
bien plus que ces mots - là né lignifient littéralement.
Horace ( I . Od. xxjx. 1 4 ) dit que Pythagorê
eft un interprête de la nature & de la vérité , qui
n’eft point, à dédaigner , Non fordidu s au et or
natures verique ; V irg ile ( EcLog. ij. '1 5 . ) fait
dire à Corycion ,• Nec fum ade-ô informes ( je
ne fuis pas (I difforme) : ce font deux exemples
de Lito te ; le premier fait entendre clairement que
Pythagorê eft un philofophe de la plus grande
autorité ; & le lecond, que c’eft par une efpèce
de honte que Corydon ne dit pas pofitivement qu’i l
çft bien f a i tm a i s qu’on doit l ’en croire.
S. Paul ( I Cor. xj. 2 2 .) dit aux corinthiens
qu’i l ne les loue pas fur les indîfcrécions qui le
commettent dans leurs agapes ; Q u id dicam vobis ?
laudo vos ? In hoc non laudo : c’eft pour leur
faire entendre , avec d’autant plus d’énergie que
fon exprefïion eft plus modefte , qu’i l les blâme
fortement de fouftrir de pareils défordres.
Lorfq l’Hippolyie , après avoir déclaré à Aricie
la réfolution ou i l eft d’aller foutenir à Athènes
les intérêts de cette princeffe , & lui avoir appris
l ’amour dont i l brûle pour elle , fe voit obligé
de la quitter ; i l lu i marque là crainte où i l eft
de l’avoir offenfée : & Aricie lui répond par une
Litote un peu différente des précédentes , mais
également belle & fine ; elle confifte à faire entendre
q u e lle agrée fon amour , fans l ’indiquer
expreflement. ( Phèdre , 11. 3. )
Partez , Prince , & fuivez vos généreux de {feins ;
Rendez de mon pouvoir Athènes tributaire :
. J ’accepte tous les dons que vous me voulez faire j
Mais cet Empire enfin, fi grand, fi glorieux ,
N'cft pas de vos préfents le plus cher à mes ieux.
L e s grammairiens, & avec eux M. du Marfais,
regardent la L ito te comme un trope : mais ce
que j’ai remarqué fur l ’ironie ( V oye\ I r o n ie ) ,
me paroît encore vrai ic i. Si les tropes , félon
M . du Marfais même [pa r t. 7, art. jv ) , font des
figures par lefquelles on fait prendre à un mot
une lignification qui n’ eft pas précifément la lignification
propre de ce mot 5 je ne vois pas qu’i l
y ait aucun trope dans les exemples que l ’on
donne de cette figure : chaque • mot y conferve fa
lignification propre & primordiale; la feulé chofe
qu’i l y ait de remarquable , c’eft que la Litote
ne dit pas exprelfément tout ce qu’bh penfe, mais
les cirqonftances l’ indiquent fi bien, qu’on eft fur
d’être entendu. C ?eft donc en effet une figure de
penfée ; & c’eft une figure par fiftion , puifqu’on
feint de ne dire que ce qu’on exprime , quoiqu’on
veu ille en effet taire entendre quelque chofe au
delà.
Dans la première Encyclopédie , le chevalier
fte Jaucourt a dit un mo: de cette figure fous le
-&<?m de IfïptMÇ : je ne fais .où i l a pris ce nom',
mais i l n’eft ni vrai ni fondé. L i t o t e eft lé mot
grec Am-rju, atiehuatio , de l ’adjeétif Am s , te nuis,
M. du Marfais dit qu’on appelle aufïi cette figure
E x tén u a tion ; les deux mots ont bien le même
fens étymologique , mais le s deux figures font
bien différentes l ’une de l ’autre. Voye\ E x t é n u a t
i o n . U E x tén u a t io n , en affoibliffant l ’idée , v ou -
droit être prife & entendue à la lettre ; & la L ito te
prétend au contraire ne rien perdre de ce qu’e lle
ne dit pas : la première eft une figure par ia i-
fonnement, & la fécondé n’eft qu’une figure par
fiftion.
L e P . L am i , de l ’Oratoire , dit dans fa Rhétorique
( liv . I I ,. chap. i i j ) , que l ’on peut raporter
à cette figure les manières extraordinaires de re-;
préfenter la baffelfe d’une chofe , comme quand
on li t dans Ifaïe ( x l . 12 ) : Q u is menfus eft
p u g illo aquas , & coelos patmâ ponderavit ?
