
domeftiques, & les domeftiques attachés à Ton fer-
vice lui font fubordonnés ; i l leur fait porter fa l i v
r é e , le Public la reconnoît & décide au coup d’oeil
que tel homme appartient à te l maître. Les cas
que prennent les noms déterminatifs font de même
une forte de livrée ; c’ eft par là que l ’on juge que
ces noms font , pour ainfi dire, attachés au forvice
des mots qu’ifs déterminent par l ’exprefïîon de l ’objet
, de la caufe , de l ’effe t, de la forme , de la matière
, &c. Ils font à leur égard ce que les domeftiques
font à l’ égard du maître : on dit des uns, dans
l e fens propre , qu’ ils font gouvernés y on-le dit des
autres dans le fens figuré.
I l foroi: à délirer, dans le ftyle didaérique furtout,
don: le principal mérite confifte dans la netteté &
la précilion, qu’on pût fe paffer de ces expreffions
figurées, toujours- un peu énigmatiques. Mais i l eft
très-difficile de n’empioyer que des termes propres ;
& i l faut avouer d’ailleurs que les termes figurés
deviennent propres en quelque forte, quand ils font
conlacrés par l’ufage & définis avec foin. O n pouvoit
cependant éviter l ’emploi abufif du mot dont i l eft
ic i queftion, ainfi que des mots Rég ir 8c Régime ,
deftinés au même ufagc. I l étoit plus fimple de
donner le nom de complément a c e que l ’on appelle
régime , parce qu’i l fort en effet à rendre complet
le fens qu’on fo propofo d’exprimer; & alors on
auroic dit tout fimple ment : L e complément de telles
prépofitions doit être à t e l cas y L e complément
objectif du verbe a c t i f doit être à V' a c c u fa tif , &c.
V o y e i C omplément & Régime. (M M . B e a u -
z é e 8c D o u c h e t . )
G R A C E , f. f. Grammaire , Littérature, & M y thologie.
L a Grâce du ftyle confîfte dans l’aifance, la
foupleffe, la variété de fes mouvements, & dans le
paüagé naturel & facile de l ’un à l ’autre. Voulez-
vous en avoir une idée fenfible? appliquez à la Poéfie
ce que M. Watelet dit de la Peinture. « Les mou-
» vemenrs de lam e ces enfants font fimples , leurs
» membres dociles & forples. I l réfùlte de ces qua-
» lires une unité d’action & une franchifo qui p laît....*
3» L a (implicite & la franchifo des mouvements
» de l ’ame contribuent tellement à produire les
» Grâces , que les paffions indécifos ou trop eom-r
» pliquées les font rarement naître. L a naïveté,
» la curiofi é ingénue , le défir de p la ire , la joie
» fpocitanée, le regrèt, les plaintes , & les larmes
» mêmes qu’occafionne un objet chéri, font fufoep-
•» tibles de Grâces , parce que tous ces mouvements
» font fimples ». Mettez le langage à la place de
la perfonne ; croyez entendre au lieu de v o ir , &
cet ingénieux auteur aura défini les Grâces du
ftyle.
L a Grâce fait le charme des élégies amoureufos
d’O v id e , & des chanfons d’Anacréon. E lle a été
donnée à la langue italienne , à caufe de fa fou-
plefle & de fon élégante facilité. Mais on n’en voit
dans aucun poète autant d’exemples que dans Mé- I
f&ftafo y ni dans celui-ci aucun exemple plus parfait I
que la Cantate de Y E x c u f e , le vrai modèle des
Poéfies galantes. ( M . M a r m o r t e l . )
G râ c e , dans les perfonnes, dans les ouvrages,
fignifîe , non feulement ce qui p la î t , mais ce qui
p la ît avec attrait. C ’eft pourquoiles anciens avoienc
imagine que la deeffe de la Beauté ne devoit jamais
paroitre fans les Grâces. L a Beauté ne déplaît ja -
- *}îa*s 5 mais elle peut être dépourvue de ce charme
focret^qui invite a la regarder, qui attire ', qui remplit
l ’ame d’un fontiment doux. Les Grâces dans
la figure , dans le maintien, dans l ’adion , dans
les difcours , dépendent de ce mérite qui attire. Une
belle perfonne n’aura point de Grâces dans le vi-,.
fa g e , iï la bouche eft fermée fans fourire, fi les
yeux font fans douceur. L e férieux n’ eft jamais gracieu
x y i l n attire point ; i l approche trop du févère,
qui rebute.
Un homme bien fait , dont le maintien eft mal
âfïure ou g én é , la démarche précipitée ou pelante ,
les geftes lourds, n’a point de Grâce, parce qu’i l n’ a
rien de doux, de liant dans fon extérieur.
