
D E S C R I P T I O N H Y D R O G R A P H I Q U E
pense, et ils recommençaient leurs jeux, qui cependant n’interrompoient jamais
la gravité et ia régularité de notre marche.
A peine Je signal de halte fut-il donné pour le camp de la nuit, qu’en un clin-d’ccil
ma tente fut dressée. J’avois apporté deux petits matelas, l’un pour cheykh A ’Iy,
et l’autre pour moi : je ne pus jamais lui faire accepter le sien ; et ce ne fut qu’avec
■peine que je le fis consentir à coucher dans ma tente, où il se contenta d’une natte
étendue sur le sable. En quelques minutes le café fut préparé et servi, et l’on fit les
apprêts du souper. En attendant, je voulüs voir tous mes compagnons, qui vinrent
me baiser la main, et s’accroupir rangés autour de mon lit. L ’un d’eux, que cheykh
A ’iy désigna pour orateur, voulant me'donner une idée de la gloire et de la supériorité
de leur tribu, raconta une de ces histoires darts-lesquelles sont rapportés
les hauts faits des Sammâlou, qu’ils se transmettent ainsi pour entretenir le courage.
A tout instant, les auditeurs poussoient des yâ aliah qui tcmoignofent leur
admiration et encourageoient l’orateur. Quoique je comprisse peu de chose à
ce qu’il disoit, je n’étois pas en reste pour montrer ma satisfaction, et ils étoient
tous enchantés. Enfin l’on apporta les poules et le pilau, et l’on mangea avec
avidité. Après le repas, cheykh A ’Iy congédia tout son monde, et fit allumer des
feux autour de ma tente, pour écarter, disoit-ïl, les hyènes, qui sont errantes et
très-communes dans ces cantons. Chacun s’enveloppa dans son burnous et passa
la nuit auprès de son cheval.
Le 17 nivôse [ 7 janvier ], nous levâmes notre camp à six heures quarante
minutes du matin. La direction principale de notre route étoit par est-ouest;
mais nous déviâmes un instant sur la droite vers le haut de la montagne, laissant
le lac à environ une lieue sur notre gauche. La pente- s’élève très-doucement
et se perd dans une large vallée qui s’étend au nord, et que cheykh A ’iy me dit
être la route de Médine à Gyzeh et à Alexandrie par le Bahr-belâ-mâ , qui
passe auprès des lacs de Natroun. Cette opinion s’accorde avec celle du général
Andréossy ( 1 ) , et l’on verra les conséquences que j’en tire pour l’ancienne utilité
du lac. .
Les Arabes étoient attentifs et cherchoient à reconnoître dans le sable dont
cette plage est couverte, s’il avoit récemment passé d’autres' Arabes. Après
environ une heure de marche, ils reconnurent à travers les dunes la trace de
ceux de Da’fé, qu’on avoit chassés du Fayoum, vingt jours auparavant, ainsi que
je l’ai déjà dit.
Nous trouvâmes entre le lac et la montagne une immense quantité de bois sec
encore sur pied, qui réssembloit à un jeune taillis desséché : il paroît qu’on ne
tire aucun parti de ce bois, qui pourroit cependant être d’urte -grande utilité à
Médine.
’ Nous arrivâmes à dix heures moins un quart sur le bord du lac : je vis en cet
endroit deux énormes buttes isolées l’une de l’autre, et portant to mètres de hauteur;!
Une, circulaire, a 200 mètres de diamètre, et l’autre, à base quadrilatère,
500 mètres de longueur sur 80 mètres de largeur : celle-ci est la plus proche du lac;
(1) Voye^ Observations sur le lac de Moeris, insérées dans le Moniteur du 13 brumaire an 9.
DE B E N V - S O U E Y F E T DU FAYOUM, 21 3
elles sont toutes les deux couvertes de fortes pierres calcaires grossièrement taillées.
On y voit aussi quelques débris de briques ; mais on ne peut y distinguer ni Sculptures
, ni traces de monument, et les pierres sont à moitié enterrées dans le sable.
La situation de ces buttes l’une par rapport à l’autre est sur une ligne qui court
nord-est, sud-ouest, sur une longueur d’environ i ooo mètres. Ici la montagne est
éloignée de trois lieues au moins du lac; mais elle tend ensuite à s’en rapprocher.
Tout cet espace est parsemé de tas de petites pierres rouges, formées d’une espèce
de craie assez semblable à ce que nous appelons la sanguine. Les Arabes descendirent
tous de cheval, et en ramassèrent avec avidité; ils me dirent qu’on achetoit
ces pierres pour teindre les toiles et peindre le bois.
Je descendis au bord du lac, dont l’eau très-limpide me parut saumâtre, mais
non salée : nous y fîmes tous boire nos chevaux, et nous y prîmes un léger repas.
Les Arabes m assurèrent que le lac contenoit de très-beaux et très-bons poissons,
mais qu’il n’étoit point péché parades habitans du Fayoum; que.des pêcheurs du
Nil y venoient à cet effet depuis la fin de mars jusqu’à la crue du fleuve: Le lac est
aussi très-peuplé d’oiseaux aquatiques. Au point où nous nous trouvions, il mé
parut avoir une lieue de largeur.
Après avoir pas'sé les deux buttes', on s’aperçoit que le terrain s’élève presque
brusquement, quoique par une pente facile, et l’on arrive à un très-grand plateau,
dont la surface présente un rocher à nu qui va s’attacher à la montagne éloignée
alors de nous d’une petite lieue à droite, et se prolonge jusqu’au bord du
lac, à 1000 mètres à gauche. On voit, dans l’espace qui sépare les buttes du plateau,
des couches de terre végétale légèrement recouvertes de sable : on y voit aussi
quelques vestiges de salines.
Je trouvai sur ce plateau, où j’arrivai à midi dix minutes, les ruines d’une ville,
ou peut-être seulement d’un vaste palais, que les Arabes me dirent s’appeler Qasr-
7afchârah ou 'Medynet-Nemroud. On y voit encore des murs épais et très-élevés.
On y reconnoît différentes constructions dont l’antiquité est attestée par leur
disposition. J’aurois désiré pouvoir lever les plans détaillés de ces ruines; mais,
nayant ni,aides ni moyens, ni le temps nécessaire, je me contentai d’en faire un
croquis que j’ai rapporté sur ma carte. Les murs sont construits d’une espèce de
briques de 20 centimètres de longueur, 10 centimètres de largeur, et 7 centimètres,
d’épaisseur ; elles sont formées de craie blanche et de paille hachée avec
un peu d’argile, le tout pétri, et seulement séché au soleil. Ce mélange est très-
friable, et se réduit aisément en poussière entre les doigts.
Ces ruines s’étendent jusqu’au bord du lac sur une largeur de 200 mètres, et
sur une longueur de 600 mètres dans la direction nord-sud. On y trouve une
grande quantité de briques cuites, de poteries, de vases à momies, &c. Dans
I impossibilité où je me voyois de lever le plan de ce lieu, je manifestai aux Arabes
le désir d’y faire quelques fouilles ; ils se mirent tous à chercher, et l’un d’eux me
rapporta une lame droite à deux tranchans, avec une poignée de corne. Cette lame
avoit 90 centimètres de longueur sur y centimètres de largeur, et portoit au haut
sous la poignée un dessin arabesque, gravé et incrusté d’un filigrane en argent;
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