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On reconnoîtra peut-être des traces du soin que les anciens Egyptiens met-
toient au mesurage des eaux du N il, dans quelques types qui se rencontrent f
assez fréquemment parmi les signes de leur écriture hiéroglyphique, et que je ij
vais présenter ici (i).
Un de ces types représente une longue perche terminée par le haut en forme j
de T (2), ou traversée soit d’une seule barre “j" , soit de plusieurs ijji- : quelquefois I
ce signe semble être enfoncé dans l’intérieur de la tranche verticale d’une!
coupe plus profonde que large , ou plutôt d’une fleur de lotus, ; et nous I
savons que la fleur de cette plante (3), si abondante autrefois (4) et maintenant I
encore en Egypte dans les endroits inondés (y), a toujours été, dès la plus haute I
antiquité, consacrée spécialement au Nil par les Égyptiens : cette tradition s’estI
conservée même jusqu’à présent dans une des dénominations que lui donnent I
les habitans modernes du pays (6). La seule inspection des monumens hiérogly-1
phiqties et des médailles frappées en Égypte nous prouve que cette fleur y al
souvent été employée par les anciens comme l’emblème spécial et le signe caractéristique
de ce fleuve (7).
A l’égard de la coupe et du vase rempli d’eau, nous ne pouvons douter,!
d’après le témoignage des anciens, que les Égyptiens n’en aient fait l'emblème I
du Nil dans leurs cérémonies religieuses, et conséquemment, que ce symbole)
n’ait dû avoir le même sens dans leur écriture sacerdotale; on le trouve en effetI
Arab. y lâ t , tempus, tempestas, iauçpç : ¡*91 imminutïo.
Voyez Castell, col. 194 et *99-
On trouve aussi en hébreu et en chaldéen S)X, en
syriaque «â?» davantage, en plusgfapde mesure / en arabe,
par un sens opposé, mais tiré ..de la même signification
radicale, <_>f, petit nombre, petite mesure. Voyez, sur ces
mots, Castell, Houbigant, Golius, Masclef,BuxtorÇ &c.
En langue Arabe vulgaire,le mot j jL ouâjy signifie
plein , comble, en parlant d’une »mesure.
( 1 ) La collection générale des signes hiéroglyphiques
recueillis dans les monumens d’Egypte, dessinés et mis
en ordre par M. Joraard, fera partie du volume V des
planches d’antiquités. Ce tableau renfermera tous les
■hiéroglyphes .connus et authentiques.
(2) Voye^ l’Histoire du ciel par Pluche , tome I . " ,
planche X X IV ¡p a g e 4 2 g , figures H , H , et p lanch e I I I ,
p a ge $ 6 , figure 4 .
(3) “ N Y A I P H Æ A L o tu sL in n .— Lotos H e ro d o t.
3?lib. 1 1 , cap. 9 2 ; T h e o p h ra s t. Hist. plant. Iib. iv ,
» cap. 10, p. 437.— Arab. j i ÿ noufar,- (¿¿¿j ,
tibachenyn el-khanzyr Rosettae et Damiatæ.
» ----- - coerulea S a v i g n y . — Lotus cyaneus A t h e -
» NÆi, Iib. iiij^cap. 1 , pag. 72. — Arab.
33 bachenyn A ’raby. Radix dicitur .jLo byâroù. Rosettæ,
■»Damiatæ; et inaquis Birhet el-Rotly , juxta Kahiram. »
Voyez Flora* Ægyptiacæ ïllustratio, auctore A . R. De-
lile, H. N. tom. II, pag. 64.
Je ne puis me refuser à joindre ici une remarque qui
ne paraîtra peut-être pas à dédaigner, c’est que le nom
jjL o byârou donné à la racine du nymphæa, et qui a une
forme si évidemment étrangère à la langue Arabe, n’est H
réellement que le mot Egyptien TT&SZ*po p a - ia r o , qui, H
d’après sa forme adjective et sa dérivation, peut être rendu H
exactement par les mots Latins flu v ia lis , flumineu s [ ap-1
partenantau fleuve, ayant rapport au fleuve].
(4) EflteM' 7rÀji/»K jéniTiq 0 mia/Mç, ygi m mJta rnhaym, K
ÇviTzy c1 r a H a .71 x p ir ta ooMci, to A ijb y r u o i xa d h itot Aaim
Herodot. Histor. lib. I l, cap. 92.
AcàToç 7i y) tpikiut 7n\vç. Diod. Sic. Biblioth. histor. j’•
Iib. 1, cap. 34.
(5) « Deux espèces de Nymphæa épanouissent leurs H
» fleurs à la surface des eaux. Ces plantes croissent à H
33 l’époque de l’inondation ; elles se fanent lorsque les
33 eaux baissent. Leurs racines se conservent malgré h H
» grande sécheresse qui succède à l’inondation.
