
connue panée à l ’égard de l ’aCtion d’entrer qui eft
fu tu r e . Coenavero a donc les m êm e s caractères
d’énonciation que coenabo, coenabam, & coena-
verarn , 8c par conféquent il appartient au même
mode. Les ufages de toutes les langues dépofent
unanimement cette vérité. Confuitonsla nôtre : nous
«liions invariablement , Je ne f u i s fi j e dormais ,
f i j ’ ai dormi, f i j ’ avois d ormi, f i j e dormirai ;
8c tous ces temps du verbe dormir Font à l’indicatif :
J ’aurai dormi eft donc au même mode ; car nous
difons de même , Je ne fa i s fi j ’aurai d o rm ifu f-
fifamment lorfque \ & c : mais j ’ aurai dormi e f t ,
de l ’aveu de tous les méthodiftes, la traduction de
dormivero ; dormivero eft donc aufli à l ’indicatif. Eli 1 à quel autre mode appartiendroit-il, puif-
qu’il eft prouvé d’ailleurs qu’i l n’eft pas du fubjonCtif?
3°. Ce temps eft de la claffe des prétérits, plus
tôt que de celle des Futurs. Quelle eft en effet l ’intention
de celui qui dit , J ’aurai fo jip é quand
vous entrerez, Coenavero quum in trahis .? C ’eft de
fixer le rapport du temps de fo n fouper au .temps
de l ’entrée de celui à qui il parle , c’eft de pré-
fenter fon aCtion de fouper comme paffée à l’égard
de l ’ a c t io n d’entrer qui eft fu tu r e ; & par conféquent
l’inflexion qui l ’indique eft de la clafle des
prétérits, C’eft par une raifon analogue que coenabam
, je foupois , eft de la clafle des préfents ;
& aujourdhui tous _nos meilleurs grammairiens l ’ a p p
e l l e n t préfent r e la tif, parce qu’il exprime principalement
la çp-exiftence des deux aétions'comparées.
S’il renferme un rapport au temps paffe.,
ce rapport n’eft qu’une idée fecondaire, & feulement
relative à la circonftance du temps à laquelle
on fixe l ’autre évènement qui fert de terme à la
comparaifon. C’eft la même chofe dans coenavero ;
ce n eft pas l ’ a c t io n de fouper comme avenir que
l ’on a principalement en vue , mais l’antériorité du
fouper à l ’égard de l ’entrée cette antériorité eft
donc en quelque forte l ’idée principale ; & le rapport
à l ’avenir , une idée accefloire qui lui eft fubor-
qonnée. L ’analyfe des phrafes fuivantes achèvera
d’établir cette vérité.
Coenabam quum in tra fii; c ’ e f t à dire, quum
in tra fti, potui dicere ed^o , préfent abfolu.
Coenaveram quum intrafii ; c’eft à dire, quum
in tra fii y p o tu i dicere c u n a v i , prétérit abfolu.
. Coenabo quum intrabis ; c’eft à dire, quum intra-
b i s , potero dicere c c en o , préfent a b fo lu . "
Coenavero quum intrabis ; c’eft a dire , quum
in tr a b is , potero dicere coen.a v i , prétérit abfolu.
I l paroît inutile de dèveloper la conféquence de
cette ana ly fe, e lle eft frapante : mais i l eft remarquable
que ce temps que nous plaçons ic i parmi
l e s prétérits., en conferve la cataétériftique en latin ;
la u d a v i, laudavero ; d ix i , dixero: qu’i l en fuit
l ’analogie en françois , i l eft compofé d’un auxiliaire
comme les autres prétérits; on dit J’aurai-
fo u p é , comice on dit J ’ a i fo u p é , j ’ avoisfcupe'.y
j aurots fo u p é : 8c qu’enfin fon corrëfpondant au
fiibjonCtit eft dans notre langue le prétérit abfolu
de ce mode ; on dit. également & dans le même
fens, Je ne f a i s f i j ’ aurai fo u p é quand vous entrerez
g* j e ne çrois p a s q u e j’aye fo u p é quand vous
entrerez
L erreur que nous combattons ici n’eft pas nouv
e lle ; e lle prend fa four ce dans les ouvrages des
anciens grammairiens. S c a lig e r , après avoir observe
que les grecs divifoient le -F u tu r & qu’ils
avoienc un Futu r prochain, dit, N o s non divifi-
mus 8c ajoute enfuite, N if i putemus in modo
fub junc ïivo exfiare v efiig ia & vim hu jus f ig n i-
f ica tû s , ut fecero , lib. v , cap. 113 , D e caufis
Ung. lat. Prifcien, lon g temps auparavant, s’étoic
encore expliqué plus pofîtivement, lib. v i n . de
cognât, temp. Après avoir fait l ’énumération des
temps qui ont quelque affinité avec le prétérit , i l
ajoute, Sed tamen in fub junc ïivo Futurum quo-
que p roetenti perfeéli fe rvat co n fin a n te s , ut
dixi ,' dixero. Nous avons fait ufage plus haut
de. cette remarque même, pour rappeler ce temps
a la clafle dès prétérits ; & i l eft affez furprenant
que P rifcien, avec du jugement, l ’ait faite fans con-
feqüence.
