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dans notre langue. Robert Fftienne , dans fa petite
Grammaire françoife , imprimée en 1569 , prétend
que nous n’en avons point quant à la lignification 3
& foie que l’autorité de ce célèbre 8c lavant typographe
en ait impolè aux autres grammairiens
François, ou qu’ils n’ayent pas allez examiné la
choie, ou qu’ils l ’ayent jugée peu digne de leur attention
, ils ont tous gardé le fiience fur cet objet.
Quoi qu’il en (bit, il y a eflèélivement en françois
julqu à trois fortes de Fréquentatifs, diftin<més
les uns des autres, & par la différence de leurs
terminaifons, & par celle de leur origine : les uns
font naturels à cette langue 3 d’autres y ont été
faits à l’imitation de l ’analogie latine 3 & les autres
enfin y font étrangers, & feulement affujetds a la
terminaifon trançoife. Il faut cependant avouer que
la plupart de ceux des deux premières efpèces ne s’emploient
guères que dans le ftyie familier.
Les Fréquentatifs naturels à la langue françoife
lui viennent de fon propre fonds, & font en général
terminés en ailler : tels font les verbes criaille
r y tirailler y qui ont pour primitifs crier , tirer
y & qui répondent aux Fréquentatifs latins
c lam itare, traclare. On. y aperçoit fenfiblement
l ’idée acceffoire de répétition , de même que dans
brailler y qui le dit plus particulièrement des hommes,
& dans p ia ille r y qui s’applique plus ordinairement
aux femmesj- mais elle eft encore plus marquée
dans ferrailler , qui ne veut dire autre chofo que
mettre fouvent le f e r à la main.
Les Fréquentatifs françois faits à l ’imitation de
l ’analogie latine, font des primitifs françois auxquels
on a donné une inflexion reffemblante à celle
des Fréquentatifs latins 3 cette inflexion eft oter,
8c défîgne, ainfi que le tare latin , l ’idée acceffoire
de répétition 3 comme dans crachoter y clignoter ,
chuchoter y qui ont pour correlpondants en latin fp u -
tare , nïcîare , mujjitare.
Les Fréquentatifs étrangers dans la langue
françoife lui viennent de la langue latine, & ont
feulement pris un air françois par la terminaifon
en er : tels font ha bite r, dicter, a g ite r , qui ne font
que les Fréquentatifs latins, habitare , dictare ,
agitare.
C ’eft le verbe vifeter que Robert Eftienne emp
lo ie pour prouver que nous n’avons point de Fréquentatifs
. Car, dit-il, combien que vifiter f o i t
tir é de vifito latin & Fréquentatif, i l n'en garde
p a s toutefois la fign ifica tion en notre langue '
tellement q u 'il a befoin de l'adverbe fouvent ;
comme j e vifite fouvent le p a la is & les pri-
fonnier s.
Mais on peut remarquer en premier lieu que ,
quand ce raifonnement foroit concluant, il ne le
foroit que pour le verbe vifiter ; & ce foroit feulement
une preuve que fa fignification originelle
auroit été dégradée par une fantaifie de l’ufàp-e.
En focond lieu que , quand la eonféquence pour-
lplx s’étendre à tojis les verbes de in même efpèce,
F U T
U ne foroit pas pofiïbie d’y comprendre les Fréquentatifs
naturels* 8c ceux d’imitation , où l ’idée
accefloire de répétition eft trop fenfible pour y ê;re
méconnue.
En troifîème l i e u , que la raifon alléguée par
R. Eftienne ne prouve abfolument lien: un adverbe
fr éq u en ta tif y ajouté à vifiter, n’y détruit pas i ’idée
acceffoire de répétition , quoiqu’elle femble d’abord
fuppofer qu’elle n’y eft point renfermée : c’eft un
pur pléonafme, qui élève a un nouveau degré
d’énergie le fens. fr éq u en ta tif y 8c qui lui donne une
valeur lemblable à ce lle des phrales latines : Jtac
ad eam fr eq u en s , Plaute ; Fréquenter in o ffic i-
nam ventitanti, Pline 3 Saepiùs jiimpfita.vcru.nt,
idem. On ne diroit pas fans doute que itare n’eft
pas fréquentatif à caufe de frequens , ni ventitare
a caufe de fréquenter , ni fupipjitare à caufe de
faepiits. ^ ^
L a décifîon de R. Eftienne n’a donc pas toute
l ’exactitude qu’on a droit d’attendre d’un fi grand
homme ; c’ eft que les efprits les plus éclairés peuvent
encore tomber dans l ’erreur, mais ils ne doivent
rien perdre pour cela de la confidération qui eft due
aux talents. ( M M . D o u e h e t 8c B e a u z é e . )
F U T I L E , adj. Grammaire. Qu i n’eft d’aucune
importance. I l fe dit des chofes. & des per-
fonnes. U n raifonnement eft f u t i l e , lorfqu’i l eft
fondé fur des faits minutieux , ou fur des fuppoptions
vagues. Un objet eft. fu t i le , lorfqu’i l ne vaut
pas le moindre des foins qu’on pourroit prendre y
ou pour l ’acquérir, bu pour le conforver. C ’eft
dans le même fens qu’op dit d’un homme , qu’i l eft.
