
courage, tout ira bïehy cela ne va p a s f i m a l,
font autant d’ E u p hém if mes.
I l y a , furtout en Médecine, certains Euphémif-
mes oui font devenus fi familiers, qu’ils ne peuvent
plus fervir de voile ; les perfonnes polies ont recours
a d’autres façons de parler. ( M . d u M a r s A ï s . )
( I l me femble queM. du Marfais s eft mépris
ici fur la véritable nature de Y Euphémif me. Ce
détour adroit & heureux n’eft point une figure ,
puifqu’ii affujettic à fes vues tantôt un trope, tantôt
une figure d’Élocution , une autre fois une figure
de penfée ou de ftyle. Le dirai-je ? Y Euphémifme
eft une qualité enencielle à tous les ftyles, à
tous les genres d’Éloquence : fans employer le
mot, Quintilien en a traité ( Infi. f u i . 3. & IX. 2.)
comme d’une dépendance de Y Emphafi ; & M. Roi-
lin , un peu plus amplement ( Études. 1. n i ,
ph. iij . art.; 2. §. 6. ) fous le nom de P récautions
oratoires. (V oye \ Précautions o r a t o ir e s .)
Thémiftocle, voulant perfuader aux athéniens
d’abandonner la ville d’Athènes, leur dit de la
dépofer entre les mains des dieux., parce que
le terme d’abandonner éft un peu cru. C’eft un
Euphémifme qui a recours; à la Métalepfe {V o y e \
Métalepse) ; il fait entendre qu’il ne faut point
compter fur un fecours.naturel, en fefant envifager,
ce qui en eft une conféquence , que le fecours du ciel
eft l’unique renource.
La manière dont s’y prit Nathan pour reprocher
a David fon double crime contre tJrie , étoit un
véritable Euphémifme par Allégorie ( Voye-^ A llégorie.
) :
Quelquefois Y Euphémifme fe fert de l’Allufion
( V oye \ A llusion ) , pour indiquer délicatement
ce qu’il ne veut pas dire crûment. C’eft ainfi que
Cicéron difoit de Clodius ; Comme i l avait une
connoijfance particulière de tous nos fa c r if ic e s ,
i l ne doutoit p a s qu’ i l ne p û t aifément apaifer
les d ieu x : z è toit un reproche indirêét, par Ailu-
.fion à l ’audace qu’avoic eue Clodius de s’introduire
dans un lieu fecret , où les dames, romaiiîes
célébroient les myftères de la bonne déeffe, & dont
l ’entrée étoit’interdite aux hommes.
D’autres fois c’eft par l ’Équivoque: ( V oy e \
É q u i v o q u e ) , que Y Euphémifme déguife ce
qu’il ne veut pas dire plus clairement. C’eft encore
ainfi que Cicéron a dit de Clodia, fous
prétexte de la difculper, znxElle étoit p lu s tôt
V amie de tous les hommes, que Vennemie de p a s
un : Equivoque maligne, qui note les moeurs de
Clodia.
La Périphrafe ( Voye-% P é r iph r ase ) prêté
fouvent fon fecours à YF.uphémifme , tantôt pour
voiler une idée déshonnête, tantôt pour en adoucir
i||e autre quiferoit trop dure.
Souvent l ’Antiphrafe même ( Voye% A nt i p
h r a s e ) donne à Y Euphémifme le moyen de
dévoiler ce qu’il craint d’expofer trop nûment.
Dans d’autres oeeafions Y Euphémifme a recours
à une digreffion ; mais l ’idée étrangère qu’i l pré-
fente alors tient fi fort à ce lle qu’i l craint d’avouer
nettement , qu’i l ne fauve que l ’ impudence d’un
aveu trop formel. C ’eft ainfi que , dans Racine ,
Phèdre ( r. 3. ) laiffe percer fa pafiionpour Hip -
polyte :
Dieux ! que ne fuis-je affife à l ’ombre, des forêts !
Quand pourrai-je, au travers d’ une noble pouiiière,
Suivre de l'oeil un char fuyant dans la carrière î
« Ce poète*même, dit M. Diderot, n’a pu fe
» promettre ce morceau qu’après l ’avoir trouvé ; 8c
» je m’eftime plus d’en fentir le mérite, que de
» quelque choie que jepuilfe écrire de ma v ie» .
