
premier ca s , la eft un article , & non ùn pronom ;
dans le fécond ca s , c’eft donc aufli sn article ,
& non un pronom : car un a r tic le , qui eft un adje
ctif j exprime effenciellemunt un être indéterminé
; un pronom exprime effenciellement un
être déterminé ( Voye^ P ronom ) j & les natures
des mots font immuables comme celles des chofes.
A u refte , du temps de Corneille , l ’Académie
rrançojfe regardoit le , 4 a , l e s , comme articles dans
toutes les pofitions. Corneille avoit dit [Cul. I . 3.),
j e le crains & fo u haitex l ’Académie , dans les
Sentiments fur cette pièce , s’exprime ainfi : « L ’u-
» fage veut qu’on répète l ’article l e , d’autant
» plus que les deux verbes font de lignification
» fort différente ; & qu’autrement, le mot de fo ii-
» h a ite , fans Y article , fait attendre quelque choie
» enfuite ».
i°* O n emploie louvent le d’une manière.abfo-
lu e & indéclinable avec rela tion , tantôt à un ad-
je é l i f , tantôt à une propofîtion entière ; & alors
i l a à peu près le fens de cela.
« Par rapport a une propofition entière. L e s lois
de la nature & de la bienféance nous obligent
■ également de défendre Vhonneur & les intérêts
de . n os parents, , quand nous pouvons le fa ir e
f a n s in jujlice ; c’eft-à-dire , fa ir e cela ( défendre
l ’honneur & les intérêts de nos parents ). A r iflo te
croyoit que le monde étoit de toute éternité ,
m a is P la to n ne le croyoit p a s ,* c’eft. à dire, ne
croyoit p a s cela (. que le monde étoit de toute
-éternité ).
; Par rapport à un a.d je éHf. L a même ju fie ffe
d ’efprit qui nous f a i t écrire de bonnes chofes ,
.nous f a i t appréhender qu'elles ne le fo ien t pas
•ajfe\ pour mériter c f être lues ; c’ eft à dire, qu'elles
Tic fo ien t p a s affe% cela ( bonnes ). L a nobleffe ,
donnée a u x pères parce qu i ls étoient vertueux,
<t é té laijfée a u x en fan ts afin qu’ i ls le de-
ryinffent ; • c’eft à dire , qu ils devinjfent cela
^ vertueux).
Qu’on demande 'donc à une fille , êtes - vous
mariée ? à des dames , êtes-vou s contentes ? L a
première doit répondre , j e ne le f u i s p a s , Sc
le s d é f é r é s , oui , nous le fommes ; c’eft à dire ,
j e ne fu i s p a s ce que vous dites (m a r ié e ) , nous
fom m e s , ce que vous dites ( contentes ). Mais fi
l ’on demande à cette f i l l e , êtes-vous la nouvelle
mariée ? elle doit répondre , j e ne la f u i s p a s .,
c ’eft à dire , j e ne f u i s p a s la ( nouvelle mariée).
Dans ce ca s, la fe rapporte à un nom & le repréfente.
.
30. L e , l a , l e s , devant p lu s ou moins fuivi
d’ un ad jeé tif, eft déclinable, s’i l y a comparaifon
entre les fujets de cet adje&if ; mais s’i l n’y a
comparaifon qu’entre les degrés de la lignification
du- même adje&if raporté au même fujet , on
emploie le d’une manière abfolue & indéclinable.
- Selon la première règle i l faut dire, D e tant
de criminels i l ne fa u t punir que les p lu s coupables
; Quoique cette femme montre p lu s de
fe rm eté que tes autres , elle n 'e jl p à s pour cela
la moins affligée. : i l y a ici comparaifon entre
les criminels. , ou entre les femmes.,
Selon la fécondé" règle i l faut dire , Ce père ne
pouvoit f e refondre à condamner f e s enfants ,
lofs même q u 'ils étoient le p lu s coupables ,• Cette
femme a l ’art de répandre des larmes , dans le ,
temps même qu'elle eft le moins affligée : il; y
a ici comparaifon entre lès degrés auxquels les
enfants étoient coupables, ou auxquels la femme
eft affligée.
