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• 50. Dans les proportions interrogatives qui ne
commencent pas par un mot conjonctif, on marque
de même l ’ interrogation , en mettant le pronom
fujet après le verbe , quand même le fujet
feroit exprimé auparavant par un nom. Viendrez-
vous ? Entendroient-elles ? Votre p rojet réujfira-
t - i l? V o s fceurs auraient - elles compris ma
réponfe ? Dans les phrafes interrogatives , le verbe
eft toujours à l ’ indicatif ou au fuppofitif.
0°. Qu and, avec cette Inverjion du pronom
fujet, le verbe eft au fubjon&if, & que cette pro-
poûtion n’eft point fuivie d’une autre à titre de
conféquence ; elle eft optative : P uijfiez-vous être
content ! c’eft à dire , Je fouha ite que vous puijfiez
être content.
Quand le fujet ne feroit pas un pronom , V in -
verjion du fujet auroit encore lieu dans la proportion
optative. V eu ille le ju j le Ciel me garder en
ce jo u r !
7°. S i , avec cette même Inverjion, le verbe eft
au fubjonftif ; & que la p r o p o r t io n fo r t fuivie d’une
autre propofîtion conféquente , dont l e verbe foit
a un mode d i r e c t : la première eft hypothétique j
& YInverfion y eft le l ig n e de l ’hypothèfe , qui
n eft point expreftement énoncée. V in jfie z - vous
à bout de votre d ejje in , tous vos défirs fujfant-
i l s accomplis , vous ne ferez ou vous ne feriez
p a s p lu s heureux j c’ eft à dire , Qu and i l arriverait
que vous vinjjiez à bout de votre dejfeïn ,
que tous vos dêfirs fu jfe n t accomplis, &c.
O n voit que rien n’eft abandonné au hafard,
& que l ’ufage i c i n’a rien autorifé aveuglément
& fans caufe : Y Inverjion du fuje t, ayant lieu dans
des phrafes différentes , fembloit devoir amener
l ’équivoque j mais chaque e fp è c e de phrafe a d’ailleurs
fon c a r a c t è r e diftin&if.
8°. I l peut arriver qu’un même terme , ayant
plufîeurs compléments , l ’éloignement de quelques-
uns à l ’égard du centre commun, ou la multitude
des relations à ce centre, jette fu r . le tout une
obfcurité ou un louche contraire à la perfpicuïcé
qui cara&érife la phrafe françoife. Dans ce cas ,
e lle autorifé, elle exige même une Inverjion ,
qui confifte à placer avant le terme completté
l ’un de fes compléments : c’eft communément un
complément déterminatif de temps, de l ie u , de
caule , de moyen, ou un complément modificatif:
le s compléments obje&ifs tiennent plus à leur place
n atu re lle, à moins qu’ils ne foient revêtus d’une
forme déterminée qui caraftérife leur raport. V oye z
C om p lém en t.
Maffilion s’exprime ainfi : Semblables a ceux
qui voient pér ir de loin un homme au milieu
des f lo t s ; & l ’on fent dans cette phrafe quelque
choie d’embarrafle : dites, Semblables à ceux qui
de loin voient périr un homme au milieu des
f lo t s ; la fimple tranfpofition du complément de
loin avant le verbe vctient, répand la lumière fur
J-é tou t, & y rétablit même, l ’fiarmonie.