33 Les Nymphæa sont abondans près de Damiette et de
»Rosette: ils croissent en petite quantité plus au midi1
» dans le Fayoura, et dans le seul étang de Birhet el-Rotlj ¡■i§;'
33 jJJ»jJ| ¡L£=>jj près du Kaire. » Voye^ le Mémoire sur j.ÿ-
les plantes qui croissent spontanément en Egypte, par |
Alire Raffeneau Delile, membre de l’Institut d’Egypte, B
H . N. tom. I I , pag. 2.
(6) « Floresdicuntur in hacplanta, a’râysH
33 el-Nyl,idest, uxoresNili. » Delile,Flor. Ægypt. illustr. H
ibid. pag. 64.
(7) La statue colossale du Nil tient une corne d’abon- H-
dance d’où sortent des fruits de lotus ; sa tête est ceinte
de fruits et de feuilles de lotus. Voyez Museo Pio-Ch- ||
mentino, I , 30; et M. Millin, Galerie mythologique,
foni. I , pag. 7b.
• figuré H
figuré de différentes manières , parmi lesquelles je me contenterai de présenter ici
les deux suivantes et I S * . où l’on voit ces deux figures tranchées verticalement
pour en laisser apercevoir l’intérieur.
Il me paroît donc’ que les hiéroglyphes dont je viens de parler, ont dû indiquer
les divers progrès ét le mesurage de la crue des eaux du Nil : telle a été
du moins l’opinion de plusieurs antiquaires, qui même ont donné à ces figures le
nom de Mikias (i). Ce nom n’est autre chose que celui de Meqyâl, par lequel,
comme je l’ai déjà dit ci-dessus , les Arabes ont désigné et désignent »encore à
présent leurs Nilomètres.
Un second type qui se retrouve aussi très-souvent employé dans les bas-,
reliefs hiéroglyphiques, est une figure également en forme de T , surmontée d’un
anneau(2), qu’on voit représentée de trois manières : ces hiéroglyphes, ^ et ’
qui sont analogues aux précédens et qui n’en offrent peut-être qu’une variante,
ont reçu différentes significations de la part des antiquaires;, mais le plus',grand
nombre s’est accordé à leur donner le nom de clef du Nil. Ainsi cette dénomination
se rattacheroit encore à des idées Nilométriques.
Ce signe ensuite put devenir, par une analogie 'emblématique, ' le symbole
ordinaire du bonheur qu’on desiroit, ou de la délivrance du mal qu’on souffroit :
on en fit un amulette qu’on suspendoit au cou des malades, et un attribut
dont on décoroit les divinités bienfaisantes'(3). On le voit à la main d’une des
trois figures d’un beau fragment de bas-relief que j’ai acquis en Egypte que
l’Arabe qui pie l’a vendu, m’a certifié avoir apporté lui-même de la grande Oasis,
où ce morceau faisoit partie des belles ruines qui y existent encore, et qui, d’après
la description qu’il m’en a faite, paroîtroient être les .restes du célèbre temple de
Jupiter Ammon (4 ).
Quelquefois l’annéau qui termine supérieurement la clef du Nil, est conformé
d’une manière différente, et renferme deux autres petits hiéroglyphes, de cette
f :
: il est facile de reconnoître dans l’un deux le signé constamment
employé et généralement reconnu pour désigner l’eau et l’inondation.
D ’autres fois encore cette figure ■jl , où la clef du N il, est représen tée sur une
espèce de coupe ou de barque, auprès d’autres signes avec lesquels elle se trouve
groupée; tels sont les deux hiéroglyphes suivans, [ V j et ffi’Ç : dans le premier,
elle est placée à la droite et vis-à-vis d’une petite figure accroupie qui paroît être
celle d’Anubis; dans le second, au contraire, elle occupe la gauche du groupe,
et elle accompagne un bâton ou peut-être l’instrument de l’arpentage , soutenu
par deux supports formant infériCUrement une fourche renversée et qui est
(1) Voyez l’Histoire du ciel par Pluche, t. I.tr, p. 77.
(2) Voye% l’Histoire du ciel par Pluche, tom. I . " ,
pl. XXIV, fig. n.
(3) Voyeç l’Histoire du ciel par Pluche, tom. l . n ,
pl. n i , fig. p
Ê . M . T O M E II.
(4) Le dessin que j’ai donné de ce fragment intéressant
est gravé; et la planche où il se trouve, avec d’autres morceaux
d’antiquité que j’ai également rapportés d’Egypte,
fait partie, de la collection d'antiques placée à la fin du
vol. V des planches d'Antiquités.