L a voix d’un orateur qui manquera d’inflexions ÔC
de douceur, fora fans Grâce.
I l en eft de même dans tous les Arts. L a proportion
, la beauté , peuvent n’être pointgracieufes.
On ne peut dire que les pyramides d’Égyp te ayenc
des Grâces. On ne pouvoit le dire du coloffe de
Rhodes, comme de la Vénus de Gnïde. Tout ce
qui eft uniquement dans le genre fore & vigoureux,
a un mérite qui n’eft pas celui des Grâces. C e
foroit mal connoître Michel-Ange & l e Caravage,
que de leur attribuer les Grâces de lAAlbané. L è :
fixièmë livré de l ’Énéide eft fublime : le quatrième
a plus de Grâce. Quelques odes galantes d’Horace
refpirent les Grâces , comme quelques-unes de les
épirrès enfeignent laraifon. .
I l fomble qu’en général le p e t it , le jo li en tout
genre, foit plus fufceptible de Grâces que le grand.
On loueroit mal une oraifon funèbre., une tragédie
, unformon, fi on leur donnoit l ’épithète de gracieu
x.
Ce n’eft pas qu’i l y ait un foui genre d’ouvrage
qui puiffe être bon en étant oppoié aux Grâces ;
car leur oppofé eft la rudeffe , le fauvage, la sè-
chereffe. L ’Hercule Farnèfe ne devoit point avoir
les Grâces de l ’Apollon du Belvédère & de FAnri-
noiis , mais i l n’eft ni foc , ni rude , ni agrefte.
L ’incendie de T ro y e , dans V irg ile , n’eft point décrit
avec les Grâces, d’une élégie de Tibu lie ; i l
plaît par des beautés fortes. Un ouvrage peut donc
être fans Grâces , fans que cet ouvrage ait le moindre
défagrément. L e terrible, l ’horrible, la defi-
cription , la peinture d’un monftre, exigent qu’on
s’éloigne de tout ce qui eft gracieux L mais non
pas qu’on affe&e uniquement l ’oppofé : , car fi un
artifte, en quelque genre que ce fo i t , n’exprime
que des chofos affreufes , s’i l ne les adoucit pas par des
contraftes agréables, i l rebutera.
L a Grâce y en Peinture, en Sculpture , confifte
dans la molleffe des contours y dans une expreffion
douce j & la Peinture a , par deflus la Sculpture, la
Grâce de l ’unioivdes parties , celle des figures , qui
s’animent Eaïre -par l ’autre & qui fo prêtent des agréments
par leurs attitudes & par leurs-regards. V oy e \
Varticle G racieux. '
Les Grâces de la diélion , foit en Éloquence foit
en Poéfie, dépendent du .choix des mots , de l ’harmonie
des phrafos , & encore plus de la délicateue
des idées & des deferiptions riantes. L ’abus des
Grâces eft l’ afféterie, comme l ’abus du fublime
eft l ’ampoulé ; toute perfection eft près d un defaut.
A v o ir de la Grâce, s entend de la chofo &-de la
perfonne. Cet ajufterhent, cet ouvrage , cette fem me
, a de la Grâce. L a bonne Grâce appartient à
la perfonne feulement. E lle f e préjènte de bonne
Grâce. I l a f a i t de bonne Grâce ce qu’on attendait
de lui. A v o ir dès Grâces, dépend de l ’aérion.
Cette femme a des Grâçes dans fo n maintien, dans
ce qu’elle d i t , dans ce qu’ elle fa it.
Obtenir f a grâce , c’eft par métaphore obtenir
fon pardon; comme fa ir e grâce eft. pardonner. On
fait grâce d’une ch ofe, en s’emparant durefte. L e s
commis lui prirent tous f e s effets f & lu i fir en t
grâce de f o n argent. Faire des grâces, répandre
des grâces , eft le p lu s 'b e l apanage de la fouve-
raineté ; e’éft fa ir e du bien : c’eft plus que juftice.
A v o ir les bonnes grâces de q u e lq u u n , ne fo dit
que par rapbrt à un Tupérieuf^ A voir les bonnes
grâces d ic te dame,~ c’eli être fon amant favorifé.
Ê tr e en grâce, fo dit d’un Courtifan qui a été en
difgrâce y on ne doit pas faire dépendre fon bonheur
de l ’un , ni fon malheur de l ’autre. On app
e lle bonnes g râ c e s , ces demi-rideaux d’un lit qui
font aux côtés du chevet. Les Grâces, en latin Charités
, terme qui fignifîe aimables.