Nos premiers méthodiftes , qui vivoient dans un
temps où l ’on ne voyoit que pa rle s yeux d’autrui,
& où l ’autorité des anciens tenoit lieu de raifons,
frapés de ces paffages , n’ont'pas mêmè foupçonné
que Scaliger & Prifcien fe biffent trompés.
L a plupart de nos grammairiens françois, qui n’ont
eu que le mérite d appliquer, comme ils ont pu la
grammaire latine à notre langue , ont copié p res que
tous ces défauts. Robert Eftienne à la vérité
a rapporté à l ’indicatif le prétendu F u tu r du fub-
jonctif; mais i l n’a pas ofé en dépouiller entièrement
ce lu i-c i, i l l ’y répète en mêmes termes. I l
l ’a appelé Futiir-parfait , parce qu’i l y déméloit
les deux idées de paffe & d’avenir; mais s’i l avoir
fait attention à la manière dont ces idées; y font pré-
fentées , i l i ’auroit nommé au contraire Prétérit-
Futur. V oy e \ P r é t é r it .
C ’eft un vice contre lequel on ne fauroit être
trop en garde , que d’appliquer la Grammaire d’une
langue à toute autre indiftin&ement ^chaque langue
a la fienne, analogue à fon génie particulier. I l
eft vrai toutefois qu’iin grammairien philofophe
démêlera ce qui appartient à chaque langue , en
fuivant toujours une même route ; i l n’eft queftion
que de bien faifir les points de vue généraux ; par
exemple , a l ’égard du F u tu r , i l ne faut que déterminer
les combinaifons poffibles de cette idée
avec les autres circonftances du.temps, & apprendre
de l ’ufage de chaque langue ce qu’i l a autorifé
ou n o n , pour exprimer ces combinaifons. C ’ eft par
là que l ’on fixera le nombre des Futurs en grec ,
en hébreu, en a llemand, &c ; & c’eft par là que nous
allons le fixer dans notre langue.
Nous , avons en françois un F u tu r abfolu , que
nous rendons par une fimple inflexion, comme j e
partirai.
partirai. Nous avons de plus deux Futurs relatifs,
qui marquent l ’avenir,. avec, un rapport fpécial au
préfent ; 8c voilà en quoi conviennent ces deux F u turs
: ce qui les différencie, ' c’eft que l ’un emporte
une idée d’indétermination 8c n’exprime qu un
avenir v a g u e , & que. l ’autre préfente une idée de .
proximité & détermine uu avenir prochain , ce qui
correfpond au '■ paiilo-pofi-Futipr. ‘des .•grées”'';* nous
appelons le premier F u tu r in d é fin i, 8c le fécond
F u tu r prochain. L ’un & l ’autre eft compofé du
préfent de l ’infinitif du verbe - princ ipal, & d’une
inflexion du • verbe devoir pour le F u tu r indéfini ,
ou du verbe aller pour le F u tu r prochain : le choix
de cette inflexion •dépend de la manière dont on
envifage le préfent même auquel on rapporte le
Futur." Je dois p a r tit ', j e devois p a r tir , font des
F utu rs relatifs indéfinis ; Je vas p a r t ir , j ’a llo is
p a r t ir , font des Futurs relatifs-prochains.
Dans l ’un & dans l ’autre de' ces Futurs , les
verbes devoir 8c aller ne confervent pas leur lignification
primitive & originelle ; ce ne font plus
que des auxiliaires réduits à marquer Amplement
l ’avenir, l ’un, d’ une manière vague & indétermin
ée , & l ’autre avec l ’idée accefloire de proximité;
-(h;
Ces auxiliaires nous rendent le même fervice au
fub jonCtif : mais notre langue n’a aucune inflexion
deftinée primitivement à marquer dans ce mode
l ’autre efpèce de F u tu r ; elle fe fert pour cela des
inflexions du préfent & du p a ffé , félon les diverfes
combinaifons du fubjonCtif avec les temps du verbe
auquel i l eft fubordonné : ainfi, dans ce mode, la
même inflexion fa it , fuivant le befoin, deux fonctions
differentes , 8c les circonftances en décident le
fens.
Sens p r im it i f
Je ne crois pas qu’ i l
f a j f e préfentement.
