris et de plantes qui annoncent un terrain
plus humide ; on y trouve, en effet, une grande quantité de puits à deux mètres et
demi [huit pieds environ ] de profondeur dans le sable, dont une partie s’est éboulée.
L’eau, quoique gypseuse (excepté dans un seul puits), est préférable à celle des fontaines
de Moïse : ce lieu est fréquenté par les Tcrrâbyn, qui sont en possession du
désertdepuis le Kaire jusqu’à la baie de Corondel [ Ouâdy-Corondel], sur les bords
de la mer Rouge. Nous en trouvâmes plusieurs quifaisoient paître leurs troupeaux.
S E P T I È M E JO U RN É E .
En partant d’Abou-Soueyrah, on passe dix heures dans une plaine rase, sur le bord
de la mer; ensuite, après avoir traversé plusieurs gorges étroites, on arrive dans la
baie de Corondel. Ce lieu est remarquable par ses eaux thermales, nommées bains
(1) Les Arabes ne devoient venir prendre les marchan- dispute pour le partage ; un Arabe lui tira un coup de fusil
dises que quelques jours après. Ceux qui les avoient appor- et le tua.
tees furent témoins du marché, et revinrent les piller-Ia (3) Ces sources sont décrites par M. Monge, È. M.
veille du jour où les Tyars devoient venir les prendre. tom. I ." , pag. 40g.
(2) L’adjudant-commandant Delanau, en allant (4) Souvent, pendant la marche, une partie des Arabes
d Alexandrie au Kaire, fut pris par les Arabes. 11 fut s’éloigne et court à plus d’un mille ramasser des broustacheté
pour un chapeau plein de piastres : il s’éleva une sailles pour le bivouac du soir, •
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