Les Grâces, divinités de l ’antiquité , font une.
des plus belles allégories de la Mythologie des
grecs. Comme cette Mythologie varia toujours,
tantôt' par l ’imagination des poètes, qui en furent
les théologiens, tantôt par les ufages des peuples ;
le nombre , les no ms, 'les attributs des Grâces changèrent
fouvent. Mais enfin on s’accorda à les fixer
au nombre de trois, & à les nommer A g la é , T h a lle ,
E u phrojin e , c’eft à dire , b r illa n t, fleu r , gaieté.
E lle s étoient toujours auprès de Vénus; nul voile
ne devoit couvrir leurs charmes.; elles préfîdoient
aux bienfaits, à la concorde , aux réjouïflances, aux
amours , à l ’Éloquence même ; elles étoient l ’emblème
fenfible de tout ce qui peut rendre la vie
agréable. On les peignoit danfa-ntes, & fe tenant
par la main ; on n’entroit- dans leurs temples que
couronné de fleurs. Ceux qui ont infulté à la Mythologie
fabuleufe $ dévoient au moins avouer le
mérite de ces fictions / riantes, qui annoncent des
vérités dont rcfulteroit la félicité du genre humain.
( V o l t a ir e . )
(N.) G R A C E S , A G R ÉM E N T . Synonymes.
Les Grâces naiflent d’ une politeffe n aturelle,
accompagnée d’une noble liberté; c’eft un vernis
qu’on répand dans le - difcours , dans les aérions ,
dans le maintien , & qui fait qu’on plaît jufques dans
les moindres chofos. Les Agréments viennent d’un
afTemjblage de traits fins que l'humeur 8c l ’efprit animent
; ils l ’emportent fouvent fur ce qui eftplus régulièrement
beau.
I l fomble que le corps foit plus fufceptible de
Grâces ; 8c l ’efprit , d’Agréments. L ’on dit d’une
perfonne, qu’elle marche , danfo, chante avec Grâce;
8c que fa converfation eft pleine d’Agréments.
Que peut défirer un homme dans une dame , que
de trouver, au delà d’un extérieur formé de Grâces ■
8c d’A g r ém en ts , un intérieur compofé de ce qu’ i l
y a de plus folide dans Tefprit 8c de plus délicat dans
les fontimènes? En e.ft-il de ce caraélère ? ( L ’ abbé
G ir a r d .)
G R A C IE U X , adj. Grammaire. C ’eft un fermé
qui manquoic à notre langue, & qu’on doit à Me-*
.nage. Bouhoürs , en avouant que Ménage en eft
l ’auteur, prétend qu’i l en a fait aulîi l ’emploi l e
plus , jufte , -en difant : P o u r moi de qui les vers
'ir o n t rien de gracieux. L e mot de Ménage n’en a
pas moins réuffi. I l veut dire plus qu’Agréable ; i l
indique T envie de plaire : des maniérés gracieufes ,
un air gracieux. B o ile au , dans fo n Ode fu r N a -
mur, fomble l ’avoir employé d’une façon impropre „
pour lignifier moins f i e r a b a i f f é , modefie :
Et déformais gracieux ,
Allez à Liège , à Bruxelles,
Porter les humbles nouvelles
De Namur pris à vos yeux.
L a plupart des peuples du Nord difonf, Notre
gracieux fouverain ; apparemment qu’ils entendent
bienfaifant. D e Gracieux on a fait D ifg r a c ie u x ,
comme de Grâce on a formé D i f grâce ; des paroles
difgracieu fe s, mie aventure difgracieufe. O n dit
d ifg ra c ié , & on ne dit pas gracié. O n commence
à fo forvir du mot Gracieufer, qui fignifîe recevoir,
parler obligeamment ; mais ce mot n’eft pas encore
employé par les bons écrivains dans le ftyle noble.
( V o l t a i r e . )
L e fens de ce mot n’ eft pas tou jours abfolument analogue
à celui de Grâce. O n dit bien : Un pinceau
g ra c ieu x , un f ty le g ra cieux , un tour gracieux dans
l ’expreffion; & cela fignifîe un pinceau , un ftyle, ua
tour qui a de la grâce. Mais on dit auffi : U n fu j et gracieu
x , & des images gracieufes y & alors Gracieu
x fignifîe ce qui porte à l ’e fp r it , à l ’ imagination
, à l ’am e , des idées, des peintures, des fenti-
ments doux 8c agréables. L e Gracieux fo compofo
' de l ’é lég an t, du r ia r t , & du noble. Un tableau de
l ’Albane , du Cortège , de Claude Lorrain , eft gracieu
x : un tableau de Téniers, de Rembrandt, de
M ich e l-A n g e , ne l ’eft pas. Une fcèhe du P a fio r -
F id o ou de Y A min te , eft gracieufe y une foène de
A a 2,