Je ne croyois pas qu’ i l
le f î t alors.
Je ne crois pas qu’i l
1!'ait f a i t hier.
Je ne croyois pas qu’ i l
Veut f a i t hier.
Sens fu tu r .
Q u ’ i l le fa j f e jamais.
Q u ’ i l le f î t jamais.
Q u ’i l Y a it f a i t demain.
'
Q u i l Veut f a i t quand
on T en auroit prié.
Quoiqu’ i l femble que certaines langues n’ayent
pas d’expreffions propres à déterminer quelques
points de vue , pour lefquels d’autres en ont de
fixées par leur" analogie ù fu é lle , aucune cependant
n’ eft effectivement en défaut ; chacune trouve des
reffôurces en elle - même. O n le voit dans notre
langue par les F u tu r s du fubjonCtif ; 8c les latins,
qui n’ ont point de forme particulière pour exprimer
le F utu r prochain, y fuppléent par d’autres
moyens. Jamjam fa c ïam ut ju jfe r is , dit Plaute ,
je v^s faire ce que vous ordonnerez : on trouve dans
Térence ,fa c lum p u ta , cela va fe faire, ou regardez-
le comme fait.
C k a m m . e t L i t t é r a t . Tome I L
I l ne faut pas croire non plus que l ’üfage d’aucune
langue reftreigne exclufiv.ement ces Futu rs à
leur ?deftinaçion propre ; le rapport de rcffembiance
& d’affinité qui eft entre tés temps, fait qu’on
emploie fouvent l ’un pour l ’au tre, comme i l eft
arrivé au; F utu r premier , & au F u tu r fécond
des grecs. I l en eft de même du F u tu r abfolu &
du prétérit F u tu r des latins ;.iis difent également,
pergratiim mihi f a d e s , 8c pergratum mihi fe c e - "
ris. Mais on ne doit pas conclure pour cela que
• ces "temps ayent une même valeur : la différence
d’inflexions fuppofe une «différence originelle de
lignification, qui ne peut être changée ni détruite
par aucun ufage particulier , & que les bons auteurs
ne perdent pas de vue , lors même qu’ils p a -
roiffent en ufer le plus arbitrairement; ils choiftf*.
fént l ’une ou l ’autre par un motif de goût , pour;
plus d’énergie, pour faire image, &c. Ainfi , i l y
a une différence réelle & inaltérable entre le F u tu r ’
abfolu & l ’impératif, quoiqu’on employé fouvent
le premier pour le fécond, curabis pour c u r a ,
valebis pour vale : l ’un 8c l ’autre effectivement expriment
l ’avenir , mais de diverfes manières.
L a licence de l ’ufage fur les F utu rs va bien plus
loin encore, puifqu’i l donne quelquefois au pré- ,
fent & aü prétérit le fens fu t u r , comme dans ces
phrafés : S i l ’ennemi quitte les -hauteurs , nous
le b a tto n s , qu nous avons g a gn é la bataille.
I l eft évident que les mots quitte 8c battons fonc
des préfents employés comme F u tu r s , & que nous
avons g a gn é eft un prétérit avec la même acception.
L ’ufage n’a pas introduit de F utu r condition- j
nel : i l le faudroit dans ces phrafes ; c’ eft donc une
néceffité d’employer d’autres temps, q u i , par occa-
fion , en deviennent plus énergiques : le préfent femble
rapprocher l ’avenir pour faire envifager i ’aCtion
de battre comme préfente ; & le prétérit donne
encore un plus grand degré de certitude, en fe -
fant . envifager la victoire comme déjà remportée.
O n trouve même en latin le préfent abfolu du
; fubjonÇtif employé pour le F u tu r abfolu de l ’indicatif
: multos reperias & reperies ; mais c’eft à
la faveur de l ’ejlip fe •. multos reperias , c’eft à
dire, f ie ri pote f i t , ou f ie t u t multos reperias.
T ou t a fa raifon dans les langues , jufqu’a u x .
écarts.
L e fyftême dés temps, adopté dans l ’Encyclopédie
, n’étoit pas entièrement arrêté quand cet article
fut imprimé : de là vient qu’ i l s’y trouve quelques
différences avec les vues au fyftême ,• mais i l
eft aifé de l ’y ramener entièrement. ( M M . D o u c
e e t 8c B e a u z é e . )
( N . ) F U T U R , A V E N IR . Synonymes, ÿ .
Ces mots font plus caraCtérifés par la diverfite
des f ty le s , que par la différence des lignifications.
F utu r eft d’un grand ufage dans le dogmatique
: la Grammaire connoît les temps fu tu r s .,
la Philofophie de l ’École traite la queftion du