fu t ile . Une F u t ilit é y c eft une chofe de nulle valeur,
( M . D i d e r o t , )
F U T U R , E. adj. I l fe dit d’une chofe qui doit
être qui doit .arriver , qui eft à venir. M. de
Vaugefas dit ( Remarque 436, ) , que ce mot
eft plus de la Poéfie que de la bonne Profo , -
& le . bannit du beau ftyie. L e P. Bouhours fbu-
tient le contraire ( R em. n o ü v . Tom. I. p . $96) :
mais i l ajouté qu’i l faut éviter de donner dans le
ftyie de notaire , F u tu r ép o u x , Future épottfe.
Cette dernière reftri&ion eft favorable au fentiment
de M. de Vaugelas. En effet on dira plus t ô t , L e
v&y.uge que nous devons f a i r e , qu’on ne dira ,
Notre voyage f u t u r , &o. I l eft établi qu’on dife
L e s biens de La vie fu tu r e , par oppofition a ceux
de la vie préfeme. O n dit auffi, L e s préfages de
f a grandeur futu re. Malherbe 4 dit :
Que direz-vous, races futures,
Quand un véritable difeours
Vous apprendra les aventures
De nos abominables jours. ( M. DU Ma r s a i s . )
F U T U R ', Grammaire. Prisfubftantivement, c’ eft
une forme particulière ou une efpèce d’inflexion
qui défigne l ’idée acceffoire d’un rapport au temps
F U T F U T
â venir, ajoutée à l’ idée principale du verbe ( 1 )•
On trouve dans toutes les langues différences fortes
de F u tu r , parce que ce rapport au temps à venir
y a été enviiàgé fous différents points de vile ; &
ces F utu rs font fimples ou compolés, félon qu’i l
a plu à i ’ Ufage de défigner les uns par de fimples
inflexions, & les autres par le fecours des verbes
auxiliaires.
I l femble q u e , dans les diverfes manières de
conlidérer le temps par rapport à l ’art de la Paro
le , on fe foit particulièrement attaché à l ’envi-
fager comme ablolu, comme relatif, & comme
conditionnel. O n trouve dans toutes les langues des
inflexions équivalentes à celles de la nôtre , pour
exprimer le préfent abfolu , comme j'a im e 3 le
préfent relatif , comme j'a im o is ; le préfent conditionnel
, comme j'a im e ro is . I l en eft de même
pour les trois prétérits j l ’abfolu , j 'a i aimé 3 le
r e la t if , j 'a v o is aimé; 8c le conditionnel, j'a u r o is
aimé. Mais on n’y trouve plus la même unanimité
pour le F u tu r ; i l n’y a que quelques langues qui
ayent un F u tu r abfolu , un relatif, & un conditionnel
: la plupart ont faifi par préférence d’autres
faeês de cette circonftance du temps.
Les latins ont en général deux Futu rs, un abfolu &
un relatif.-
L e F utu r abfolu marque l ’avenir fans aucune autre
modification : comme laudabo , je louerai 3 acci-
p iam , je recevrai.
L e F u tu r relatif marque l ’avenir avpc un rapport
à quelque autre circonftance du temps 3 i l eft com-
pofé du Futur du participe aétif ou p a f lif , félon
la voix que l ’on a befoin d’emp loyer, & d’une
inflexion du verbe auxiliaire fum ; & le choix de
cçcte inflexion dépend- des différentes circonftances
de temps avec leïquelles on combine l ’idée fondamentale
d’avenir. En voici le tableau pour les
deux voix.
V o ix active.
Ziaudaturus fum . ,
Laudaturus eram.