L a grande refTource de Y Euphémifme eft de
recourir à des adouciftements dèvelopés ; à des
Compenfations ingénieufes, où le bien fait paffer
ce qu’on a à dire, de mal; à des Réticences préparées,
qui laiffent entendre ou du moins entrevoir
ce qu’i l feroit dangereux ou indécent de dire d’une
manière plus expreffe. C ’eft ainfi que Cicéron ,
dans fa Divin a tion contre Verrès , ayant à montrer
qu’i l étoit plus capable que Céciiius de foutenir
l ’accufation, a recours par Euphémifme aux plus
grandes précautions, & pour ménager l ’amour-
propre de Céciiius & pour fe mettre lui - même
à couvert de tout foupçon de vanité ( x n . 37-40.)
V oy e z dans Sallufte { B e ll, j u g . X . ) le difeours
de Micipfa mourant à Jugurtha fon neveu & fon
fils adoptif. V o y e z aulfi le bel exorde du fermon
de Malfillon pour le jour de la Touffa int, que
j’ai cité à Y article A stéisme ; & remarquez à
cette occafion , que cette figure eft encore un des
beaux moyens que peut employer Y Euphémifme.
L ’Euphémifme n eft donc point une figure particulière
, qui nenvifage qu’un tour de phrafe ou
le déguifement d’une idée, palfagère. C ’eft toute
cette partie importante de l ’Éloquence, que M. Roi-
lin nomme P récautions oratoires ^ & dont l ’abbé
Mallet a traité amplement dans fon excellent EJfai
fu r ies bienféances oratoires : j’y renvoie comme
au meilleur dèvelopement que l ’on puîné trouver
de Y Euphémifme.) ( M . B e a u z é e . )
E U P H O N I E , f. f. terfne de Grammaire ,
prononciation facile. C e mot eft gret?, Éuopov/a.
RR. Tu , benè , 8c cpW y vbx. ,* ainfi , Euphonie
vaut autant que v o ix bonne , c’eft à dire , prononciation
fa c i le , agréable. Cette facilité de
prononciation dont i l s’agit ic i , vient de la facilité
du méohanifrpe des organes de la parole. Par
exemple.,' on auroit de la peine à prononcer ma
am e , ma épée j on prononce plus aifément ,
mon am e , mon épée. De même on' dit par
F.uphonie, mon amie , & même m ’ amie, au lieu
de ma amie.
C ’eft par la raifonde cette facilité dans la prononciation,
q u e , pour, éviter la peine que caufe
Y hiatus ou bâillement, toutes les fois qu’un mot
finit par une vo y e lle & que celui qui fuit commence
par une voyelle-, on insère entre ces deux voyelle s
. certaines Confonnes qui mettent plus de lia ifo n ,
& par conféquent plus de facilité dans le jeu des
organes de la parole. Ces conformes font appelées
lettres euphoniques, parce que tout leur fervice
ne confifte qu’à fa c ilite r . la, prononciation. Ces
mots, p rô fum , p r o fù y profiteram , &c. ,. £ont
compofes de la prépoirtion pro & du vezbe fum ;
mais fi le -v verbe vient à ..commencer par une
V o y e l le , on insère une lettre euphonique entre la
prépofition & le verbe;; le d eftà lo rs cette lettré
euphonique, pro-d-efi , pro-d-erani y pro-d-ero ,
&c. C e fervice des lettres euphonique*, eft en ufage
dans toutes les langues , parce qu’i l eft une fuitp
naturelle du méchanifme des organes d e 'la pa -
-rolé.
. C ’eft par la même caufe que l ’on d i t , m’ aime-
t - i l? dira-t-ôn ? L e t eft la: lettre euphonique ;
i l doit être entre deux divifions, non entre une
divifion & une apoftrophe, parce qu’i l n’y a point
de lettre mangée : i l faut écrire va-t’en , parce
que le t eft là le fingulier de vous. O n d i t , Va-
t ’en , comme, on d i t , alle^-vous-en, allons-nous-
en. ( V oy e \ A postrophe. )
On - eft un abrégé de homme ; ainfi , comme
on dit Y homme, on dit aufii Y on , f i l ’on veut :
VI interrompt le bâillement que cauleroit la rencontre
des deux v o y e lle s , i , o yf i on , &c.
