Bientôt après, afin d’éviter les embarras du partage et les discussions qu’il
entraînoit, ils firent un nouvel arrangement par lequel Mourâd se réserva, pour les
faire régir à son grc et pour jouir exclusivement de leurs produits, la douane du
Kaire, composée des deux bureaux du vieux Kaire et de Boulaq, et les douanes
de Damiette, de Rosette et d’Alexandrie : Ibrâhym ne conserva que celle du
port de Suez.
L e premier de ces beys avoit affermé les diverses douanes qui lui étoient
échues en partage; le second faisoit régir la sienne à son propre compte.
Le fermier ou douanier général de Mourâd-bey choisissoit et avoit sous ses ordres
lès douaniers principaux de Boulaq, de Damiette, de Rosette et d’Alexandrie;
chacun de ceux-ci occupoit un nombre d’employés proportionné à la quantité des
marchandises qui arrivoient dans chacune de ces places, et qu’il falloit y visiter.
Ainsi, outre le douanier principal, il y avoit à Boulaq six écrivains et environ
quarante commis ou autres préposés, à gages, dont les fonctions consistoient à
reconnoitre les divers objets assujettis aux droits d’entrée et de sortie, et à
veiller à la perception de ces droits.
Il y avoit à Damiette et à l’embouchure du Nil huit écriyains et cinquante
employés subalternes ; trois écrivains et vingt employés à Rosette ; enfin douze
écrivains à Alexandrie, et soixante préposés.
Le personnel de l’administration des quatre principales douanes possédées par
Mourad-bey se composoit donc de quatre douaniers principaux, de vingt-neuf
écrivains, et de cent soixante-dix préposés; ils étoient tous aux gages du fermier
général, et voici quels étoient leurs traitemens:
L e douanier principal de Boulaq recevoit annuellement 2,4oop't*'1'
Celui de Damiette....................................... ......................................... 4>000
Celui de Rosette. . . . ................... (............... .. i ,000
Celui d’Alexandrie.......................................................................... .. 4>°°o
Les écrivains étoient payés de 60 à 300 parats par jour; ce qui
mettoit leur solde moyenne annuelle à 730 pataquès, et portoit
cet article de dépense, pour les écrivains, à ........................................ 21,170
Les employés et commis subalternes recevoient généralement
4y parats par jour, ou 182 pataquès m par année : les cent soixante-
dix préposés coûtoient à ce prix............................................. 31,02«
Les frais d’administration et appointemens s’élevoient, par conséquent,
à .................................................................................. ........................ 63.59;
Quant au prix de la ferme que le douanier général payoit à Mourâd
bey, il étoit de 21,000 pataquès par mois, et par année d e. . . 252,000
T o t a l ............... 3 15>595’““1‘
Ni les douaniers principaux, ni aucun préposé sous leurs ordres, n’avoient de
remises sur les produits qu’ils recouvroient ; mais il n’étoit pas rare qu’ils reçussent
quelque présent de la part des marchands avec lesquels ils avoient à traiter : outre
les non-valeurs qui résultoient toujours, pour le fermier, des arrangemens
particuliers
particuliers faits entre les débiteurs de la douane et les douaniers principaux, le
fermier général faisoit encore de temps en temps à Mourâd-bey et à ses favoris
des présens plus ou moins considérables.
Ce fermier devoit profiter, suivant son marché, de tous les bénéfices qui en
résultoient : cependant, quand ces bénéfices étoient présumés extraordinaires, il
essuyoit presque toujours une avanie qui les lui enlevoit ; voilà comment Mourâd-
bey ruina successivement plusieurs de ses grands douaniers. L’un d’entre eux, de qui
je tiens ces détails, évaluoit à 4o,ooo pataquès par mois, ou à 480,000 pataquès par
an, le produit des douanes de Boulaq, de Damiette, de Rosette et d’Alexandrie.
Nous avons vu que les frais de perception montoient environ au huitième de
cette somme : en évaluant sur le même pied du huitième les gratifications et les
présens que le douanier étoit obligé de faire aux Mamlouks et autres agens du
pouvoir, on aura pour les dépenses à sa charge, environ.................. i24,ooop,Bî'
Prix de sa ferme.................................................................................... . 252,000
T otal...................................|.............’. . . . . 376,000
Produit de la perception........................................................................ 480,000
Bénéfice du fermier............................................................................... 1 o4,ooop,B'1'
Cette somme de 1 o4,ooo pataquès de 90 médins, équivalente à 3 34,000 francs,
étoit bien plus considérable qu’il ne falloit pour tenter la cupidité des beys, et provoquer
les avanies que les fermiers généraux des douanes ont fréquemment subies.
Tous les droits perçus sur les diverses marchandises importées en Egypte
étoient réglés par des tarifs qui avoient éprouvé peu de variation depuis leur
établissement; le café seul, qui arrivoit à Suez, avoit été grevé de droits qui
s’étoient élevés successivement jusqu’à vingt-deux pataquès par fairde. D ’après un
renseignement que m’a donné le douanier de ce port, cette importation s’éleva,
sous Isma’yl-bey, jusqu’à vingt-six mille fardes.
Les droits perçus à Suez montoient, année commune, d’après les états qu’en
a donnés M. Estève, à 409,365 pataquès (1), c’est-à-dire qu’ils étoient presque
équivalens aux produits des quatre douanes du Kaire, de Damiette, de Rosette et
d’Alexandrie, tandis que les frais de perception étoient beaucoup moindres : ceci
explique pourquoi Ibrâhym-bey, qui partageoit le pouvoir avec Mourâd, s’étoit
contenté du revenu de la seule douane de Suez, laissant à celui-ci le revenu des
quatre autres.
On peut évaluer, d’après ces divers renseignemens, les produits de toutes les
douanes de l’Egypte, savoir:
Celles du Kaire, de Damiette, de Rosette et d’Alexandrie, à . . 48o,oooF"B,‘
Celle de Suez, à .................................................... ............................. 409.365
Celle de Qoceyr, à ............................................................................. 110,635
1 ,ooo,ooop,“HC
’est-à-dire, à environ 3 millions de francs, en dedans desquels devoient être pris
les frais d’administration et le bénéfice des fermiers.
(1) 36,842,876 médins ( Mémoire sur les finances de l’Egypte,,E , Ai, tain. pag.js<f )•
É . M . T O M E IL 1 1 1