Laudaturus ejfem.
JLaudaturuJ f u i .
Laudaturus fueram.
Laudaturus fuijfem.
Laudaturus ero.
Laudaturus fuero.
V o ix paflîve.
Laudandus fum.
Laudandus eram.
Laudandus ejfem.
Laudandus f u i .
Laudandus fueram.
Laudandus fu ijfem .
Laudandus ero.
Laudandus fue ro.
Comme la langue latine fait un des principaux
objets des études ordinaires , elle exige de "tiotre
part quelque attention plus particulière. Nous remarquerons
donc que les huit Futurs relatifs que
l ’on préfente , ici ne fe trouvent pas dans les tables
ordinaires des conjugaifons , non plus que les temps
compofés du fubjoneftif^, qui ont un rapport à l ’ave-
(1) V o y e z , art. T em p s , ma véritable manière d’envi-
fager le Futur : j’avois, en compofanc celui-ci, un compagnon
& par conséquent un maître.
nir , comme laudaturus f im , laudaturus ejfem ,
laudaturus fu e r im , laudaturus fu ijfem 3 i l en eft
de même des temps correlpondants de la voix paf-
five : mais c’eft un véritable abus. Ces tables doivent
être des liftes exattes de toutes les formes
analogiques , foit fimples foit compofées , que
l ’ufage a établies pour exprimer uniformément les
acceffoires communs a tous les verbes. I l eft affez
difficile de déterminer ce qui a pu donner lieu à nos
méthodiftes de retrancher du tableau de leurs conjugaifons
des expreflions d’un ufage fi néceffaire,
fi ordinaire , & fi uniforme. Si c’eft la compofition
de ces temps , ils n’ont pas affez étendu leurs con-
fécjuences j i l falloic encore en bannir les Futurs
qu ils ont admis à l'infinitif, & tous les temps compofés
qui marquent un rapport au paffé dans la voix
paflîve.
Ce n’eft pas la foule faute qu’on ait faite dans
ces tables 5 on y place comme F u tu r , au fub-
jon é fif, un temps qui appartient affurémenc à l ’indicatif,
& qui paroît être plus tôt de la claffe des
prétérits que de ce lle des F u tu r s ; c’eft laudavero ,
j’aurai lo u é , pour la voix aôfcive 3 8c laudatus ero,
j’aurai été loué , pour la voix paflîve.
i ° . Ce temps n’appartient pas au fiibjon&if 3
& i l eft aifé de le prouver aux méthodiftes par
leurs propres règles. Selon eu x , la conjon&ion
dubitative an étant placée entre deux - verbes , le
fécond doit être mis au fubjon&if : qu’ils panent
de là & qu’ils nous difent. comment ils rendront
cette phra fe, Je ne f a i s f i j e louerai. En confé-
quence de la l o i , j e louerai doit être au fùbjonctif
en latin 3 8c le foui F u tu r du fubjonétif autorifé
par les tables ordinaires, eft laudavero : cependant
nos grammatiftes n’auront garde de dire nefeio an
laudavero ; ils rendront cet exemple par nefeio
an laudaturus fim . Chofo finguliere ! Cette lo cution
, autorifée par l ’ufage des meilleurs auteurs
latins , devoir faire conclure naturellement que
laudaturus f im , ainfi que les autres expreflions que
nous avons indiquées plus haut, étoienc du mode
fiibjonétif 3 & l ’on a mieux aimé imaginer des exceptions
chimériques & embarraffantes , que de
lûivre une conféquence fi palpable. A u contraire
on n’a jamais pu employer laudavero dans le
cas où l ’ufage demande expreffémenc le mode
fubjontfif, & néanmoins on y a placé ce temps avec
une perfévérance qui prouve bien la force du pré-
,Ugzé°ô. C e temps eft de l ’indicatif 3 puifoue, comme
tous les autres temps de ce mode, i l indique la
modification d’une manière pofitive, déterminée, &
indépendante : de même que l ’on dit coenabam ou
coenaveram quum intrafli , on dit cccnabo ou ccc-
navero quum intrabis ; coenabam marque l ’aélion
de fouper comme préfente, 8c coenaveram l ’énonce
comme paffée relativement à l ’aélion d’entrer qui
eft paffee : la même analogie fe trouve dans les
deux autres temps 3 coenabo marque l ’aétion de
fouper comme préfonte , 8c ccenayero l ’énonce