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et, par la suite, d’un titre peu élevé, et que ses subdivisions étoientfort petites;
en sorte qu’elles équivaloient à peu près aux monnoies d’argent usitées chez
d’autres"nations, comme nous le venons lorsqu’il s’agira du poids et du titre.
Il paraît certain que, bien avant l’établissement de l’islamisme en Egypte, on
y fabriquoit des dynâr; néanmoins plusieurs monnoies d’or étrangères y avoient
cours, ainsi que dans la plus grande partie de 1 Orient.
On y importoit des dynâr, ou monnoies d o r , qu avoient frappés les Grecs. Il
faut entendre, par les Grecs que désigne Maqryzy, l’empire Romain transféré à
Constantînople ( t), et que nous appelons le Bas-Empire. Les Egyptiens appellent
encore de nos jours les Grecs, Roumy (2), c’est-à-dire Romains. D ’après le té-
moirniaue de plusieurs auteurs Arabes, les monnoies d’or anciennes 0 0 r venant de Constantinople
s’appeloient hcracla (3), nom qui leur vient de l’empereur Héraclius (4).
Les monnoies d’or des différens peuples qui ont commercé avec l’Egypte, y
ont eu plus ou moins cours, selon que le commerce de ces peuples a été plus
ou moins actif, et sur-tout selon que leur monnoie a été d’un titre plus élevé.
Les relations qui pouvoient avoir lieu avec la métropole, ou résidence du
Gouvernement, aujourd’hui avec Constantînople, ont dû verser en Égypte quelques
monnoies de ces capitales.
Gènes et Venise ayant été long-temps en possession de faire un très-grand
commerce avec le Levant, les sequins de Gènes, et sur-tout ceux de Venise (5),
qui sont d’un or très-pur, ont circulé anciennement en Égypte, et y sont encore
très-recherchés. Avant l’arrivée des Français, ils se payoient fort cher; et les
Mamlouks qui furent dépouillés sur le champ de bataille par nos soldats, en
avoient tous sur eux une plus ou moins grande quantité.
Les monnoies d’or d’Ëurope s’appeloient en Égypte affranty (6 ), du mot
Franc, nom que les hahitaris du pays donnent généralement aux Européens.
Ce nom de Franc remonte à l’époque des croisades, parce que ce furent les
Français qui jouèrent le principal rôle dans ces guerres religieuses, et que leur
roi, S. Louis,'attaqua l’Égypte. Telle est l’ignorance des Égyptiens modernes en
géographie, que tous les Chrétiens d’Europe sont pour eux des Francs, et qu’ils
ne connoissent de la France que Marseille.
Celles des pièces d’or et même d’argent qui sont les plus anciennes, d’une
(1) L’ancienne Byzance, qui prit le nom de Constan-
tinople, ville de Constantin, de l’empereur de ce nom,
qui en fit la capitale|de l’empire d’Orient. Les Arabes l’appellent
encore Qostantynyeh [ ] ou Qostantyneh
[ - ■ L-.U..V ]. Elle est désignée sur leurs monnoies, tantôt
de cette dernière manière, tantôt par le nom S ls lâm b o u l
[J^jjovîîLJ], qui signifie ville de l’islamisme : la terminaison
bout ou p o u l est prise du grec p o lis [a»wc], ville.
Néanmoins le mot vulgaire est 1 s tâ n b o u ^ ^ j jd k z^ ] , d on t
nous avons fait Stamboul. On donne pour étymologie
de ce nom les trois mots Grecs eis tên polin [ t iç niv
Ce n’est que par une espèce de raffinement ou
de jeu de mot que, dans le style recherché, on en a fait
Is lâm b ou l, ville du salut, ou plénitude du salut; si, au
lieu défaire dériver la terminaison boul dépolis, on la
prend, ce qui est plus naturel, pour le mot boul[ Jjj],
qui,en turk, signifie plein, abondant.
(2) En arabe, i£j j .
(3) En arabe, Heraqlah j t>].
(4) Héraclius monta sur le trône l’an 610 de l’ère
Chrétienne (onze ans avant l’hégire), et mourut 1 an641
[l’an 21 de l’hégire]. Ce fut sur la fin de son règne que
l’Égyptelui fut enlevée par O’mar. V o y e z p a g .325,alin. 3
et-not. 6.
(5) Voyez pag. 328, not. 3 et 4.