4°. Je ne dois pas diffimuler ici ce qu’a reniar*
qué M. Du clos , qu’en bien des Cas i l y à beau-,
coup de bifarrerie dans l’emploi de le , la , l e s ,
que le caprice en a décidé dans plufieurs circonf-,
tances, & qu’i l y a une infinité d’occafions où; i l
n’eft que d’une- néceffité d’tifage. Mais ce n’eft pas
aflez pour juftifier le jugement qu’en a porté Jules-
Céfar Scaliger ( D e caufis ling. lat. lib. III ,
cap. 5 , totius- op. 7 z ) , eh l ’appelant otiofum
loquacijjimce gentis infirumentum. Jugement indécent
: parce que S caliger n’a pas dû croire répré-
henfible tout ce : qui n’étoit pas conforme à fon
latin 5 & moins encore préférer fon opinion , ifplée
& apparemment aveugle , à ce lle des grecs anciens,
fi bon juges en fait de langage , & a ce lle
de tant de nations modernes, qui ne font pas fans,
lumières. Jugement faux : parce qu’i l n eft pas
vrai que l ’article l e , l a , l e s , foit toujours inutile
dans le difcpurs ; qu’i l y a mille circonftances ou
i l détermine le fens avec mie précifion lumineufe s
qui difparoitroit fi on le fupprimoit ; & peut-
être mille autres ou i l eft d’une utilité , dont ne
peuvent fe douter les érudits' qui ont (calqué
toutes les Grammaires particulières fur ce lle du
latin. [M . B e a u z ÉE.)
L É G È R E , IN C O N S T A N T E , V O L A G E
C H A N G E A N T E , fyhonymes,
Tous ces mots font fynonymes. Ce font des
métaphores empruntées de différents objets : lég e r ,
des corps , tels que les plumes , qui , n’ayant
pas aflez de raafle eu égard a leur furface , font
détournées & emportées ça & là à chaque inftant
de leur chute; in con fia n t, de Tatmofphèredel’air
& des vents; v olag e, des oifeaux; changeant, de
la furface de la terre ou du c i e l , qui n’eft pasvun
moment la même. ( A n o n ym e ).
Une Légère ne s’attache pas fortement : une
Inconflante ne s’attache pas pour long temps : une
V o la g e ne s’attache pas a un foui : une Changeante
ne s’attache pas au même.
L a Légère fe donne a un. autre y parce que le
premier ne la retient pas : Y Inconfiante., parce
que fon amour eft fini : la V olage-, parce qu’e lle
veut goûter de plufieurs : & la Changeante ,
parce qu’elle en veut goûter de différents.
Les hommes font ordinairement plus légers 8c
plus inconjiants que les femmes ; mais celles-ci-
font plus volages & plus .changeantes que tes
TtofamèS/Ainfi, les premiers pèchent par un fonds
d’indifférent L qvii: fait ceffer leur attachement , •
& les fécondés , par; un fonds d’amour , quiueur tait
fouhaitër de nouveaux attachements. rar-* confe-
quent le mérite des hommes me paroît être dans
la perfévérance ; & ■ celui des femmes, dans la ré-
fiftance : le premier eft plus rare ; l e fécond, plus
glorieux : les uns doivent fe munir contre, les de-
goûts ; & les autres # , contre les attaques : chofes
trè^-difficiles , que j’ ôfe. même dire impoffibles
a moins que la raifon , de concert avec le coeur ^
ne foit également de la partie. ; Vqye'i , F oible ,
I n c o n s t a n t , L éger , V olage , Indiffèrent.
( L'a b bé G lR A R D . )
(, N ).-L E T T R E S , f. f. On appelle, ainfi les
çara&éres, repréfentatifs des. éléments de la voix.
C e mot nous vient immédiatement du latin L itte ra ,
dont les étymologiftes affignent bien dés origines
différ:ente.s. : ■ ;!■ ■ . u.-;t „
Prifcieh ( lib. 1 de Litera ) le' fait venir par
fyncope de Leg ite ra , eo quQcl legeinli iter proe-
beat ; ce qui me fe’mble prouver que ce: grammairien
n’étoit pas difficile à contenter en fait d’étymologie.
I l ajoute enfuite que d’autres tirent .ce
mot de L itu ra , quod plerumque in çeratis tabulis
antiqui feribene folebant & poftea delere : mais
fi Littera .vient de Litura:, je doute fort que ce.
' foit par cette raifon, & qu’on ait tiré la dénomination
des Lettres de la poflîbilité qu’ i l y a de
les effacer. I l auroit été , ce me femble , bien
plus raifbnnable de prendre Litura dans le fens
f i onction , & d’en tirer L ite r a , de même que le
mot grec correfpondant yfa-p^a. eft dérivé de 7p«<p«
^ je peins ) , parce que l ’écriture eft en effet l ’art
de peindre la parole : cependant i l refteroit encore
contïe cette étymologie une difficulté replie
Sc qui mérite attention ; la première fyllâbe L ï-
tura eft brève, au lieu que Lite ra a la prend ère
longue , & s’éc rit. même communément Littera.