Q u is appendit tribus d ig itis molem terra , &
libravit m pondéré montes , & colles in J laterâ ?
Et plus bas , lorfqu’i l parle de la grandeur de
Dieu ( 22 ) : Q u i fed e t fu p e r gyrum terra , &
habitatores e ju s fa u t quafi locuflce ; qui e x ten d it
velut nikilum coelos , & expandit eo s f ic u t t a -
bernaculum ad iiïhabitandum. J’avoue que je
ne vois rien ici qui indique une penfée mifé de
propos délibéré au deffous de.fa valeur , foit par
modeftie, foit par égard , foit par énergie ; fi e lle
eft au deffous de la v é r ité , ce ft que la v é r ité ,
dans cette matière , eft d’une hauteur inacceflible
à nos foibles regards. ( M . B E A U Z É E . )
(N.) L I T T É R A L , E , adj. R e la tif aux lettres ,
conforme à ce qui eft exprimé par les lettres. C e mot
s’emploie en des fens allez différents-, quoique toujours
rapprochés par l ’idée de lettres.
O n appelle Grec littéral , Arabe lit t é r a l ,
le grec ou l ’arabe ancien , tel qu’ i l fe trouve
dans les ouvrages de Belles - Lettres écrits par
les auteurs anciens de l ’ une ou de l ’autre de ces
langues; & c’eft par oppofition a v e c .le grec ou
l ’arabe vulgaire , tels qu’on les parle aujourdhui
dans les pays où ces langues fubfiftent encore :
on fent bien que par laps de temps i l doit s’être
introduit dans ces idiomes des différences con-
fidérables.
Litté ral lignifie quelquefois attaché ferviiement
à la lettre , c’eft à dire , à la lignification' grammaticale
des m o ts , & prenant rigourëuferoent les
chofes fui; ce pied.
On donne à l ’Algèbre le no ni de Ca lcul lit téral
, pour marquer que les quantités y font défi
gnées par des lettres ; à la différence du . C a lcu l
arithmétique , où les nombres font défignés par
des chiffres : & par la même raifon , les quantités
foumifes au Ca lcul algébrique font nommées littérales
, parce qu’elles y font exprimées par des
lettres.
Enfin oh appelle littéral ce qui eft rigoüreu*
fement conforme à la lettre ou à l ’expreffion. On
diftingue dans l ’Écriture fainte le fens l it t é r a l,
& le fens fpirituel. Voye\ Sens.
O n a coutume aufii de diftinguer la traduction
littérale & la traduction élégante. Une véritable
traduétion littérale doit rendre en effet la valeur
précife de chacun des mots de l ’original : mais
e lle doit le faire avec les moyens que lui fournit
la langue dans laquelle elle traduit ; & e lle ne
peut ni ne doit s’ aftreindre à rendre les mots dans
le même, ordre, qu’autant que le comporte le
génie des deux langues. C e la eft plus aife , fi
les deux langues (ont tranfpofîtives, comme le
grec & le latin ; ou fi elles font ana logues,
comme l ’efpagnol & le françois : encore y aura-
t - il des occafions où la différence des ufages empêchera
l ’une de pouvoir fuivre l ’autre pied à
pied. Mais i l eft ridicule de vouloir abfolument
fuivre le même ordre , en traduifant d’une langue
tranfpofitive , comme le grec ., dans une langue
analogue , comme ,1e françois. Dans la première,
les termiiiaifons juftifient l ’inverfion, parce qu’elles
fixent le fens qui réfulte des rapports mutuels des
mots ; au lieu que dans la fécondé , cette valeur
des raports ne peut être rendue que par l ’ordre
analytique , par des prépofitions , | &c. O r une
traduction littérale doit rendre également le fens
individuel de chaque mot , & le fens accefloire
qui réfulte du raport des uns aux. autres : elle
doit donc faire attention à l ’ordre inverfe de l a
langue tranfpofitive, pour faifir les fens qui tiennent
à cet. ordre ; & fuivre l ’ordre de la langue
ana logu e, pour les y rendre fenfibles. Sans cela ,
l ’on naura qu’une, caricature infidèle , un jargon
/ barbare , un T ou t ridicule , & non une traduction
littérale. V oye\ T raduction, V ersion fy n o -
noymes. M. B e a u z é e . )
L I T T É R A T E U R , f. m. Homme de Lettres;
homme très-verfé dans les différents genres de Littérature.