(6) kjujitl Voyez page 358, not. 5. Francs se dit aujourd’hui
en Égypte Af-frangy 1 ], (qu’on prononce
Affrangt/y.
belle fabrication et du métal le plus pur, et qui ne sont pas assez abondantes pour
avoir cours de monnoie, sont recherchées pour servir de parure aux enfans et
aux femmes. Leurs ornemens de tête ne sont souvent autre chose que des pièces
de monnoie, plus ou moins anciennes, garnies d’un petit anneau qui sert à les
suspendre, ou simplement percées d’un ou deux trous (i) pour pouvoir être
attachées au turban (2). . , v ,, , ■ . ....
Toutes les femmes ont l’usage de séparer leurs cheveux en un grand nombre
de petites tresses, quelles alongent avec de la soie de même couleur, tressée de
la même manière que les cheveux. C ’est à ces-tresses, qui leur descendent jusqu’à
la ceinture, qu elles entrelacent des diamans , des perles, des ornemens en
or et quelquefois en argent, et sur-tout des pièces d’or plus ou moins anciennes
et d’un titre plus ou moins élevé ; en sorte que ces parures de femme
sont de véritables médailliers, et que c’est dans les harem (3) ou sérails (4) que les
antiquaires trouveroient les monnoies les plus curieuses.
Les premiers émyrs (5) chargés par les khalyfes du gouvernement de l’Égypte,
les khalyfes mêmes qui vinrent y fixer leur résidence, ou ceux qui parvinrent à
s’emparer du pouvoir, continuèrent à faire frapper aux mêmes poids et titre et
au même type les monnoies usitées dans le pays, et en altérèrent ensuite successivement
la valeur, ou firent au type divers changemens (6).
Lorsque ces changemens furent tellement marqués, qu’on pouvoit considérer la
monnoie comme nouvelle, ou d’une espèce différente, on la désignoit ordinairement
, pour la distinguer de celles qui avoient été fabriquées précédemment,
par le nom du prince ou de son lieutenant.
Ainsi 1 êmyr Abou-l-A'bbâs Ahmed ben- Touloun (7), nommé gouverneur de
J’Égyptc par le khalyfe el-Motaouaklel (8), s’étant rendu indépendant vers l’an 254
de l’hégire [ 868 de notre ère], et ayant pris même le titre de sultan, fit frapper
des dynâr qui, de son nom, furent appelés ahmedy.
Le qâydAbou-l-Hassan Ga'ouar (9], lieutenant à’el-Mo’ez le-dyn-Allah ( 10), fit
fabriquer en Égypte, vers l’an 358 [969 de notre ère], des dynâr, qui s’appelèrent
mo'ezzy, du nom du khalyfe el-Mo’ez.
Sous Nâser Farag [fils du sultan Barqouq ( 11 ), le premier des Mamlouks Circas-
siens (12)], qui monta de nouveau sur le trône en 808 [ i4 °J de notre ère], on altéra
le titre des dynâr, et l’on mit une grande négligence dans leur fabrication. Ces
0) Voyez Ie5 pièces gravées sous les n.°» 1 ,2 , 3 ,6 ,
7,10 et 12, planche jointe à ce Mémoire.
(2) Les femmes pauvres se contentent d’une espèce de
chapelet ou guirlande de médins attachés au bas du turban.
Le turban des femmes s’appelle en arabe tarbouch
tuyj>] , qui vient probablement du mot Arabe o/JJ», qui
yeut dire toupet, et du mot Persan çfiy, vêtement, c’est-
a-dire qui couvre le sommet de la tête.
(3) En arabe, harym c’est-à-dire, lieu défendu.
Racine, harama [p_>v], il a prohibé.
(4) Sérail, mot corrompu du turk serây [^ t_>»], palais.
(j) Emyr, en arabe , signifie prince, commandant.
(6) Voyez pag. 349 et suiv.
(7) Voyez pag. 3 J 5, alin. 3.
(8) El-Motaouabkel A ’l-Allah [ ¿»f J*. ] , c’està
dire, qui se fie sur Dieu. Voyez page 358, ligne 2, et
notes 1 et 2.
(9) Son nom entier est : Abou-l-Hassan Ga'ouar el-
Khatyb el-Saqaly [ J j û j f o J j JjS^ ]. Qâyd
[ ^ 1*3 signifie général. Voyez Pag* 366, alin. 3.
(10) C ’est le surnom que prit le khalyfe Abou-temym
M a ,ad[{y»j» _yl], Voyezp- 3 54> alin- 8 ; et 366, alin. 3.
^ II avoit commencé
à régner en 801 de l’hégire [ 1399 l’ère Chrétienne].
( 12) En arabe , el-Mamâlyk el-Gerâkasseh [ (¿LiUil
ou el-Gerkassyeh