Jules-Céfar Scaliger ( D e caufis ling. la t. cap. 4 )
’Croit en effet que les Lettres étant compoféës, de
petites lignes , elles furent originairement appelées
Lineaturce , :Sc qu’infenfiblement l ’ufage a réduit
ee .m o t à"Literæ, Quoique la quantité dès premières
fyllabes ne réclame point contre cette ori-
;giae , j’y apperçois- encore quelque chofe .de fi
arbitraire , que je ne la crois pas propre à réunir
tous les fuffrages.
Voffms. [ Ètymôlogicon ling. la t. verbo L i t -
tera ) j d’après Héfichius , dérive ce m o ï.d e l’ad-
jeétif grec .Ami , tdiuis , ..exilis ; parce que lès
Lettres font en effet des traits minces & délies. :
& M. le préfident des Rroffés juge cettè étymolo
g ie préférable à toutes les autres, perfuadé que,
quand les Lettres commencèrent à être d’ulagé
pour .remplacer l ’écritùre fymbolique , dont les
caractères etoient néceffairement étendus, compli-
' ^ embarraffants , ou dut être frappé furtout de
t e fhnpliçité ^ de la grande rédi^Ctipu des nouveaux
caractères ; ce qui put donner lieu à leur* dénomination.
Mais qu’il me foit permis .d’obferver que
l ’origine des Lettres latines, qui viennent incon-
teftablement des Lettres grèques , &..par elles, des
phéniciennes ou anciennes hébraïques , prouve
qu’elles n’ont pas dû être défignées en Ita lie par
un nom qui tînt à la première impreffion de leur
invention ; ce n’étoit pas alors une nouveauté qui dut
paroître prodigieufe , puifque d’autres peuples en
avoient l ’ufage. Que ne dit-on plus tôt que les
Lettres font les images des parties lespius petites de
la voix , & que c ’eft pour cela que le nom latin en
a été tiré du grec A nos, en forte que Literæ eft
une efpèce d’adjeCtif, comme fi l ’on difoit notes
literæ ,. c’eft-à-dire, nota elementares, notez par-
tium vocis tenuiffimarum ?
Que^ï’on penfe au refte comme on voudra de
l ’étymologie du mot ; i l eft évident , par la défi-,
tion même de la, chofe , qu’i l y a une grande
différence entré lès Lettres & les. fons éiémen-,
îaires qu’elles repréfentent. Hoc interefi , dit
Prifcien ( lib. 1 de Litera,,) , inter elementa &
Literas , quod elementa. propriè■ dicuntur ipfæ
pronunçiationes , notez dutem earum Literæ. II
femble que ..les grecs ayciit fait auffi attention à
cette différence, puisqu’ils avoient deux mots différents
pour ces 4gux objeis ; ïoiyfa. .( éléments ) , &
ypdpyccT.a. ( peintures,). Cependant l ’auteur de l a
Méthode g r é que de P . R. croit . ces deux mots
fvnonynies : mais i l eft bien plus naturel de penfor
q ue , dans l ’o r ig in e , le premier de ces mots ex-,
primoit en effet Les éléments de la voix indépendamment
de leu,r repréfentation, & que le fécond
en^ exprimoit les fignes repréfentatifs ou de peinture.
I l eflLcependant arrivé par laps de temps, que
fous’ l e nom du figne on a compris indiftinClement
& le figné*èc la chofe figriifiée. Prifcien (ib id . )
remarqué cet abus : abufivè tarnèn- & elementa
pro Literis & Literæ pro elementis vocantur,
Ç e t ufâge , contraire à la première inftitution,
eft venu fans doute de ce q u e , pour défigner te l
ou tel élément de la voix , on', s’eft contenté .de,
l’ indiquer par la Lettré qui eh étoit le {Igné,
afin a éviter les çircofllôcutions, toujours foperflues
& tres-fujettes à l ’équivoque'.dans la matière dont
i l eft quëftion : ainfi, au lieu de dire ou d’écrire,
par exemple , Varticulation labiale-oralê-muet.te-
fo ib le , on a dit & écrit, d e B ; & ainfi des autres.
Peut-être même étoit-ce le parti le plus fur à
prendre ; parce qu’ i l étoit plus aifé de reconnoître
Sc de fentir les fons élémentaires, que de les bien
çaraôtérifer & „de les définir avec précifion.
A u refte 5 cette ponfufîon d’idées n’a pas de
grands inconvénients, fi même' on peut dire qu’e lle
en ait. To*ut le monde entend très-bien que le mot
Lettres , dans la bouche d’un maître d’écriture , fo
dit des fignes repréfentatifs des éléments de la voix ;
que , dans celle d’un fondeur ou d’un imprimeur,
i l fighifie les petites pièces de métal qui portent
les empreintes renverses de ces fignes , pour