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> • Pour fàvorifer la clarté ou l ’énergie de l ’ex-
preffion, le génie de notre langue fe prête même
au déplacement des compléments objectifs ; mais
a condi:ion d’en rappeler l’idée à leur place naturelle
par quelque petit mot relatif. T e l e jl Vétat
d u n e ame tiède & infidèle, dit ailleurs le même
orateur : toutes les animofités qui ne vont p a s
ju fq u a l'a vengeance déclarée , elle f e les permet
; tous les p la ifir s où. Von ne voit p a s de
crime p a lp a b le , elle lé s ju jli f ie ; toutes les
parures & tous le s artifices où Vindécence n e jl
p a s fcandaleufe , & où i l n*entre n i pajjion ni
vue marquée , elle les recherche ; toutes les
vivacités fu r Vavancement & fu r la fortune qui
ne nuifent a perfonne , elle s ’y livre fa n s ré-
ferve ; toutes les omiffions qui paroijfent rouler
fu r des devoirs arbitraires, ou. q u i n’in té r e f
f e n t que légèrement des devoirs ejJ'enciels , elle
n en f a i t p a s de fcrupüle ; tout Vamour du corps
& de la perfonne qui ne mène p a s directement
au crime , elle le compte pour rien ,* toute la
délieatejfe fu r le rang & fu r la gloire qui p eu t
compatir avec une modération que le monde
- lui-même demande , elle s ’en f a i t un mérite.
^ V o lta i r e fait dire de même à Égifte ( Mérope ,
Eh quoi ! tous les malheurs aux humains réfervés,
Faut-il, fi jeune encor, les avoir éprouvés ?
io ° . L ’identité , qui eft le fondement de la concordance
de l ’adje&if avec le nom auquel i l fe
raporte ( voyez C oncordance & Id en tité ) ,
fembleroit devoir laiffer la plus grande liberté fur
l ’arrangement refpe&if de ces deux efpèces de
mo ts, & véritablement i l y a un grand nombre
d’occafions où l ’on peut mettre indifféremment pour
le fens l ’adjeétif avant ou après le nom , & ne
s’en raporter pour le choix qu’au jugement de
l ’oreille : un exercice violent ou un violent exer-*
c ic e , des travaux utile s ou d’ utiles travaux y
une: tempête affreufe ou une affreufe tempête ,
&c. Mais i l y a des adjeétifs qui ne peuvent fe
placer qu’après le n om , & c’eft leur place naturelle
j d’autres ne peuvent fe placer qu’avant j
d’autres enfin ont des fens différents , félon qu’ils
font placés avant ou après. V oy e z A djectif.
Mais fi plufieurs adjectifs font accumulés fur l e
même nom ou fur le même pronom, ou fi un
adjeétif eft modifié par quelque complément : leur
place naturelle feroit après le fujet auquel ils fe
raportent ; mais l ’intérêt de la clarté, quelque fois
de l ’harmonie, autorifé 1Tnverfion qui les place
avant- Ecoutons l ’abbé Séguy :
« Cherchez-vous l ’exaéte probité ? Pén étré de
» fes maximes , & a t te n t if à les répandre dans
» les favantes leçons qu’ i l donnoit de l ’art de bien
» dire , i l ( S . A u g u j lin ) avoir loin de faire re-
» garder le talent de la parole comme in u tile,
» pernicieux mêm e, fans l ’amour de la juftice ».
Le s poètes en üfent de même, & Voltaire va
nous en donner des exemples : ( L ’E n fa n t prodigue.
III. ?• )
Mais jeune , aveugle , à des méchants l ié , i .
Qui de mon coeur corrompoient l’innocence.
Ivre de cour dans mon extravagance ,
Je me fefois un lâche point d’honneur
De méprifer, d’infulcer fon ardeur.
Et avec un feul adjeétif modifié par tfn complément
: { ib. )
Par nos parents-l’un à l’autre promis,
Nos coeurs étoienr à leurs ordres fournis.
II. Quelque gêne que paroiffe impofer à notre
langue l ’indeclinabilité de fes mots : non feulement
e lle autorifé , dans la profe & dans les v er s, en
faveur de la clarté où de l ’énergie , toutes les
Inverfions don: on vient de parler j e lle a encore
troiïvé dans fon caradlère a l l e z de f o u p l e f t e pour
admettre, en faveur du langage poétique , beaucoup
d’aiitres Inverfions , qui lèrvent à y répandre
une agréable variété, & qui en caradlérifent l ’É lo cution.