V o y e z les deux articles fuivanfs.
L I T T É R A T U R E , f .f . Entre l'Érudition
& la Littérature i l y a une différence.
r L a Littérature eft la connoiflance des Belles-
Le ttres; l ’Érudition eft la connoiflance des faits ,
des lieux , des temps , des monuments antiques, &
des travaux des érudits pour éclaircir les faits, pour
fixer les époques , pour expliquer les monuments
& les écrits des anciens.
L ’homme qui cultive les Lettres, jouît des travaux
de l ’érudit ; & lorfqu’aidé de fes lumières, i l a
àquis la connoiflance des grands modèles en
P o éfie, en É loquence, en Hiftoire, en Philofophie
morale & politique , foit- des fîècles pafles , foit
des temps plus modernes , i l eft profond Littérateur.
I l ne fait pas ce que les feholiaftes ont dit
d’Homère , mais i l fait Ce qu’a dit Homère. I l
n a pas^ confronté les. diverfes leçons de Juvénal
& d Ariftophane ; mais i l fait Ariftophane ôc Juvénal.
L ’érudit peut être ou n’ être pas un bon
Littérateur ; car un difeernement exquis, une mémoire
heureufe & meublée avec choix , fup-
pofent plus que de l’ étude : de même le L itté ra teur
peut manquer d’érudition. Mais fi cfts deux
qualités fe réunifient, i l en réfulte un Savant &
un homme t rè s-cultivé . L ’un & l ’autre cependant
ne feront pas un homme de Lettres : le don de
produire^ cara&érife celui-ci ; & avec de l ’efprit ,
au ta len t , & du goût , i l peut produire des ouvrages
ingénieux , fans aucune éludition & avec
peu de Littérature. Fréret fut un érudit profond ,
Maiéfieux , un grand Littérateur ; & Marivaux , un
homme de Lettres. ( M . M a r m o n t e l . )
(N ) . L I T T É R A T U R E , É R U D I T I O N ,
S A V O I R , S C I E N C E , D O C T R I N E
Synoymes.
I l <y a , ce me femble , entre les quatre premières
de ces 'qualités, un ordre de gradation &
de fublimité d’objet , fuivant le rang où elles
font ici placées. L a Littérature défigne fimple-
ment les connoiflances qu’on aquiert par les études
ordinaires du co llèg e ; car ce mot n’eft pas pris
ic i dans le fens où i l fert à dénommer en général
l'occupation de l ’étude & les ouvrages qu’e lle
produit. U Erudition annonce des counciüances
plus recherchées , mais dans Tordre feulement des
Belles - Lettres. L e Savoir dit quelque chofe de
plus étendu , principalement dans ce qui eft de
pratique. L a Science enchérit par la profondeur
des connoiflances avec un raport particulier à
ce qui eft de fpéculalion. Quant au mot de D o c trine
, i l ne fe dit proprement qu’en fait de moeurs
& de religion ; i l emporte aufîl une idée de choix
dans le dogme , & d’attachement à un parti ou à
une fe<fte.
L a Littérature fait les gens lettrés : Y É ru dition
fait les. gens de Lettres : le Savoir fait
les Doétes : la Science fait les Savants : la Doctrine
fait les gens inftruits.
- I l y a eu un temps où la Noblefîe fe piquoit de
n’avoir pas même les premiers éléments de la L itté rature.
L e goût de Y Erudition fournit des amufe-
ments infinis à une vie tranquille & retirée. I l faut
dans le Savoir préférer l ’utile au brillant. Le reproche
d’orgueil qu’on fait à la Science , n’eft qu’une
orgueilleufe infulte de la part de l ’ignorance. O n fuit
ordinairement la Doctrine de fes maîtres , fans trop
examiner fi e lle eft bonne. ( L 'a b b é G i r a r d .)
L IV R E , f. m. litté ra tu r e . Écrit compoCé par.
quelque perfonne intelligente fur quelque point
ae fcience, pour l ’inftruéHon & l ’araufement du
leéteur. On peut encore définir un Livre , une com-
pofition d’un homme de Lettres, faite pour communiquer
au Public & à la Poftérité quelque chofe
qu’i l a inventée, vue , expérimentée , & re cu e illie ,
& qui doit être d’une étendue aflez confidérable pour
faire un volume, ■