S’i l y a des oeeafions où i l femble que Y E u phonie
faffe aller contre l ’analogie grammaticale ,
on doit fe fouvenir de cette réflexion de Cicéron ,
.que T ufage nous autorife à préférer Y Euphonie à
1 exactitude rigoureufe des règles : impetratum eft à
•confuetudine, ut peccare fu d v ita t is caufâ liceret.
jCic. Orat. xcv ij: ( Mi.d u M a r s aï s . )
( N . ) EU P H O N I Q U E , adj. Appartenant a
l ’Euphonie , Favorable a l ’Euphonie. O n aualifîe
ainfi certaines articulations qui fe prononcent entre
des voix eonfécutives , afin d’en rendre la prononciation
plus aifëe & plus agréable. Mais les articulations
^ euphoniques font fpécialeinent celles
que l ’on introduit entre deux mots dont l ’un finir
& l ’autre commence par une v o y e l le , afin d’en
faciliter la prononciation & d’en bannir l ’ÉIiatus
( V o y e i H ia t u s ) , qui ne peut que l ’amollir ou
I arrêter. Ces articulations fervent en effet à mettre
plus de jeu dans ; les organes de la parole 0 &
par conféquent plus d’agrément & de facilité dans
1 execution.
7 , “ -..----- '•“-/"‘uii.iÿwc cuuc aeux mots aemeures
diftinds : mederga pour me erga, qui en
, approc e le plus, eft plus tôt un mot compofé
que. deux mots différents, du moins fi on en june
par la matuère dont on l a conftamment écrit &
par d autres exemples pareils. :En effet, on voit
le d euphomqm. fouvent employé dans lu com-
, pofition; prodes, proderam, ptodero, proiefe ,
suireude pro-es , p r o ^ r ^ / p ro-er o / p r w f é ,
de même que l ’on dit fans d , profum, profui y profiter
am , profuero , prof ui(Je, profutur us'.
Les grecs avoient aufli leurs articulations euphoniques
,• mais ils les ajoutoient à la .fin du
premier m o t , au lieu de les détacher des deux ,
comme nous fefons dans notre Orthographe , ou
de les mettre au commencement du fécond , comme
nous le pratiquons dans notre prononciatica : ainfi ,
ils difoient y&oW/ ' avfyis ( vingt hommés) , pour
tix.ocri •'avtf'pef.-- -
O n voit le principe de l ’Euphonie adopté partout
, parce que :c’eft une fuggeftion de la nature ;
mais l ’application s’en fa it , comme celle de tous
le s ’ autresprincipes généraux, félon le goûtparticu-
lie r de chaque nation , & conformément aux décifions
accidentelles des. différents ufages. L e nôtre néanmoins
femble raifonné à cet égard', &- Fondé fur dés
vues analogiques plus tôt que fixé1- par le ha-
fard.
Nous avons trois articulations euphoniques , n ,
t , s ; 8c l ’on peut en effet rendre des raifons analogiques
du choix de ces lettres pour les cas où l ’on
en fait ufage.
N eft nafaie; & on l ’emploie comme euphonique
( mais feulement dans la prononciation 8c
non dans l ’écriture), lorfqu’un mot terminé par une
voix nafaie eft joint effenciellement & dune manière
indivifible avec le mo t fuivant.
Si c’eft on avant le verbe dont i l eft le fiije t,
ten avant le verbe dont i l eft complément ou
avant le . nom qui lui fert de complément ; on
fait entendre d’abord la voix nafaie, puis l ’articulation
nafaie euphonique. On apprend en étudiant
, en Italie , on en avoit parlé ; prononcez
comme s’i l étoit écrit : on - n - apprend en-n-
étudiant, en-n-Italie , on-n-en-n^avoit parlé.
Après tout autre mot de terminaifon nafaie ,
qui doit fe lie r immédiatement au mot fuivant,
la voix nafaie perd fa nafaliré, & e lle eft comme
fiippleée parrarticulation nafaie euphonique. Bien
écrit rien autre chofe , bon ami , ancien hif-
torien, un homme ; prononcez comme s’ i l y avoit
bié-h-écrity rié-n-autre chofe , bo-n-ami yancié-n-
hijlorien y u-n-homme.
Dans les deux cas , l ’analogie de l ’articulation
avec la voix que l ’on doit lie r au mot fuivant, eft
affez palpable pour jufîifier le choix qu’en a fait
l ’ufage.
T eft deftiné par les règles de notre conju-
gaifon à terminer les troifièmes perfonnes qui
peuvent recevoir cette terminaifon : de là vient
que , fi le fujet exprimé par un pronom ou par
le nom général on eft porté après le verbe, par
quelqu’une des vues que doit marquer l ’ Inverfion
\ Voye\ Inversion ) , & que le verbe foit terminé
par une v o y e lle ; nous inférons entre deux
un r euphonique : fouffre - t - i l , parla - 1 - elle ,
viendra-t-on. Ici nous écrivons île t euphonique
ent,re deux tirets. , ce que ne fefoient pas les
anciens, fuivant le témoignage de HenriEftienney