Cette licence , accordée aux poètes, tombe
principalement fur la dilpofition des compléments
à l ’égard des mots qu’ils modifient.
. i ° . Tout complément adverbial, ou commençant
par une prépofition, peut fe placer , efi vers ,
avant le mot qu’i l , complette : mais i l ne faut ni
en rompre l ’unité , ni compromettre la perfpicuïté
de la phrafe par YInverfion , ni choquer l ’oreille
par la cacophonie. En voici des exemples, où les
prépofitions font conftruites avec des noms ou des
pronoms & avec des verbes»
A
Hermione à Pyrrhus prodiguoit tous fes charmes.
-4 partir de ces lieux il força fon courage.
A v a n t .
jAvant qu’un tel dejfein m’ entre dans la penfée,
?On pourra voir la Seine à la fainr-Jean glacée.
. A v e c .
ylvec lumière & choix cette union veut naître.
Qu 'avec nous tù juras un*fainte alliance.
' ‘ C h e Iz . ' '
Che\ tous les conviés la joie eft redoublée.
Les héros che\ Quinault parlent bien autrement.
C o N T R ï . .
Contrc.notre innocence arme votre vertu.
Lorfque lé roi , contre elle enflammé de dépit.
. D a n s .
Il parle , & dans la poudre il les fait tous rentrer.
D e. I
De l ’antique Jacob jeune poftérité.
- D e fa main fur mon front pofa le diadème.
D u trijie état des juifs nuit •& jour agité.
DÈ s.
Qui dis leur tendre enfance élevés dans Paris.
Dès que Voir eft calmé, rit des foibles humains.
D e v a n t .
Il n’a devant uîman pu fléchit les genoux.
C’eft lui q u i , m’excitant à vous ofer chercher.
Devant moi, chère Efiher, a bien voulu marcher.
E n.
E n lapins de garenne ériger nos clapiers.
E n vous eft tout l’efpoir de nos malheureux frères.
Vous-même en leur réponfe êtes intéreflee.
P ar.
Par de fidèles mains chaque jour font tracés.
A-t-on par quelque édit réformé la cuifine i
P I N D A K T .
Pendant qu’ils n’adoroient que le Dieu de leurs pires t
Ont vu bénir le cours de leurs deftins profpères.
Et pendant ces trois jours gardent un jeûne auftère,
P O LTR.
Pour les coeurs corrompus l’am tié n’ eft point faite.
Et le C ie l, qui pour moi fit pencher la balance.
- ..... ,i . . . . Et fes réponfes fages,
Pour venir jufqu à moi, trouvent mille paffages.
S ans. '
Sans ce métier, fa ta l au repos, de ma vie ,
Mes jours pleins de loifir coulcroient -faivs envie.
Hélas ï fans frijfonner quel coeur audacieux
Soutiendroit lés' éclairs qui partoient de vos ieux î
S ou s . ;
Sous d‘ orgueilleux vainqueurs quand les villes fuccômbent.
A in fi, puiffe fous toi trembler la terre entière !
: S ur;
■ Sur ce fecret encor tient ma langue enchaînée.
Mon coeur fur vos leçons veut régler fa conduite.
I l en feroit de même de tonte expreffion adverbiale
où la prépofition ne feroit pas expreftement
énoncée :
Autre part que che% moi cherchez, qui vous encenfe.
Loin de Vafpect des rois qu’ il s’écarte , -qu’ il fuye.
J’ai obfervé que , dans czs ln v e r j îo n s , il faut
prendre garde de choquer T oreille par la cacophonie.
Corneiile (P om p é e . IV. i . ) nous en donne
un exemple :
Pour de ce grand deffein ctjfàrer le fuccès.
« Cette Inverfion , dit Voltaire , eft trop rude j &
» il n’eft pas-permis de mettre ainfi une prépofition
» à côté de l ’article de ».
C ’eft avec juftice que Y In v er fion de ce vers eft
cenfurée $ mais le vice n’en eft pas apprécié avec