un autre ouvrier et lui les frappent à grands coups de leurs marteaux plats; ¡1 a
soin de les redresser quelquefois, en les frappant plus légèrement sur la tranche.
Ce travail est très-pénible : tous les ouvriers, extrêmement robustes, sont
continuellement dans la plus violente action; de leurs corps nus et musculeux
ruisselle la sueur; et la vue de cet atelier (i) obscur et enfoncé, ressemblant à une
caverne enfumée et retentissant du bruit cadencé des marteaux et des cris des
forgerons qui travaillent à la lueur de leurs fourneaux, rappeloit parfaitement
l’idée de l’antre des Cyclopes.
Les feuilles de métal qui sortent du planage, sont fort défectueuses : elles sont
inégales en épaisseur et sur-tout aux extrémités, déchirées sur les bords, souvent
cassées et trouées ; ce qui est cause qu’au découpoir il y a une grande quantité de
retailles ou cisailles qui retournent à la fonte. Les flaons sortent tres-noirs et oxidés,
et il faut en enlever, pour les décaper ou les blanchir, une partie de la surface.
Il auroit fallu employer, pour préparer ces feuilles, des laminoirs construits
avec beaucoup de précision ; mais les ouvriers du pays étoient incapables de les j
exécuter.
Le déchet accordé, dans les ateliers du planage, n’étoit que de 0,0025, ou
d’un quart de millième.
§. V I I .
Atelier du Découpage.
L e s f e u i l l e s p e s é e s e t e x a m i n é e s p o u r s ’ a s s u r e r s i e l l e s o n t u n e é p a i s s e u r c o n v
e n a b l e , s o n t l i v r é e s a u c h e f d e l ’ a t e l i e r d u d é c o u p a g e ( 2 ) .
Les découp.oirs (3) sont composés d’une vis, à l’extrémité inférieure de laquelle
est adapté l’emporte-pièce ou piston, qui est une portion de cône dont la base
est acérée et tranchante. Ce piston entre dans une pièce qu’on appelle lunette,
percée d’un trou circulaire et d’un diamètre presque égal, dont le rebord est aussi
acéré et tranchant.
A l ’ a u t r e e x t r é m i t é d e l a v i s e s t a d a p t é l e b a l a n c i e r o u l e v i e r à u n s e u l bras,
q u i , ; s e r t à f a i r e m o u v o i r l a v i s e t l e p i s t o n .
L ’ o u v r i e r a p p l i q u e d e l a m a i n g a u c h e l a f e u i l l e d e m é t a l s u r l a l u n e t t e , et de |
l a m a i n d r o i t e , e n d o n n a n t u n d e m i - t o u r d e l e v i e r , f a i t d e s c e n d r e l e piston,
q u i e n l è v e l a p i è c e , o u m o r c e a u d e m é t a l , q u o n a p p e l l e f l a o n d a n s l e style de
n o s m o n n o i e s , e t q u i t o m b e , à t r a v e r s l a t a b l e p e r c é e a c e t e f f e t , d a n s u n panier
o u c o u f f e , d i s p o s é p o u r l e r e c e v o i r .
Ce mouvement se fait avec une grande rapidité; le travail est très-facile, et
ce sont des jeunes gens qui le font : un seul ouvrier peut découper au-delà de
vingt mille médins par jour.
Les défauts de ces découpoirs consistent en ce que la vis est conique, au lieu
(1) L’atelier contient deux forges, ou fours, à six en- du mot Turk ÿ / y ip ou ^»1 , qui signifie coup«
dûmes chacune. petits morceaux.
(2) En Egypte, découpeur se dit doughremeh (3) Voyr^ pag. 345, din- 2.
d’être parfaitement^ cylindrique, ce qui lui donne du jeu et fait varier J’emporte-
pièce;en ce que 1 emporte-pièce, au lieu d’être dirigé entre des règles et de
n’avoir dautre mouvement que celui d’ascension et de descension, est adapté
à la vis, et tourne avec elle, ce qui contribue encore à lui donner du jeu:
enfin le diamètre du collet ou de la lunette est trop grand par rapport à celui de
l’emporte-pièce, d’où il résulte que la pièce de métal a souvent des bavures, et
que, comme elle est très-mince, elle est fort concave du côté de l’emporte*
pièce, et convexe du côté de la lunette.
L ouvrier taille deux rangs de pièces dans la feuille, en commençant par un
bord et reprenant par 1 autre; il évite de couper les endroits qui sont trop minces
ou trop épais, ou déchirés. Les découpures qui restent sont plus des deux tiers
de la feuille et retournent à la fonte.
On frotte dans du son les pièces découpées, pour en enlever l’huile qui provient
des découpoirs, et l’on trie celles qui sont trop imparfaites.
Les pièces ainsi nettoyées, triées et pesées, sont remises au décapéur.
§. V I I I .
Atelier du Décapage ou Blanchiment ( i).
On fait d’abord bouillir les pièces ou flaons dans une chaudière de cuivre,
qui contient du tartre, de l’alun et du sel marin (2), en ayant soin de remuer
et agiter souvent. Cette première opération dissout 1 huile, et enlève les matières
grasses ou charbonneuses, ainsi qu une partie de 1 oxide qui se trouve à
la surface. La pièce prend alors une couleur rougeâtre et semblable à celle
du billon.
Cette première opération ne suffisoit pas pour décaper les médins. On les
jetoit dans une espèce d’auge pratiquée dans une forte pièce de bois ou tronc
écarri de sycomore. On y ajoutoit de l’alun, du sel marin, du tartre, et même
du sable ; et deux forts ouvriers, assis sur chaque extrémité de la pièce de bois,
en remuant, brassant et frottant les pièces, parvenoient à leur donner une apparence
métallique semblable à celle de notre billon neuf.
Nous avons dit qu’il résultoit de l’imperfection des découpoirs qu’une des
surfaces des médins étoit convexe; c’est celle qui, éprouvant beaucoup plus de
frottement, se blanchissoit beaucoup mieux que l’autre.
On lavoit ensuite, à plusieurs eaux, les petites pièces de métal; on les séchoit,
et on les essuyoit, en les frottant dans du son, sur un crible; enfin on trioit les
pièces brisées ou qui n’étoient pas suffisamment décapées.
Il est facile de présumer combien le déchet doit être considérable dans cette
opération; et, quoique la partie oxidée qu’enlèvent les dissolvans soit presque
entièrement cuivreuse , cependant le frottement seul doit enlever aussi une
(1) Celui qui décape ou blanchit s'appelle en arabe
£fl//<?[ i L ]; au pluriel } gallâyn [ ].
(2) Voye^ ces mots page 4 1 1.